Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 novembre 2014 7 23 /11 /novembre /2014 06:04

 

 

Kiefer-05G.jpg

Für Paul Celan

 

 

Toiles d'Anselm Kiefer et dialogue avec Paul Celan: des blocs de matière picturale composés d'une couche croûteuse, plâtreuse, faite de plis et de replis dans lesquels se cache «la fleur de cendre» (Celan), cette impalpable trace de la vie qui n'est plus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 Paul Celan est né ce jour, le 23 novembre. Il fut peut-être le plus grand poète de langue allemande de l’après-guerre. Né en Roumanie dans une famille juive, il composa une oeuvre où la Shoah tient une place prépondérante.

 

 

Dein Haus ritt die finstere Welle, doch barg es ein Rosengeschlecht

Als Arche verliess es die Strasse, so wardst du gerettet ins Unheil.

 

Ta maison a chevauché la vague ténébreuse, mais elle cachait un lignage de roses

Arche, elle a quitté la route, ainsi fus-tu sauvé, emmené au malheur.

 

Honorer l’anniversaire de Paul Celan, né un 23 novembre, représente une impérieuse nécessité. En mémoire des tragédies du XXe siècle, dont le poète fut le témoin et la victime. Comme acte de révolte aussi, face aux barbaries qui s’installent de plus belle sous nos yeux.

 

Dans la tradition juive, l’être humain se définit par ses relations avec les autres, une vie se mesurant ainsi à l’aune d’une autre vie. Paul Celan a remplacé le vide que les absents assassinés ont laissé par des poèmes écrits au sang noir. Puis, il s’est noyé dans son époque (Il se donne la mort à Paris en se jetant dans la Seine le 20 avril 1970). La nôtre peut se retrouver dans Celan.

 

L’oeuvre de Celan – majeure s’il en est – demeure une leçon de dignité autant que d’esthétique, tant il est vrai qu’il existe une éthique de l’esthétique.

 

 

 

kiefer_pyramide-copie-1.jpg

 



Partager cet article
Repost0
22 octobre 2014 3 22 /10 /octobre /2014 05:26

 #505

 

 

Un œil, ouvert 

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,
 audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.


Profondeur douloureuse de la prunelle :


la paupière


 ne barre pas la route, le cil
  

ne compte pas ce qui entre.

 


Une larme, à demi,


lentille plus aiguë, mobile,


capte pour toi les images.

 

 

Paul Celan in Grille de parole (Sprachgitter, 1959) –Traduction de Martine Broda

 

 


 

 

Boltanski.jpg

...Voix de personne, à nouveau...

Paul Celan    

 

 

Monumenta 2010.      

Succédant à Anselm Kiefer, Christian Boltanski occupe le Grand Palais pour son exposition Personnes.

Personnes "désigne tout à la fois quelqu'un et la négation de quelqu'un. Dans ce projet, il s'agit du passage entre "être" et "n'être plus", entre personnes et personne", explique Christian Boltanski . Il s'agit pour lui de questionner, mais "il n'y a pas de réponse", dit-il.  

 

"Voix de personne, à nouveau " écrit Celan, "Il n'y a pas de réponse" dit Boltanski.


Partager cet article
Repost0
20 septembre 2013 5 20 /09 /septembre /2013 07:12

 

 

 

 

Il y avait de la terre en eux, et

ils creusaient

 

 

Il y avait de la terre en eux et

ils creusaient

Ils creusaient et creusaient, tout le jour

toute la nuit. Et ils ne louaient pas Dieu

qui, leur disait-on, voulait tout ceci

qui, leur disait-on, savait tout ceci.

 

 

Ils creusaient et n'entendaient plus rien ;

ils ne devinrent pas sages, ne crièrent aucun chant,

n'entrevirent aucune langue nouvelle.

Ils creusaient.

 

 

Vint une accalmie, l'orage vint lui aussi,

et toutes les mers.

Je creuse, tu creuses et le ver lui aussi

et ce qui chante là-bas dit : ils creusent.

 

 

Ô un, ô nul, ô personne, ô toi :

où cela menait-il, qui allait nulle part ?

Ô tu creuses et je creuse et je me creuse vers toi

et au doigt s'éveille à nous l'anneau.

 

 

 

Paul CELAN

La rose de personne

Die Niemandsrose

 

 

 

 

Melancholia-Anselm-Kiefer-1988--.jpg 

Anselm KIEFFER

Melancholia, 1988

 

 

 

*

 

 

 

Celan c'est la nuit, c'est la nuit du voyant où l'on voit comme en plein jour ce que l'on ne voit pas en plein jour; c'est les nuages du ciel qui laissent glisser un peu de fumée des crématoires d'Auschwitz et déposent sur la terre un peu des  cendres.

Celan fait entendre sa voix à la mémoire des voix assassinées à Auschwitz.

(L.A.)

 

 


Partager cet article
Repost0
27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 06:00

 

 

      Il y a soixante et onze ans aujourd'hui. C'est hier.

27 mars 1942 - 27 mars 2013

 

 

 « En 1942, les Juifs de France commençaient à descendre les dernières marches vers l’enfer », rappelle Serge Klarsfeld dans l’introduction du catalogue de l’exposition Le Temps des rafles. L’année 1942 est celle de l’extermination de 2 700 000 Juifs, polonais et russes dans leur écrasante majorité.

En France, les rafles de 1942 et celles qui suivent jusqu’à la Libération, exécutées surtout par la police française, font partie du mécanisme qui conduit les Juifs de tout un continent vers les camps d’extermination en Pologne. Le 27 mars 1942, le premier convoi de déportés juifs quitte la France pour Auschwitz, 42 convois suivront en 1942.

 

 


 

Si l'année 1940 est, en France, l'année du statut des Juifs, (étrangers et français), de l'aryanisation économique, de l'internement dans des conditions déplorables des Juifs expulsés d'Allemagne, en octobre 1940, dans les camps du sud de la France, de la privation de la nationalité française des Juifs d'Algérie, l'année 1941 est marquée par les premières rafles de Juifs.

Ce mot rafle qui fait encore trembler soixante dix ans après, peut se définir "comme une arrestation collective qui a pour but d'enfermer un groupe social, soit pour le maintenir dans des camps de concentration, soit pour remplir un train de déportés" (André Kaspi, Les Juifs pendant l'occupation). Les rafles ne sont pas des arrestations individuelles, elles ne sanctionnent aucune violation d'une loi ou d'un décret : on est arrêté dans une rafle uniquement parce qu'on est Juif.

 

La première rafle a eu lieu à Paris le 14 mai 1941 à 7 h. du matin.

C'est

 

La Rafle du "Billet Vert"

La Préfecture de Police de Paris convoque 6.494 Juifs polonais, tchécoslovaques et ex-autrichiens à l'aide "d'un billet vert" à se présenter dans différents centres éparpillés dans Paris.

3.747 se sont présentés et ont été envoyés dans les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers dans le Loiret.

La deuxième rafle a eu lieu le 20 août 1941 : des Juifs français et étrangers sont arrêtés dans la rue, dans le XIe arrondissement, puis la rafle s'étend à d'autres quartiers de Paris.

4 232 hommes sont arrêtés et envoyés dans au camp qui vient de s'ouvrir, à DRANCY (Seine-Saint-Denis).

La troisième rafle a eu lieu le 12 décembre 1941. Elle est très différente des précédentes : 1.043 Juifs de toutes origines, on l'appelle la rafle des notables, sont arrêtés à leur domicile, tôt le matin. Ils seront transportés au camp de Royallieu, près de Compiègne.

Ces trois rafles se passent dans l'indifférence générale de la population française.

De décembre 1941 à juillet 1942, les rafles sont interrompues. Pourquoi ? Parce que les Allemands ne possèdent pas assez de trains pour déporter les Juifs vers l'Est... !

 

Mais survient un événement nouveau et dramatique, la première déportation : le 27 mars 1942, le premier convoi de déportés quitte la gare du Bourget. Dans les wagons de 3ème classe (à partir du 2ème convoi, il n'y aura plus que des wagons à bestiaux) sont enfermés 1 112 hommes, en partie des internés de Drancy, pris dans la rafle du 20 août 1941, en partie des Juifs français, internés à Royallieu, lors de la rafle du 12 décembre 1941.

Le convoi est escorté jusqu'à la frontière allemande par des gendarmes français et un officier SS. Dannecker, chargé des affaires juives en France, conduit le convoi jusqu'à Auschwitz.

 

 

Cette année 1942 donc voit la chasse à l'homme juif s'étendre sur toute l'étendue du territoire français, zone libre incluse ; elle fut la plus meurtrière dans la mesure où sur les 79 convois partis de France pendant la Shoah, 45 quittent l'hexagone en 1942, et sur 75 721 déportés de France, 41 951 sont déportés en 1942, dont seuls 805 seront encore en vie en 1945.

 

 

(sources partielles : Marianne MALKA, Serge KLARSFELD)

 

 

Expo-Le-Juif-et-la-France-MichelJacquot-1941.jpg 

 

Cette "exposition" a lieu du 5 septembre 1941 au 15 janvier 1942 au palais Berlitz à Paris, puis elle est envoyée à Bordeaux et à Nancy. L'affiche est l"œuvre" de Michel Jacquot. Comme on le sait, l' "exposition" connut un très large succès.

 

*   *   *

 

 

 

 


Partager cet article
Repost0
22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 06:06

 

 

      La Nuit de Cristal (Kristallnacht)

 

 

Il y a près de 75 ans, un événement dramatique préfigurait les horreurs de la Shoah. Il s’agit de la Nuit de Cristal, pogrom contre les Juifs en Allemagne et en Autriche, qui s’est déroulée les 9 et 10 novembre 1938.

 

Au cours de ces heures terribles, près de 200 synagogues et lieux de culte ont été détruits par les flammes. 7500 magasins ou usines appartenant à des Juifs ont été saccagés.

 

Ces violences ont fait de nombreuses victimes : près de cent Juifs ont été assassinés et des centaines d’autres ont succombé à leurs blessures ou se sont suicidés. En outre, les Nazis ont déporté dans des camps de concentration près de 30 000 Juifs.

 

 Nuit-de-cristal.jpg

 

 

 

Nuit-de-cristal-copie-1.jpg

 

 

*

 

Paul Celan grandit tiraillé entre le yiddish et le judaïsme strict de son père et la langue allemande de sa mère, passionnée de poésie et de littérature. Il quitta Czernowitz pour aller étudier la médecine en France et traversa l’Allemagne le 10 novembre 1938, le lendemain de la « Nuit de Cristal ». Un de ses poèmes en gardera la trace :

 

La Contrescarpe 

 

Tu es venu

par Cracovie à l’Anhalter

Bahnhof

vers tes regards coulait une fumée

qui était déjà de demain. Sous

des paulownias

tu voyais les couteaux dressés, encore, aiguisés par la distance

 

 

 

Paul CELAN

 

La rose de Personne, 1963

 

 

paulownia.jpg

Un paulownia.

 

 

 


Partager cet article
Repost0
24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 06:04

 

 

 

 

 

 

J'étais couché sur la pierre, en ce temps-là, tu sais, sur les dalles de pierre ; et près de moi étaient couchés les autres, ceux qui étaient comme moi, les autres, ceux qui étaient autres que moi et tout à fait pareils, les cousins et les cousines...

 

 

Paul CELAN

Entretien dans la montagne

 

 

 

 

Kiefer--Ordre-de-la-Nuit-1970.jpg

 

J'étais couché sur la pierre, en ce temps-là,

tu sais, sur les dalles de pierre ...

 

 

 

 

Anselm Kiefer

 

Ordres de la Nuit

(Die berühmten Orden der Nacht)

1997

 

Acrylique et émulsion sur toile

Musée Guggenheim Bilbao

 

 

Dans ses productions et œuvres réalisées entre 1995 et 1996, on le voit allongé par terre, comme un cadavre. Dans les [célèbres] Ordres de la nuit (Die Berühmten Orden der Nacht, 1997) - voir la toile ci-dessus -, Anselm Kiefer se reproduit lui-même comme une figure solitaire allongée sur un sol sec et craquelé, sous l'immense manteau des étoiles. Anselm Kiefer est fasciné par le firmament nocturne et les différentes interprétations dont il a fait l'objet tout au long de l'histoire, et en particulier celles qui le décrivent comme un royaume divin et mystérieux qui nous ramène à nos origines et à notre destin. « La spiritualité », explique l'artiste, « consiste à connecter avec une connaissance plus ancienne et à essayer de trouver un fil conducteur entre les raisons qui nous poussent à chercher le ciel. Le ciel est une idée, une partie de [...] d'une connaissance ancienne »[1].


1. Michael Auping. Anselm Kiefer: Heaven and Earth, New York, Prestel, 2005, p. 166, p. 168.

 

 

 

Relire Celan

 


Partager cet article
Repost0
8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 11:59

 

 

 

 

A TON OMBRE

 


A TON OMBRE, A TON

ombre toute mal-sonnée aussi

j’ai donné sa chance,

 

 

 

elle, elle aussi

je l’ai lapidée à coups de moi-même,

moi le droit-ombré, le droit-

sonné –

étoile à six branches

à laquelle tu as

adonné ton silence.

 

 

 

aujourd’hui

adonne ce silence où tu veux,

 

 

 

catapultant du sous-sacralisé par l’époque,

depuis longtemps, moi aussi, dans la rue,

je sors, pour n’accueillir aucun cœur,

jusque chez moi dans le pierreux-

multiple.

 

 

Paul CELAN

Partie de neige

Traduction Jean-Pierre Lefebvre, 2007

 

 

 

Vieuxcimetierrejuifprague.jpg

Vieux Cimetière juif, Prague

 


      *   *

 

Deinem, auch deinem

 

 

Deinem, auch deinem

fehldurchläuteten Schatten

gab ich die Chance,

 

 

ihn, auch ihn

besteinigt ich mit mir

Gradgeschattetem, Grad-

geläutetem – ein

Sechsstern,

dens du dich hinschwiegst,

 

 

 

heute

schweig dich, wohin du magst,

 

 

 

 

Zeitunterheiligtes schleudernd,

längst, auch ich, auf der Strabe,

tret ich, kein Herz zu empfangen,

zu mir ins Steinig-Viele

hinaus.

 

 

 Etoile-david-cimetiere-juif-targo.jpg

Etoile

Cimetière juif de Tîrgu frumos, Roumanie

 

(...) étoile à six branches

à laquelle tu as

adonné ton silence. (...)

 

 

 

 


Pour aller un peu plus loin, on pourra lire ici un article de Bruno COGEZ, daté du 2 juillet 2003, publié dans le Portail des Balkans.

 


Partager cet article
Repost0
21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 06:22

 

 

 

Parler d’autre chose.

 

 

 

 

marée basse. Nous avons vu

les balanes, vu

les bernicles, vu

les ongles sur nos mains.

Personne n’a découpé le mot dans la paroi de notre cœur.

 

(Traces du crabe des plages, le lendemain,

sillons de rampants, galeries d’habitation, dessin

du vent dans la vase

grise. Sable fin,

sable gros,

détaché des parois, auprès

d’autres parties dures, dans les

débris.)

 

Un œil, aujourd’hui,

l’a donné à son frère, tous deux,

fermés, ont suivi le courant jusqu’à

leur ombre, déchargé

la cargaison (personne

n’a découpé le mot dans — —), fait ressortir

le harpon — une langue de terre, devant

un silence

minuscule et non navigable.

 

Paul Celan             

Grille de parole

Traduction de Martine Broda, 2001

 

 

 

Anselm-Kiefer-Burning-Rods-84-87.jpg

 

Anselm KIEFER

Burning rods, 1984/1987

 

 

“J'ai toujours eu une passion pour la littérature et surtout pour la poésie. J'aime Rimbaud, Mallarmé, Genet... Pour moi, les poèmes sont comme des bouées posées dans l'abîme ; je nage de l'un à l'autre. Sans eux, je suis perdu. Je lis d'ailleurs tous les matins, c'est ma première activité. Je descends dans ma bibliothèque et je prends un livre, presque à l'aveuglette. J'aurais pu aussi devenir écrivain. A 17 ans, j'avais reçu un prix pour un journal que j'avais rédigé. J'ai hésité à suivre cette voie. Cela ne s'est pas réalisé, car on ne peut pas faire profondément deux choses en même temps dans la vie, mais j'ai continué d'écrire mon journal. Quand je suis bloqué sur une oeuvre, l'écriture m'inspire.” 

A.KIEFER

 

 


Partager cet article
Repost0
5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 06:48

 

 

 

 

Jacques-DUPIN.jpg 

      Jacques DUPIN nous a quitté il y a quelques jours, le 27 octobre exactement. Il avait 85 ans. Nous avions donné ce poème fulgurant le 12 mai de cette année. Nous le publions de nouveau. Bon vent, monsieur DUPIN.

 

 

Paul Celan

 

Comme franchies la stridence, 

la grille,

et sur la dalle de nulle part

fermant les yeux –

 

la parole, de silence comblée,

résonne plus bas. Il vient

 

traversant l’essaim du désastre

faisant corps avec la nuit. 

 

 

 

Dans l’abrupte

l’étroite

gorge du jour se levant

 

mais le souffle secouru

par la neige, il se détache, là, 

comme si le souffle encore

attaquait de nouvelles parois

 

||

 

Par un détour, sa parole,

lui, le plus exposé,

 

sur cette pente, précisément cette pente,

il vient de toucher de l’ongle

une fleur qui se rétracte – et se multiplie…

 

Décorporée sa passion, à la fourche du chemin,

jusqu’à casser le sens, non la fleur,

pour un recueil de rosée

 

 

 

Un cœur dans le cœur comme une pierre

d’éboulis refroidie au soleil, 

une autre voix, du lointain

à tout autre visage accordée – 

 

pierre et voix soustraites

à jamais soustraites à la numération

des mots meurtriers.

 

||

 

Unisson de la blessure

et des plantes amères

où se noue et glisse

une cordée d’espace,

son souffle tire, le souffle du roncier – 

 

une lampe saisie de frayeur

jusqu’à nous se hisse

avec ce qu’a rompu l’incantation

balbutiante, la lumière – 

 

tire un corps de la contre-parole,

un visage lisse après l’ouragan

 

 

 

Risque de chaque mot, vrille

de chaque mot contre soi retournée,

si près de l’obscur

qu’il en touche le fil et la faille

et la voix presque de silence

sous le halètement de la chimère. 

 

Jacques Dupin

M’Introduire dans ton histoire,

 

P.O.L. 2007, pp. 159, 160 et 161.

 

 

 

 

kiefer.jpg

 

... Décorporée sa passion, à la fourche du chemin, ...     

 

 

 

 

 

Toile de Anselm KIEFER

 

*   *   *

 

 

Jacques DUPIN est né en 1927. Il vit à Paris.

 

francis-baconDUPIN-1990.jpg

 

Francis BACON

Portrait de Jacques Dupin, 1990

Collection du FNAC, dépôt au Musée de Picardie en 1992 © Hugo Maertens

 

Francis Bacon, peintre irlandais, naît le 28 octobre 1909 à Dublin de parents anglais. Il décède le 28 avril 1992 à Madrid, à la suite d'une pneumonie.



Partager cet article
Repost0
12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 05:48

 

 

 

Paul Celan

 

Comme franchies la stridence, 

la grille,

et sur la dalle de nulle part

fermant les yeux –

 

la parole, de silence comblée,

résonne plus bas. Il vient

 

traversant l’essaim du désastre

faisant corps avec la nuit. 

 

 

 

Dans l’abrupte

l’étroite

gorge du jour se levant

 

mais le souffle secouru

par la neige, il se détache, là, 

comme si le souffle encore

attaquait de nouvelles parois

 

||

 

Par un détour, sa parole,

lui, le plus exposé,

 

sur cette pente, précisément cette pente,

il vient de toucher de l’ongle

une fleur qui se rétracte – et se multiplie…

 

Décorporée sa passion, à la fourche du chemin,

jusqu’à casser le sens, non la fleur,

pour un recueil de rosée

 

 

 

Un cœur dans le cœur comme une pierre

d’éboulis refroidie au soleil, 

une autre voix, du lointain

à tout autre visage accordée – 

 

pierre et voix soustraites

à jamais soustraites à la numération

des mots meurtriers.

 

||

 

Unisson de la blessure

et des plantes amères

où se noue et glisse

une cordée d’espace,

son souffle tire, le souffle du roncier – 

 

une lampe saisie de frayeur

jusqu’à nous se hisse

avec ce qu’a rompu l’incantation

balbutiante, la lumière – 

 

tire un corps de la contre-parole,

un visage lisse après l’ouragan

 

 

 

Risque de chaque mot, vrille

de chaque mot contre soi retournée,

si près de l’obscur

qu’il en touche le fil et la faille

et la voix presque de silence

sous le halètement de la chimère. 

 

Jacques Dupin

M’Introduire dans ton histoire,

 

P.O.L. 2007, pp. 159, 160 et 161.

 

 

 

 

kiefer.jpg

 

... Décorporée sa passion, à la fourche du chemin, ...     

 

 

 

 

 

Toile de Anselm KIEFER

 

*   *   *

 

 

Jacques DUPIN est né en 1927. Il vit à Paris.

 

francis-baconDUPIN-1990.jpg

 

Francis BACON

Portrait de Jacques Dupin, 1990

Collection du FNAC, dépôt au Musée de Picardie en 1992 © Hugo Maertens

 

Francis Bacon, peintre irlandais, naît le 28 octobre 1909 à Dublin de parents anglais. Il décède le 28 avril 1992 à Madrid, à la suite d'une pneumonie.



Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : nuageneuf.over-blog.com
  • : Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
  • Contact

Recherche

Archives

Pages