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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 23:17

greve-F.Naudet.jpg

Illustration : Françoise NAUDET  - SUR LA GREVE

 Françoise NAUDET (1928-2008) est un sculpteur contemporain. Elle est mondialement connue et s'inscrit dans une lignée très proche de celle de Camille CLAUDEL. Voir ses œuvres :

http://www.dicart-net.fr/PHOTOS/naudet/img0000.htm


L’ami Jules Renard (1864-1910) écrit dans son Journal : « Bouderie : une grève de gamin ».

André Frossard (1915-1995) qui tint, entre autres, une chronique quotidienne de haut vol dans le Figaro sous le titre mémorable de « Cavalier seul »  dit : « Je n’ai jamais très bien compris pourquoi une journée de grève s’appelle une journée d’action. » in Pensées.

Jacques Prévert (1900-1977) surprend avec ce poème (à tout le moins un peu fade, enfantin, et resté relativement méconnu) écrit en 1933, lors de la grève, dure et violente, chez Citroën.

 

 

Citroën

 

  

À la porte des maisons closes

    C’est une petite lueur qui luit…

    Mais sur Paris endormi, une grande lumière s’étale :

    Une grande lumière grimpe sur la tour,

    Une lumière toute crue.

    C’est la lanterne du bordel capitaliste,

    Avec le nom du tôlier qui brille dans la nuit.

 

   

Citroën ! Citroën !

 

  

C’est le nom d’un petit homme,

    Un petit homme avec des chiffres dans la tête,

    Un petit homme avec un sale regard derrière son lorgnon,

    Un petit homme qui ne connaît qu’une seule chanson,

    Toujours la même.

 

  

Bénéfices nets…

    Millions… Millions…

 

  

Une chanson avec des chiffres qui tournent en rond,

    500 voitures, 600 voitures par jour.

    Trottinettes, caravanes, expéditions, auto-chenilles, camions…

 

  

Bénéfices nets…

    Millions… Millions…Citron… Citron

 

  

Et le voilà qui se promène à Deauville,

    Le voilà à Cannes qui sort du casino

 

  

Le voilà à Nice qui fait le beau

    Sur la promenade des Anglais avec un petit veston clair,

    Beau temps aujourd’hui ! le voilà qui se promène qui prend l’air,

 

  

Il prend l’air des ouvriers, il leur prend l’air, le temps, la vie

    Et quand il y en a un qui crache ses poumons dans l’atelier,

    Ses poumons abîmés par le sable et les acides, il lui refuse

    Une bouteille de lait. Qu’est-ce que ça peut bien lui foutre,

    Une bouteille de lait ?

    Il n’est pas laitier… Il est Citroën.

 

  

Il a son nom sur la tour, il a des colonels sous ses ordres.

    Des colonels gratte-papier, garde-chiourme, espions.

    Des journalistes mangent dans sa main.

    Le préfet de police rampe sous son paillasson.

 

  

Citron ?… Citron ?… Millions… Millions…

 

  

Et si le chiffre d’affaires vient à baisser, pour que malgré tout

    Les bénéfices ne diminuent pas, il suffit d’augmenter la cadence et de

    Baisser les salaires des ouvriers

 

  

Baisser les salaires

 

  

Mais ceux qu’on a trop longtemps tondus en caniches,

    Ceux-là gardent encore une mâchoire de loup

    Pour mordre, pour se défendre, pour attaquer,

    Pour faire la grève…

    La grève…

 

  

Vive la grève !

 

   

    Jacques Prévert

 


Note : Nuageneuf dédie avec cordialité ce billet à M. Jérôme LEROY.

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commentaires

J
<br /> <br /> Eh bien merci beaucoup, cher monsieur. Je suis très touché.<br /> <br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> <br /> <br />
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