Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 août 2010 5 20 /08 /août /2010 14:09

Préambule : Il était une fois un artiste surréaliste qui, à partir de 1943, peint en reprenant les canons impressionnistes dans un style volontairement kitsch. Il s'appelle Magritte et ce genre est mal accepté par son entourage, au point qu'il va l'abandonner. De cette production il reste, entre autres, une gouache :

" Raminagrobis ", le chat attendant le train.

 26848-Magritte--Rene.jpg



 

La Chatte métamorphosée en Femme

 

 

 

 

Un homme chérissait éperdument sa chatte;

Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,

          Qui miaulait d'un ton fort doux:

          Il était plus fou que les fous.

Cet homme donc, par prières, par larmes,

          Par sortilèges et par charmes,

          Fait tant qu'il obtient du destin

          Que sa chatte, en un beau matin,

          Devient femme; et, le matin même,

          Maître sot en fait sa moitié.

          Le voilà fou d'amour extrême,

          De fou qu'il était d'amitié.

          Jamais la dame la plus belle

          Ne charma tant son favori

          Que fait cette épouse nouvelle

          Son hypocondre de mari.

          Il l’amadoue, elle le flatte ;

          Il n'y trouve plus rien de chatte.

Un soir quelques souris qui rongeaient de la natte

Troublèrent le repos des nouveaux mariés.

          Aussitôt la femme est sur pieds.

          Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, femme d'être en posture :

     Pour cette fois elle accourut à point;

          Car, ayant changé de figure,

          Les souris ne la craignaient point.

          Ce lui fut toujours une amorce,

          Tant le naturel a de force.

Il se moque de tout, certain âge accompli.

Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli ?

          En vain de son train ordinaire

          On le veut désaccoutumer :

          Quelque chose qu'on puisse faire,

          On ne saurait le réformer.

          Coups de fourche ni d'étrivières

          Ne lui font changer de manières;

          Et fussiez-vous embâtonnés,

          Jamais vous n'en serez les maîtres.

          Qu'on lui ferme la porte au nez,

          Il reviendra par les fenêtres.

 

Jean de La Fontaine, Fable XVIII, Livre II.


Quelques éclaircissements pour les jeunes lecteurs :

Charme: Au sens classique, signifie enchantement, sortilège.

 

Maître sot: Ironie de La Fontaine : l’homme est devenu maître en sottise !

 

Hypocondre signifie ici hypocondriaque dans le sens de fou, extravagant

 

Il l'amadoue: Caresser en parlant du chat mais aussi flatter quelqu’un. La Fontaine joue sur les deux sens du terme.

 

En posture: En position de chat de guet, prêt à bondir.

 

L’amorce est - en langage de chasse - l’animal qui fait prendre la piste.

 

De son train ordinaire: De son allure ordinaire.

 

Les étrivières: Courroies reliant la selle aux étriers et qui servent facilement à frapper. Donner les étrières à quelqu’un signifie le battre avec une courroie.

 

Embâtonnées: Selon Furetière, il s’agit d’un « vieux mot qui signifiait autrefois un homme armé d’un bâton. »

 

Il reviendra par les fenêtres: Dans « Le Loup et le Renard » (Livre XII, fable 9), la morale est semblable : « Que sert-il qu’on se contrefasse ? / Prétendre ainsi changer est une illusion : / L’on reprend sa première trace / A la première occasion. »


Note : Comme toujours, Esope est l'initiateur de cette fable. Le titre était « La Chatte et Aphrodite ». Et dans la fable d'Esope, une jeune femme, éperdument amoureuse d’un jeune homme, demandait à Vénus à se voir transformer en chatte. Mais la déesse mit la belle à l’épreuve en lâchant une souris dans la chambre !

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : nuageneuf.over-blog.com
  • : Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
  • Contact

Recherche

Archives

Pages