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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 13:10

La fin de la journée

 

Sous une lumière blafarde

Court, danse et se tord sans raison

La Vie, impudente et criarde.

Aussi, sitôt qu'à l'horizon

 

La nuit voluptueuse monte,

Apaisant tout, même la faim,

Effaçant tout, même la honte,

Le Poète se dit : « Enfin !

 

Mon esprit, comme mes vertèbres,

Invoque ardemment le repos ;

Le coeur plein de songes funèbres,

 

Je vais me coucher sur le dos

Et me rouler dans vos rideaux,

Ô rafraîchissantes ténèbres ! »

 

Charles Baudelaire.

 

1821-1867 Les Fleurs du Mal , in La Mort, CXXIV


 

énième rappel : nous ne commentons pas Baudelaire. Parce que la beauté n’a pas à s’expliquer, elle s’impose.


 

Bonus! une superbe et étonnante vidéo :lien

 

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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 14:27

migraine.jpg

 

 Spleen

 

 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,

Et que de l'horizon embrassant tout le cercle

II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

 

Quand la terre est changée en un cachot humide,

Où l'Espérance, comme une chauve-souris,

S'en va battant les murs de son aile timide

Et se cognant la tête à des plafonds pourris;

 

Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D'une vaste prison imite les barreaux,

Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées

Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

 

Des cloches tout à coup sautent avec furie

Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

Ainsi que des esprits errants et sans patrie

Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

 

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,

Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,

Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,

Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

 

 

Charles Baudelaire

in Les Fleurs du mal - LXXVIII


 

Rappel : nous ne commentons pas Baudelaire. Nous notons simplement que ce poème est le dernier des quatre Spleen; et peut-être le plus terrible, le plus angoissant.

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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 10:41




L’homme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans l’odeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants, y a contracté une délicatesse d’épiderme et une distinction d’accent, une espèce d’androgynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste, relativement à la perfection dans l’art, un être incomplet.

in
Les Paradis artificiels


La Géante

Au temps que la nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J'eusse aimé vivre auprès d'une jeune géante,
Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.

J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ses terribles jeux ;
Deviner si son cœur couve une sombre flamme

Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux ;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes ;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d'une montagne.


19ème poème des Fleurs du mal




Rappel : Nous ne commentons pas Baudelaire. 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 23:53

a-une-passante-207x300.jpg

Léonor FINI a réalisé l’illustration des Fleurs du mal, dont ce tableau pour le poème A une passante.

 

A une passante

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,      

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

 

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

 

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

 

Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal – 1857 –

« Tableaux parisiens » - N° XCIII -

 


 

Ce poème semble être une allégorie de l’inaccessible Idéal, thème cher à Baudelaire. Mais, comme indiqué il y a quelque temps, nous prenons le parti de ne pas commenter Baudelaire mais simplement de proposer en partage des poèmes qui nous touchent. Un très distingué correspondant nous écrivait ce matin à ce propos : « Baudelaire, c'est le chef des sorciers : ce qu'il dit révèle des formes et en suggère d'autres, qui, toutes, nous affolent. Notre mutisme naît de notre stupéfaction. » . C’est dit, et bien dit. Donc, fermons le ban.

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 07:08

turner-william-001.JPG 

Illustration : William TURNER. « Staffa, la grotte de Fingal » -1832 -

 

Bien sûr, il y a Celan, Carême, Obaldia, Queneau.
Et puis, il y a Racine, Rostand, Verlaine et Rimbaud...Et Desnos, Eluard et Prévert et …


Mais Baudelaire
 ! En six mois, pas même une allusion à Baudelaire. Ne mériterait-il pas, parmi eux, une place, pour ne pas dire une place « énorme » ? On entend d’ici Fabrice Luchini pestant : « Baudelaire ! Baudelaire, mais c’est énooorrrme, Baudelaire ! »

Mais voilà, nous étions trop impressionnés. C’est que Baudelaire est ENORME ! Ecraserait-il tous les autres? Et que choisir ? Si les sculptures de Rodin expriment la puissance, la poésie de Baudelaire l'exprime tout autant.
Ah oui, elle en "impose" ! Bien sûr, on peut en louer la rigueur de composition, la richesse des images, mais aussi et surtout, en éprouver le mystère
. Mystère de l'envoûtement. On peut décortiquer, disséquer les textes et en disserter, mais la plus grande jouissance est de se laisser porter, abandonné aux sensations de la langue pour respirer, toucher, entendre, voir...

Goûter la beauté. Rare privilège.
Baudelaire, oui, parce que la beauté n'a pas à s'expliquer, elle s'impose.

 

- Et que choisir ? disions-nous plus haut. Le tout premier poème que nous proposons aujourd’hui nous parait heureusement épouser l’atmosphère que nous tentons de créer sur ce blog.

 

 

L’étranger

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?

- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

- Tes amis ?

- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

- Ta patrie ?

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

- La beauté ?

- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

- L’or ?

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

 

in Petits Poèmes en prose.

 


Note 1 : sous-titre Le Spleen de Paris, recueil posthume de poèmes en proses publié en 1869, composé d’une cinquantaine de pièces rédigées entre 1855 et 1864.


 

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