Illustration : Le jeune apprenti, peinture d’Amadeo Modigliani. © Musée de l’Orangerie - RMN
On a souvent comparé les poètes à des enfants. C’est heureux. Car comme eux, ils ont la faculté de s’émerveiller, de découvrir. En ces temps de préparation aux examens ou compositions de fin d’année, respirons ces poèmes de François Villon, de Clément Marot, d’Arthur Rimbaud et de Jacques Prévert …
Bien sais, se j'eusse estudié,
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dedié,
J'eusse maison et couche molle,
Mais quoi? Je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant.
En escripvant cette parolle,
A peu que le cuer ne me fent.
Ce qui donne en français d’aujourd’hui à peu près ceci :
Je sais bien que si j'avais étudié,
Au temps de ma jeunesse folle,
Et si j'avais été sage,
J'aurais une maison et un bon lit,
Mais quoi ? Je fuyais l'école,
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole,
Mon coeur se brise presque.
François Villon (1431 – mort vers 1463) in Le Grand Testament
Le premier des grands poètes français exprime ses regrets de n’avoir pas étudié quand il était jeune.
L’enfance de Marot
Sur le printemps de ma jeunesse folle,
Je ressemblais l'hirondelle qui vole,
De çà, de là : l’âge me conduisait
Sans peur ni soin, où le cœur me disait.
En la forêt, sans la crainte des loups,
Je m'en allais souvent cueillir le houx,
Pour faire glu à prendre oiseaux ramages,
Tous différents de chants et de plumages.
Oh! que de fois aux arbres grimpé j'ai,
Pour dénicher ou la pie ou le geai,
Ou pour jeter des fruits jà mûrs et beaux
A mes copains qui tendaient leurs chapeaux.
Clément Marot (1496 – 1544)
Enfance
Extrait III
Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.
Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.
Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.
Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.
Arthur Rimbaud in Les Illuminations (1873-1875)
Le cancre
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Jacques PRÉVERT in Paroles