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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 05:04

 

 

 

Voyage en Grèce

 

J’aurai filé tous les nœuds de mon destin d’un trait, sans une escale: le cœur rempli de récits de voyages, le pied toujours posé sur le tremplin flexible des passerelles du départ et l’esprit trop prudent surveillant sans cesse les écueils.

Prisonnier entre les arêtes précises du paysage et les anneaux des jours, rivé à la même chaîne de rochers, tendue pour maîtriser les frénésies subites de la mer, j’aurai suivi, dans le bouillonnement furieux de leur sillage, tous les bateaux chargés qui sont partis sans moi. Hostile au mouvement qui va en sens inverse de la terre et, insensiblement, nous écarte du bord: regardant, le dos tourné à tous ces fronts murés, à ces yeux sans éclat, à ces lèvres cicatrisées et sans murmures, par-dessus les aiguilles enchevêtrées du port qui, les jours de grand vent, du fil de l’horizon tissent la voile des nuages. En attendant un autre tour. En attendant que se décident les amarres; quand la raison ne tient plus à la rime: quand le sort est remis au seul gré du hasard jusqu’au jour où j’aurais pu enfin prendre le large sur un de ces navires de couleur, sans équipage, qui vont en louvoyant mordre de phare en phare comme des poissons attirés par la mouche mordorée du pêcheur. Courir sous la nuit aimantée sans une étoile, dans le gémissement du vent et le halètement harassé de la meute des vagues pour, lorsqu’émerge enfin des profondeurs de l’horizon sévère le fronton limpide du matin, aborder, au signal du levant, l’éclatant rivage de la Grèce — dans l’élan sans heurt des flots dociles, frémissant parmi les doigts de cette large main posée en souveraine sur la mer.

 

 

Pierre REVERDY

Balle au bond

 

 

 

Bateaux.N.-de-Stael.jpeg

Nicolas DE STAEL

Bateaux

 

 

 

 

bateau-De-Stael.jpeg

 

...Tous les bateaux chargés qui sont partis sans moi...

 

 

Nicolas DE STAEL

Bateau

 

 


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27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 07:14

 

 

TARD DANS LA VIE  

 

 

 

Je suis dur

Je suis tendre

Et j'ai perdu mon temps

À rêver sans dormir

À dormir en marchant

Partout où j'ai passé

J'ai trouvé mon absence

Je ne suis nulle part

Excepté le néant

Mais je porte caché au plus haut des entrailles

A la place où la foudre a frappé trop souvent

Un cœur où chaque mot a laissé son entaille

Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement

 

 

 reverdy.jpg

Pierre REVERDY in La liberté des mers, 1959.

 

 

Editions Maeght, poèmes illustrés par Georges Braque.

 

 *   *   *

Pierre Reverdy, 1889 – 1960, est un poète français. 

 

Reverdy-Braque-La-Liberte-des-mers.jpg

 

 

 

 

Georges Braque et Pierre Reverdy travaillèrent ensemble sur plusieurs livres, par exemple pour une édition des Ardoises du toit (1918) et pour Une Aventure méthodique (1950).

Le 5 avril 1950, Reverdy acheva une copie manuscrite du poème La Liberté des Mers et son écriture particulièrement grande fut reproduite grandeur nature. Le travail d'impression, avec les lithographies de Braque, ne fut terminé que cinq ans plus tard, le 15 juin 1959. Braque était célèbre pour l'intérêt qu'il portait au procédé graphique et pour la patience avec laquelle il attendait d'avoir obtenu les meilleurs résultats. Ce majestueux livre d'artiste de presque 40 centimètres sur 60 ne fut finalement publié que fin mai 1960, un mois avant le décès de Reverdy (le 17 juin). Il doit son nom au classique d'Hugo Grotius (ou Hugo de Groot) sur le droit maritime: le livre Mare liberum, c'est-à-dire "la mer libre".

 

 

 

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 06:34

 

 

Sur un petit air

 

Dans les tourbillons du vent
Le coeur vole vole vole
Dans les rayons du printemps

Le coeur vole vole vole
Dans la cage des amants
Le coeur vole vole vole
Dans l’orage et les tourments

Puis se pose pose pose
Se pose bien sagement
Puis se pose pose pose
Entre les bras d’un enfant

 

 

Pierre-Reverdy-.jpg

Pierre Reverdy  (1889-1960)
 

 



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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 06:59

 

 

Tard dans la vie

Je suis dur
Je suis tendre
        Et j'ai perdu mon temps
        A rêver sans dormir
        A dormir en marchant
Partout où j'ai passé
J'ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place où la foudre a frappé trop souvent
Un coeur où chaque mot a laissé son entaille
Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement

Pierre Reverdy in La liberté des mers –1959 -

 

 


reverdy-la-liberte-des-mers.jpg
Braque et Reverdy travaillèrent ensemble sur plusieurs livres, par exemple pour une édition des Ardoises du toit (1918) et pour Une Aventure méthodique (1950). Le 5 avril 1950, Reverdy acheva une copie manuscrite du poème La Liberté des Mers et son écriture particulièrement grande fut reproduite grandeur nature. Le travail d'impression, avec les lithographies de Braque, ne fut terminé que cinq ans plus tard, le 15 juin 1959. Braque était célèbre pour l'intérêt qu'il portait au procédé graphique et pour la patience avec laquelle il attendait d'avoir obtenu les meilleurs résultats. Ce majestueux livre d'artiste de presque 40 centimètres sur 60 ne fut finalement publié que fin mai 1960, un mois avant le décès de Reverdy (le 17 juin). Il doit son nom au classique d'Hugo Grotius (ou Hugo de Groot) sur le droit maritime: le livre Mare liberum, c'est-à-dire "la mer libre".

 


Illustration : la couverture du recueil par G.Braque.

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 07:25

reverdy.jpg

Illustration : PIERRE REVERDY peint par MODIGLIANI

 

Pierre Reverdy est né le 11 septembre 1889. Il est mort en 1960.

Profondément religieux, il est un proche de Picasso, de Matisse, de Braque, d’Apollinaire, de Jacob ou encore de Modigliani. Son inspiratrice et maîtresse d’un temps fut Coco Chanel – il lui écrira de très nombreux poèmes -  avant qu’il ne se retirât définitivement en 1926 en l’Abbaye de Solesmes, à l’âge de 37 ans, où il resta jusqu'à sa mort.

 

 

 

 

HORIZONTAL ET TOUT EST DIT

 

Je voudrais tomber de plus haut

Quand le sanglot de la pluie cesse

Un rire humide entr'ouvre la fenêtre

On a encore le temps de venir

 

Le quart est fait puis la demie

Les heures gluantes qui passent

C'est la dernière fois que l'on prendra le train

Le four se fait encore attendre

On peut venir de là ou de plus loin

Ce sera toujours pour descendre

 

Dans la rue vide où personne ne vient

Une seule voiture glisse

Un air triste que l'on retient

Tout tourne plus vite que le temps

Les oiseaux qu'emporte le vent

La glace me regarde et rit

La pendule bat la mesure

A mon coeur qui n'est pas guéri

Tout est remis d'autres blessures

 

Le calme plane

On est tout seul

La chambre n'est pas assez grande

Pour garder pendant le sommeil

Les rêves qui fuient sur la bande

 

Pierre REVERDY – Janvier 1925.


Note : Reverdy est un des poètes favoris des lycées, collèges et institutions privés catholiques.

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