Fourmi
Il va pleuvoir, cela se sent
Et je suis seul. Moi, seul au monde
Ai vu passer
la suite est ici (clic)
Fourmi
Il va pleuvoir, cela se sent
Et je suis seul. Moi, seul au monde
Ai vu passer
la suite est ici (clic)
Où c’qu’est la ‘tit’ minoiselle
Où c’qu’est la ‘tit’ minoiselle,
La florette des minous,
La mignote si joiselle
Qui florissait parmi nous ?
NORGE
Hamilton©
NORGE est un poète belge contemporain, né en 1898 et mort en 1990.
Crime et Châtiment
Il avait pris l'habitude de ne plus répondre
Et quand on l'interrogeait,
il se donnait simplement l'air d'une poule qui va pondre.
Il avait pris l'habitude de ne plus se défendre
Et quand on l'accusait,
Il se donnait simplement l'air de quelqu'un sous qui la terre va se fendre.
Les choses les plus sérieuses, il semblait vraiment s'en
amuser.
Et allait jusqu'à sourire devant les guichets et dans les musées.
Evidemment, cette façon de faire devait lui attirer des ennuis,
Rien n'est insupportable comme quelqu'un qui sourit jour et nuit.
Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé
Et un jour, il s'est éveillé en prison avec les deux pieds rivés.
Evidemment, il n'y avait pas de raison de l'en faire sortir
Puisqu'il n'y avait pas eu de raison de l'y faire entrer.
Voilà ce que c'est, Messieurs-dames, de sourire
Quand les autres ne savent pas pourquoi vous souriez....
NORGE
Semaines
Lundi, mardi, mercredi :
Roulis, fourbis, cliquetis.
Cœurs et jours à folles ailes
Dans leur fuite de gazelles.
Jeudi : soucis. Vendredi :
giboulis, torticolis,
Joues au vent, à petits sauts
Joutent les jours jouvenceaux.
De lundi à samedi,
La course aux maravédis.
Florins, francs, ducats, roupies !
Tournez les ans, les toupies,
Les monts, les mers, les mâtures
Et plusieurs lunes futures.
Mais où est, fleur de pervenche
Sur son ineffable branche,
Naïve et douce de hanche,
Ma dimanche ? O ma dimanche.
NORGE
Georges MATHIEU
La fureur d'être
Georges MATHIEU
THUIR, 1964
Le petit non
Le p'tit grain d'plomb qui faucha l'gros lapin,
Le p'tit couteau dans le cœur de Marie,
Le p'tit éclair sur l'épaul' de Firmin,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort en série.
Le p'tit crochet dans la bouch' du gardon,
Le p'tit poison qui mordit l'sang d'Adèle
Le p'tit microb' dans l'intestin d'Raymond,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort naturelle.
Le p'tit vent creux dans les poumons d'Julot,
Le p'tit lacet qui serra l'cou du loir,
Le p'tit marteau sur la caboch' du veau,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort accessoire.
Mais le p'tit non sur les lèvres d'Anna
Quand je lui d'mande encore un peu d'amour,
Ca, c'est d'l'horreur, ça c'est d'l'assassinat,
D'la mort qui pue et d'la griff de vautour.
Anna, ma douc', Anna mon p'tit mouton,
Tout'les aut'morts, qu'est c'que tu veux qu'ça m'fasse ?
Mais ce p'tit non qui répond toujours non,
Ce p'tit non-là, c'est d'la mort dégueulasse.
NORGE
Une bonne trentaine de poèmes de NORGE déjà publiés,
c'est ici.
Le mordeur
Longue bougie, éclairez son visage.
Naquit mordeur, enfant de terre ;
Mordit fort au lait de sa mère.
Longue bougie, éclairez son visage.
Mordit à la pomme d’enfance
Lisse de jus et de croyances,
Mordit au chiffre, à la grammaire.
Longue bougie, éclairez son ardoise.
Mordit au sein de ses chéries,
Lavande, oeillet, chardon, framboise.
Mordit le doux, mordit l’amer.
Longue bougie, éclairez ses prairies.
Limailles, clous, feux et labeurs,
Mordit au bois, mordit au fer ;
Pour manger, peines qu’il faut faire.
Longue bougie, éclairez sa sueur.
Mordit au sel, mordit au gel,
Mordit au gel et à la guerre.
Homme de troupe, homme ordinaire.
Longue bougie, éclairez sa gamelle.
Mordit aux draps de maladie.
Dieu, qu’il est tôt, ma fleur de vie ;
Lavande, oeillet, chardon, fougère !
A peine mordue et finie.
NORGE
publié dans “Remuer ciel et terre” aux défuntes éditions Labor
DALI
Enfant géopolitique observant la naissance de l’homme nouveau, 1943
Dalí écrivait en 1973 : « L’Histoire ne me concerne pas. Elle me fait aussi peur que les sauterelles ». Il écrit également qu’elle ne l’a jamais intéressé en raison de son caractère anecdotique. Les anecdotes de sa propre vie en revanche acquièrent un caractère historique dans sa mythographie. Et c’est en appliquant le fruit de ses réflexions psychanalytiques au comportement des peuples qu’il propose d’expliquer l’histoire humaine. Ici, le monde devient littéralement l’œuf que Dalí décortique pour s’auto-révéler et, se faisant, révéler le monde à lui-même. L’Enfant géopolitique observant la naissance de l’homme nouveau, peint en 1943 aux États-Unis, jouant de ces confusions entre microcosme et macrocosme, fait sortir l’homme nouveau du continent nord-américain.
Source : Centre Pompidou.
Encore un fils
N’aurais-tu pas un second fils, Seigneur ?
La terre attend un nouveau labourage,
L’argile est sourde et l’homme est oublieur ;
Ta vieille voix n’a plus le même orage.
Un jeune fils après mille et mille ans
Pour nous éclore une jeune espérance.
L’homme assoiffé guette un jeune printemps,
Ta vieille croix a perdu sa jouvence.
Ce fils cadet viendrait nous enseigner
Les feux, les vins de nouvelles aurores
Et sur son cri saurait beaucoup saigner
Car l’homme croit ce que le sang colore.
Amour viendrait avec ton second fils,
Comme Jésus, longtemps nous jubiler
Et nous, Seigneur, pour changer le supplice,
Nous saurons bien le pendre ou le brûler.
NORGE
Dali
Le Christ de saint Jean de la croix, 1951
Boucherie
Dans la boucherie ombragée
Par d’opulents morceaux de bœuf
Officie un prêtre tout veuf.
Son épouse d’ailleurs âgée
Étant morte depuis le neuf Courant,
un vendredi par chance.
Et lui, prince de la balance,
Jette bien rouges sur ce trône
Digne aloyau, rognons béjaunes
Et les grandes langues aphones
Les cervelles conjecturales
Aux florescences sous-marines
Et la tête de veau très pâle
Mais un peu plus rose aux narines.
La date du jour fiancée
Aux œillets du comptoir parmi
Les doux cressons et les pensées
De la clientèle d’ici
Sont bien présents dans ce récit.
Et quel beau ressac pour l’esprit
De ce boucher triste qui songe
Entre tous ses coups de hachoir
Au sort de la chair, de déchoir ;
Tandis que tombe un peu le soir
Et que feu la bouchère plonge
Son récent fantôme au milieu
De ces fantômes demi-dieux
Qui hantent dans la boucherie
Leurs sanglantes allégories.
NORGE
Famines, 1950
Norge est né en 1898 près de Bruxelles, à Molenbeek-Saint-Jean. Il s’éteindra à Mougins (Norge est le pseudonyme de Georges Mogin. Mogin est mort à Mougins !) en 1990 .
Mais de fait, dès après la guerre, il s’installe à Saint-Paul-de-Vence où il exerce le métier d’antiquaire. Il avait épousé en 40 une peintre belge, Denise Perrier-Berche.Bien des belges s’installaient à Saint-Paul où l’on ne trouve pratiquement que des galeristes et des antiquaires. On l’a rapproché de Michaux pour la richesse et l’audace d’une langue si bien maîtrisée qu’elle peut tout se permettre, mais il s’éloigne de lui par un humour particulier, déconcertant et drôle, et une très joyeuse fantaisie.
Annibale CARRACCI
en français Annibal Carrache (1560 -1609)
La Boucherie
vers 1580
Sur la pointe
Tu crois que c’est gai de vivre nu,
Tout nu sur la pointe d’une aiguille
Avec tout ce vide autour de soi
Avec tout ce creux dans les poumons,
Tout nu sur la pointe d’une aiguille
Sans un grain de sable pour s’asseoir
Et sans un nuage pour dormir,
Sans une chanson dans les oreilles
Tout nu sur la pointe d’une aiguille
Avec tout ce froid, ce froid, ce froid
Et ce ciel muet sur les épaules,
Tu crois que c’est gai de vivre mort
Dans l’abîme d’être et ne pas être,
Debout sur la pointe d’une aiguille ?
NORGE
Le Stupéfait
Je mets beaucoup d'ordre dans mes idées.
Ca ne va pas tout seul :
Il y a des idées qui ne supportent pas l'ordre
Et qui préfèrent crever.
À la fin j'arrive à avoir beaucoup d'ordre,
Et presque plus d'idées.
NORGE
Les Oignons, 1953
Equipement pour rangement d'idées.