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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 06:57

 

 

 

 

 

 

 

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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 04:38

 

 

 

 

Le Lion et le Rat

 

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

De cette vérité deux Fables feront foi,

Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un Lion

Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.

Le Roi des animaux, en cette occasion,

Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.

Ce bienfait ne fut pas perdu.

Quelqu'un aurait-il jamais cru

Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?

Cependant il advint qu'au sortir des forêts

Ce Lion fut pris dans des rets,

Dont ses rugissements ne le purent défaire.

Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents

Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

 

 

La-Fontaine.jpg


 

 

 

Deux morales dans la même fable que chacun aujourd'hui encore connait par cœur. Sacré La Fontaine !

A l'origine, comme de coutume, il s'agit d' une fable d'Ésope, Le Lion et le Rat reconnaissant. Le thème fut repris par Marot dans son Épître à Lyon Jamet.

Le même thème de l'entraide est exposé dans la fable qui suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Colombe et la Fourmi

 

Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,

Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.

Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi

S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.

La Colombe aussitôt usa de charité :

Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,

Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.

Elle se sauve ; et là-dessus

Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.

Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.

Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus

Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.

Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,

La Fourmi le pique au talon.

Le Vilain retourne la tête :

La Colombe l'entend, part, et tire de long.

Le soupé du Croquant avec elle s'envole :

Point de Pigeon pour une obole.

 

 

Jean de la FONTAINE

Fable XI & XII du Livre deuxième, 1668

 

 

 

Vocabulaire :

Croquant : gueux, misérable, qui n’a aucun bien, qui en temps de guerre n’a pour toutes armes qu’un croc. Les paysans qui se révoltent sont de pauvres croquants.  (Fur.)

Vilain : dans le vieux langage, signifiait un roturier, un paysan. 

Tirer de long : signifie s’enfuir. (Fur.)

 

 

 

 

Plus-petit-que-soi.jpg

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

 

 

 

 

Chenonceau.jpg

Patience et longueur de temps...

 

Mondrian-labyrinthe-.jpg

... Font plus que force ni que rage.

 

 

Piet MONDRIAN

Labyrinthe

 

 

 

 


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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 05:09

 

 

Il était une fois un artiste surréaliste qui, à partir de 1943, peint en reprenant les canons impressionnistes dans un style volontairement kitsch. Il s'appelle Magritte et ce genre est mal accepté par son entourage, au point qu'il va l'abandonner. De cette production il reste, entre autres, cette gouache :

 

 

 


 26848-Magritte--Rene.jpg

René MAGRITTE

Raminagrobis, le chat attendant le train

 



 

La Chatte métamorphosée en Femme

 

 

 

 

Un homme chérissait éperdument sa chatte ;

Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,

          Qui miaulait d'un ton fort doux :

          Il était plus fou que les fous.

Cet homme donc, par prières, par larmes,

          Par sortilèges et par charmes,

          Fait tant qu'il obtient du destin

          Que sa chatte, en un beau matin,

          Devient femme ; et, le matin même,

          Maître sot en fait sa moitié.

          Le voilà fou d'amour extrême,

          De fou qu'il était d'amitié.

          Jamais la dame la plus belle

          Ne charma tant son favori

          Que fait cette épouse nouvelle

          Son hypocondre de mari.

          Il l’amadoue, elle le flatte ;

          Il n'y trouve plus rien de chatte.

Un soir quelques souris qui rongeaient de la natte

Troublèrent le repos des nouveaux mariés.

          Aussitôt la femme est sur pieds.

          Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, femme d'être en posture :

Pour cette fois elle accourut à point;

          Car, ayant changé de figure,

          Les souris ne la craignaient point.

          Ce lui fut toujours une amorce,

          Tant le naturel a de force.

Il se moque de tout, certain âge accompli.

Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli ?

          En vain de son train ordinaire

          On le veut désaccoutumer :

          Quelque chose qu'on puisse faire,

          On ne saurait le réformer.

          Coups de fourche ni d'étrivières

          Ne lui font changer de manières;

          Et fussiez-vous embâtonnés,

          Jamais vous n'en serez les maîtres.

          Qu'on lui ferme la porte au nez,

          Il reviendra par les fenêtres.

 

Jean de La Fontaine

Fable XVIII, Livre II.


 

 

 

 

Quelques éclaircissements pour les jeunes lecteurs :


Charme: Au sens classique, signifie enchantement, sortilège.

 

Maître sot: Ironie de La Fontaine : l’homme est devenu maître en sottise !

 

Hypocondre signifie ici hypocondriaque dans le sens de fou, extravagant.

 

Il l'amadoue: Caresser en parlant du chat mais aussi flatter quelqu’un. La Fontaine joue sur les deux sens du terme.

 

En posture: En position de chat de guet, prêt à bondir.

 

L’amorce est - en langage de chasse - l’animal qui fait prendre la piste.

 

De son train ordinaire: De son allure ordinaire.

 

Les étrivières: Courroies reliant la selle aux étriers et qui servent facilement à frapper les flancs d'un cheval. 

 

Embâtonnées: Selon Furetière, il s’agit d’un « vieux mot qui signifiait autrefois un homme armé d’un bâton. »

 

Il reviendra par les fenêtres: Dans « Le Loup et le Renard » (Livre XII, fable 9), la morale est semblable :

Que sert-il qu’on se contrefasse ?

Prétendre ainsi changer est une illusion :

L’on reprend sa première trace

A la première occasion. 


 

 

 

Note : Comme souvent, Esope est l'initiateur de cette fable. Le titre était « La Chatte et Aphrodite ». Et dans la fable d'Esope, une jeune femme, éperdument amoureuse d’un jeune homme, demandait à Vénus à se voir transformer en chatte. Mais la déesse mit la belle à l’épreuve en lâchant une souris dans la chambre !

 

 


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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 05:52

 

 

 

 

LA JEUNE VEUVE

 

     

    La perte d’un époux ne va point sans soupirs ;

    On fait beaucoup de bruit ; et puis on se console :

    Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole,

                Le Temps ramène les plaisirs.

                Entre la veuve d’une année

                Et la veuve d’une journée

    La différence est grande ; on ne croirait jamais

                Que ce fût la même personne :

    L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits.

    Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ;

    C’est toujours même note et pareil entretien ;

                On dit qu’on est inconsolable ;

                On le dit, mais il n’en est rien,

                Comme on verra par cette fable,

                Ou plutôt par la vérité.

     

                L’époux d’une jeune beauté

    Partait pour l’autre monde. À ses côtés, sa femme

    Lui criait : « Attends-moi, je te suis ; et mon âme,

    Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler. »

                Le mari fait seul le voyage.

    La belle avait un père, homme prudent et sage ;

                Il laissa le torrent couler.

                À la fin, pour la consoler :

    « Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes :

    Qu’a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?

    Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts.

                Je ne dis pas que tout à l’heure

                Une condition meilleure

                Change en des noces ces transports ;

    Mais, après certain temps, souffrez qu’on vous propose

    Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose

          Que le défunt. — Ah ! dit-elle aussitôt,

                Un cloître est l’époux qu’il me faut. »

    Le père lui laissa digérer sa disgrâce.

                Un mois de la sorte se passe ;

    L’autre mois, on l’emploie à changer tous les jours

    Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure :

                Le deuil enfin sert de parure,

                En attendant d’autres atours ;

                Toute la bande des Amours

    Revient au colombier ; les jeux, les ris, la danse,

                Ont aussi leur tour à la fin :

                On se plonge soir et matin

                Dans la fontaine de Jouvence.

    Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ;

    Mais comme il ne parlait de rien à notre belle :

                « Où donc est le jeune mari

                Que vous m’avez promis ? » dit-elle.

     

 

 

JEAN DE LA FONTAINE

Fables XXI, livre sixième.

 

 

 

 

la-jeune-veuve_.jpg

La Jeune Veuve

Illustration de Gustave DORE   

 

 

W.Bouguereau.jpg 

      ... Toute la bande des Amours

   Revient au colombier ...

 

William BOUGUEREAU, 1825 - 1905

 

gerome.jpg

(...)  On se plonge soir et matin

Dans la fontaine de Jouvence. (...)

 

Jean-Léon GEROME, 1824 - 1904

 


 

...Le temps n'est-il pas le plus grand consolateur ? Apophtegme bien connu de ceux qui ont atteint l'âge de la sagesse, comme le père de la Belle et, sans doute, La Fontaine lui-même... 

 



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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 05:46

 

 

 

 

 

Les deux amis

 

Deux vrais amis vivaient au Monomotapa (1) :

L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre :

   Les amis de ce pays-là

   Valent bien dit-on ceux du nôtre.

Une nuit que chacun s’occupait au sommeil,

Et mettait à profit l’absence du Soleil,

Un de nos deux Amis sort du lit en alarme :

Il court chez son intime, éveille les valets :

Morphée avait touché le seuil de ce palais.

L’Ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;

Vient trouver l’autre, et dit : Il vous arrive peu

De courir quand on dort ; vous me paraissiez homme

À mieux user du temps destiné pour le somme :

N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?

En voici. S’il vous est venu quelque querelle,

J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point

De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle

Était à mes côtés : voulez-vous qu’on l’appelle ?

— Non, dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point :

Je vous rends grâce de ce zèle.

Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;

J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru.

    Ce maudit songe en est la cause.

Qui d’eux aimait le mieux, que t’en semble, Lecteur ?

Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.

Qu’un ami véritable est une douce chose.

Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;

   Il vous épargne la pudeur

   De les lui découvrir vous-même.

   Un songe, un rien, tout lui fait peur

   Quand il s’agit de ce qu’il aime.

 

 

 

Jean de La Fontaine

1621-1695

 

Fables

Second recueil (1678), fable 11

 

 

 

Verlaine--Rimbaud.jpg

Deux amis (à gauche Verlaine et à son coté Rimbaud)

 

 

Henri FANTIN-LATOUR

1836 - 1904

Un coin de table, 1872

Henri Fantin-Latour expose au Salon de 1872 Coin de table, représentant une société de poètes réunis à la fin d'un repas. De ces huit convives, la postérité n'en a guère retenu que deux : Verlaine et Rimbaud, assis côte à côte, comme isolés des autres dîneurs, pour l'éternité.

 

 

Cyrano---Le-Bret.jpg

 Deux amis : Cyrano et Le Bret

 

 

 

 


(1)  L'Empire Monomotapa n’est pas une invention de La Fontaine ! C’était un royaume médiéval (1450-1629) situé en Afrique australe et recouvrant les territoires des actuels Zimbabwe et Mozambique. Sa capitale était le Grand Zimbabwe.

 

Monomotapa.jpg

 


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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 06:19

 

 

 

L'Ours et les deux Compagnons



Deux compagnons pressés d'argent

A leur voisin Fourreur vendirent

La peau d'un Ours encor vivant,

Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.

C'était le Roi des Ours au compte de ces gens.

Le Marchand à sa peau devait faire fortune.

Elle garantirait des froids les plus cuisants,

On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une.

Dindenaut * prisait moins ses Moutons qu'eux leur Ours :

Leur, à leur compte, et non à celui de la Bête.

S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,

Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,

Trouvent l'Ours qui s'avance, et vient vers eux au trot.

Voilà mes gens frappés comme d'un coup de foudre.

Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre :

D'intérêts contre l'Ours, on n'en dit pas un mot.

L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre ;

L'autre, plus froid que n'est un marbre,

Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent *,

Ayant quelque part ouï dire

Que l'Ours s'acharne peu souvent

Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.

Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau.

Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie,

Et de peur de supercherie

Le tourne, le retourne, approche son museau,

Flaire aux passages de l'haleine.

C'est, dit-il, un cadavre ; Otons-nous, car il sent.

A ces mots, l'Ours s'en va dans la forêt prochaine.

L'un de nos deux Marchands de son arbre descend,

Court à son compagnon, lui dit que c'est merveille

Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.

Eh bien, ajouta-t-il, la peau de l'animal ?

Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?

Car il s'approchait de bien près,

Te retournant avec sa serre.

- Il m'a dit qu'il ne faut jamais

Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre.

 

 

Jean de la Fontaine

Fables XX, Livre V

 

 

Dindenaut : allusion au Dindenaut chez Rabelais. Dindenaut, marchand de moutons,

fait l’éloge de ses bêtes à Panurge pour les lui vendre très cher. 

Tenir son vent : retenir son souffle.

 

 

 

AP.jpeg

...Le Marchand à sa peau devait faire fortune... 

 

 

photo ©David Vincent/AP - Brest, 30 janvier 2012

 


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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 14:41

 

 

Source du document : Le site officiel Lafontaine.net

 

 

Cette fable provient d’une ancienne tradition médiévale. La Fontaine ajoutera cependant une trouvaille de son cru, le tribunal des animaux. Beaucoup verront dans le Lion un portrait du roi Louis XIV et mettront en parallèle cette fable et les nombreux pamphlets qui circulaient contre celui-ci pendant l’affaire Fouquet (auquel La Fontaine gardera toute son amitié jusqu’à sa mort). On retrouvera dans cette fable une moquerie subtile du manichéisme politique et de la subtilité et les artifices des juristes du temps.

 

 

Les Animaux malades de la Peste
 


 

Un mal qui répand la terreur,

            Mal que le ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,

La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),

Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,

            Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:

            On n'en voyait point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie;

            Nul mets n'excitait leur envie,

            Ni loups ni renards n'épiaient

            La douce et l'innocente proie;

            Les tourterelles se fuyaient:

            Plus d'amour, partant plus de joie.

Le lion tint conseil, et dit: «Mes chers amis,

            Je crois que le Ciel a permis

            Pour nos péchés cette infortune;

            Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux;

Peut-être il obtiendra la guérison commune.

L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents

            On fait de pareils dévouements (1):

Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence

            L'état de notre conscience

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,

            J'ai dévoré force moutons.

            Que m'avaient-ils fait? Nulle offense;

Même il m'est arrivé quelquefois de manger

                        Le berger.

Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense

Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi:

Car on doit souhaiter, selon toute justice,

            Que le plus coupable périsse.

- Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;

Vos scrupules font voir trop de délicatesse.

Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce.

Est-ce un pêché? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,

            En les croquant, beaucoup d'honneur;

            Et quant au berger, l'on peut dire

            Qu'il était digne de tous maux,

Etant de ces gens-là qui sur les animaux

            Se font un chimérique empire.»

Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.

            On n'osa trop approfondir

Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances

            Les moins pardonnables offenses:

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,

Au dire de chacun, étaient de petits saints.

L'âne vint à son tour, et dit: «J'ai souvenance

            Qu'en un pré de moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,

            Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.

Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.»

A ces mots on cria haro sur le baudet.

Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue

Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.

Sa peccadille fut jugée un cas pendable.

Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable!

            Rien que la mort n'était capable

D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

 

Jean de la Fontaine. Livre VII - Fable 1 

 

(1) sacrifice 

 

 


 

 

153-Franklin-Street-tribeca.jpg

 

Illustration : 153 Franklin Street, New-York City, N.Y.

 

Note : Cette illustration ne provient pas du site Lafontaine.net.

 

 



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9 juillet 2011 6 09 /07 /juillet /2011 23:06

#504  

 

Dédicacé à tous les ami(e)s fidèles de Nuageneuf

 

 

Parole de Socrate

 

Socrate un jour faisant bâtir,

Chacun censurait son ouvrage :

L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir,

Indignes d'un tel personnage ;

L'autre blâmait la face, et tous étaient d'avis

Que les appartements en étaient trop petits.

Quelle maison pour lui ! L'on y tournait à peine.

Plût au ciel que de vrais amis,

Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine !

Le bon Socrate avait raison

De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.

Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose :

Rien n'est plus commun que ce nom,

Rien n'est plus rare que la chose.

 

 

 

Jean de La Fontaine. Fables. Livre IV, dix-septième fable.

 

 

 renoir-1876-moulin-de-la-galette-copie-1.jpg

Illustration : RENOIR. Le moulin de la Galette, 1876.

 

Note : La plupart des personnages peints sont pratiquement tous des amis de Renoir.

 


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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 07:14

#502    

      Avertissement : Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.



 

 

 

L'Homme et la Couleuvre

Un Homme vit une Couleuvre.
Ah ! méchante, dit-il, je m'en vais faire une oeuvre
Agréable à tout l'univers.
A ces mots, l'animal pervers
(C'est le serpent que je veux dire
Et non l'homme : on pourrait aisément s'y tromper),
A ces mots, le serpent, se laissant attraper,
Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire,
On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
Afin de le payer toutefois de raison,
L'autre lui fit cette harangue :
Symbole des ingrats, être bon aux méchants,
C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
Ne me nuiront jamais. Le Serpent, en sa langue,
Reprit du mieux qu'il put : S'il fallait condamner
Tous les ingrats qui sont au monde,
A qui pourrait-on pardonner ?
Toi-même tu te fais ton procès. Je me fonde
Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi.
Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice,
C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ;
Selon ces lois, condamne-moi ;
Mais trouve bon qu'avec franchise
En mourant au moins je te dise
Que le symbole des ingrats
Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles
Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas.
Enfin il repartit : Tes raisons sont frivoles :
Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ;
Mais rapportons-nous-en. - Soit fait, dit le reptile.
Une Vache était là, l'on l'appelle, elle vient ;
Le cas est proposé ; c'était chose facile :
Fallait-il pour cela, dit-elle, m'appeler ?
La Couleuvre a raison ; pourquoi dissimuler ?
Je nourris celui-ci depuis longues années ;
Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées ;
Tout n'est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants
Le font à la maison revenir les mains pleines ;
Même j'ai rétabli sa santé, que les ans
Avaient altérée, et mes peines
Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin
Sans herbe ; s'il voulait encor me laisser paître !
Mais je suis attachée ; et si j'eusse eu pour maître
Un serpent, eût-il su jamais pousser si loin
L'homme, tout étonné d'une telle sentence,
Dit au Serpent : Faut-il croire ce qu'elle dit ?
C'est une radoteuse ; elle a perdu l'esprit.
Croyons ce Boeuf. - Croyons, dit la rampante bête.
Ainsi dit, ainsi fait. Le Boeuf vient à pas lents.
Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête,
Il dit que du labeur des ans
Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants,
Parcourant sans cesser ce long cercle de peines
Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines
Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ;
Que cette suite de travaux
Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes,
Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux,
On croyait l'honorer chaque fois que les hommes
Achetaient de son sang l'indulgence des Dieux.
Ainsi parla le Boeuf. L'Homme dit : Faisons taire
Cet ennuyeux déclamateur ;
Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,
Au lieu d'arbitre, accusateur.
Je le récuse aussi. L'arbre étant pris pour juge,
Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ;
Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs.
L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire ;
Il courbait sous les fruits ; cependant pour salaire
Un rustre l'abattait, c'était là son loyer,
Quoique pendant tout l'an libéral il nous donne
Ou des fleurs au Printemps, ou du fruit en Automne ;
L'ombre l'Eté, l'Hiver les plaisirs du foyer.
Que ne l'émondait-on, sans prendre la cognée ?
De son tempérament il eût encor vécu.
L'Homme trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu,
Voulut à toute force avoir cause gagnée.
Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là.
Du sac et du serpent aussitôt il donna
Contre les murs, tant qu'il tua la bête.
On en use ainsi chez les grands.
La raison les offense ; ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes, et gens,
Et serpents.
Si quelqu'un desserre les dents,
C'est un sot. - J'en conviens. Mais que faut-il donc faire ?
- Parler de loin, ou bien se taire.
 

 

 

Jean de La Fontaine. Livre X, Fable 1

 


La fable lue par Fabrice Luchini :


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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 07:46

 

 

Avertissement : Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

 

 

 

La Chatte métamorphosée en femme

 

Un homme chérissait éperdument sa Chatte ;

Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,

Qui miaulait d'un ton fort doux.

Il était plus fou que les fous.

Cet Homme donc, par prières, par larmes,

Par sortilèges et par charmes,

Fait tant qu'il obtient du destin

Que sa Chatte en un beau matin

Devient femme, et le matin même,

Maître sot en fait sa moitié.

Le voilà fou d'amour extrême,

De fou qu'il était d'amitié.

Jamais la Dame la plus belle

Ne charma tant son Favori

Que fait cette épouse nouvelle

Son hypocondre de mari.

Il l'amadoue, elle le flatte ;

Il n'y trouve plus rien de Chatte,

Et poussant l'erreur jusqu'au bout,

La croit femme en tout et partout,

Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte

Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.

Aussitôt la femme est sur pieds :

Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, femme d'être en posture.

Pour cette fois elle accourut à point :

Car ayant changé de figure,

Les souris ne la craignaient point.

Ce lui fut toujours une amorce,

Tant le naturel a de force.

Il se moque de tout, certain âge accompli :

Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli.

En vain de son train ordinaire

On le veut désaccoutumer.

Quelque chose qu'on puisse faire,

On ne saurait le réformer.

Coups de fourche ni d'étrivières

Ne lui font changer de manières ;

Et, fussiez-vous embâtonnés,

Jamais vous n'en serez les maîtres.

Qu'on lui ferme la porte au nez,

Il reviendra par les fenêtres.

 

 

Jean de la Fontaine, Livre II, fable 18

 

 

 


 

Note : 

Dans  Le Loup et le Renard (Livre XII, fable 9), nous lisons une morale semblable :

 

Que sert-il qu’on se contrefasse ?

Prétendre ainsi changer est une illusion :

L’on reprend sa première trace

A la première occasion.

 



 

Leonor-Fini.-Psyche.jpg

Illustration :

Léonor FINI. Psyché.

 

 

 


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