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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 05:59

 

Rimbaud meurt aujourd'hui. C'est il y a 122 ans et

c'est le 10 novembre 1891 à Marseille.

Et c'est hier.

 

 

Enfance

 


Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.

   Il y a une horloge qui ne sonne pas.

   Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.

   Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

   Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

   Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

   Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.

 

 

Arthur Rimbaud 

Les Illuminations. 

Enfance, extrait III (1873-1875)

 

 

ernest rimbauddansparis

 

...Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. 

 


*  *  *


rimbaud

 

 

...Je ne parlerai pas, je ne penserai rien...

 


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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 08:06

 

rimbaud.jpg

       Jacques Chirac a utilisé le terme abracadabrantesque  en 2000. L’adjectif avait été malicieusement déniché pour lui par D. De Villepin, qui rédigeait alors ses discours ou interventions. Encore aujourd’hui, peu en connaissent l’origine mais beaucoup ont retenu le mot, sans toutefois réussir à le prononcer correctement !

 

Mais, revenons à l'histoire de ce poème. Petit récapitulatif :

 

 

 

 

Lettre de Rimbaud à Georges Izambart.

Dans cette lettre, Rimbaud inclut le poème. Pour une meilleure lisibilité, nous donnons le poème après sa lettre alors que dans la réalité, le poème est inséré dans sa missive.

 

Monsieur Georges Izambart, professeur

27, rue de l'Abbaye-des-champs,

à Douai,

Nord.

 

 

 

Charleville, 13 mai 1871

 

 

     Cher Monsieur !

 

 

     Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m'avez-vous dit ; vous faites partie des corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. − Moi aussi, je suis le principe : je me fais cyniquement entretenir ; je déterre d'anciens imbéciles de collège : tout ce que je puis inventer de bête, de sale, de mauvais, en action et en parole, je le leur livre : on me paie en bocks et en filles. − Stat mater dolorosa, dum pendet filius.  − Je me dois à la Société, c'est juste, − et j'ai raison. − Vous aussi, vous avez raison, pour aujourd'hui. Au fond, vous ne voyez en votre principe que poésie subjective : votre obstination à regagner le râtelier universitaire, − pardon! − le prouve ! Mais vous finirez toujours comme un satisfait qui n'a rien fait, n'ayant voulu rien faire. Sans compter que votre poésie subjective sera toujours horriblement fadasse. Un jour, j'espère, − bien d'autres espèrent la même chose, − je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le feriez ! − Je serai un travailleur : c'est l'idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris − où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais; je suis en grève.

     Maintenant, je m'encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. − Pardon du jeu de mots. −

Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait !

     Vous n'êtes pas Enseignant pour moi. Je vous donne ceci : est-ce de la satire, comme vous diriez ? Est-ce de la poésie ? C'est de la fantaisie, toujours. − Mais, je vous en supplie, ne soulignez ni du crayon, ni − trop − de la pensée :

 

 

 

 

LE CŒUR SUPPLICIE

 

Mon triste cœur bave à la poupe…(l’entièreté du poème se trouve ci-dessous)

Ça ne veut pas rien dire. − RÉPONDEZ-MOI : chez M. Deverrière, pour A. R.

          Bonjour de cœur,

Art. Rimbaud

 

 

 

Et voici le poème qui est inséré dans la lettre, à l'endroit où nous l'avons signalé. 

 

 

Le Cœur supplicié.

 

Mon triste cœur bave à la poupe ...

Mon cœur est plein de caporal!

Ils y lancent des jets de soupe,

Mon triste cœur bave à la poupe...

Sous les quolibets de la troupe

Qui lance un rire général,

Mon triste cœur bave à la poupe,

Mon cœur est plein de caporal!

 

Ithyphalliques et pioupiesques

Leurs insultes l'ont dépravé;

À la vesprée, ils font des fresques

Ithyphalliques et pioupiesques;

Ô flots abracadabrantesques,

Prenez mon cœur, qu'il soit sauvé!

Ithyphalliques et pioupiesques,

Leurs insultes l'ont dépravé.

 

Quand ils auront tari leurs chiques,

Comment agir, ô cœur volé?

Ce seront des refrains bachiques

Quand ils auront tari leurs chiques!

J'aurai des sursauts stomachiques

Si mon cœur triste est ravalé!

Quand ils auront tari leurs chiques,

Comment agir, ô cœur volé ?

 

mai 1871

 

 

 

 

 

 

rimbaud_pignon_mur.jpg

 

" Rimbaud, il fallait que ce soit un marcheur, même arrêté." Ernest Pignon-Ernest 

rimbaud-par-ernestpignonernest-1.jpg

 

 

 

Merveilleux travail d'Ernest Pignon-Ernest, dont nous avons déjà longuement parlé, entre autres ici

 



Note à propos de ce poème :

       Malgré son titre pathétique, ce poème narre une anecdote plutôt grotesque : Rimbaud se trouve sur un bateau et s'est placé à la poupe pour vomir, sous les moqueries de ses compagnons (strophe 1) ; mais on comprend bientôt qu'il est en train de subir une sodomisation de la part d'un groupe de soldats ityphalliques et avinés (strophe 2). Il sent son "cœur" souillé et en appelle aux flots purificateurs de la mer (strophes 3).

    

       La question finale : "comment agir ?" n'est pas facile à interpréter. On peut risquer une lecture biographique de cette phrase à la lumière de la lettre à Izambard (voir ci-dessus) où le poème trouve place. Rimbaud évoque dans cette lettre la vie dépravée et la situation précaire qui sont les siennes à Charleville en ce mois de mai 1871, sans argent, se faisant "entretenir" par des compagnons qu'il méprise (compagnons de bistrot et, peut-on supposer, de beuverie et de débauche) : l'anecdote du poème pourrait fort bien être comprise comme une représentation allégorique de cette situation vécue. Or, la lettre qui contient "Le Cœur supplicié" montre aussi les hésitations de Rimbaud. Il se sent englué dans sa vie médiocre et dégradante, et coupable de s'y complaire alors que tout (ses convictions politiques, l'idée qu'il se fait de la poésie) devrait le porter vers cette :« bataille de Paris, où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! » D'où, sans doute, ce cri de désarroi : "Comment agir, ô cœur volé ?"

 

 

    

       Le texte est représentatif de la poésie nouvelle que Rimbaud est en train d'élaborer en ce printemps 1871 : anti-lyrisme, polysémie du vocabulaire, multiplication des niveaux de lecture et des perspectives symboliques. La trivialité forcée du texte apparaît comme un masque, et les efforts faits par l'auteur pour se cacher derrière ce masque renforcent en nous l'intuition de sa détresse. Paradoxalement, ce poème de combat anti-lyrique est un puissant exemple de lyrisme personnel, d'un genre nouveau.

 

 

 

 

 

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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 04:59

 

 

 

 

 

 

Michel et Christine

 

 

Zut alors, si le soleil quitte ces bords !

Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.

Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,

L'orage d'abord jette ses larges gouttes.

 

O cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,

Des aqueducs, des bruyères amaigries,

Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons

Sont à la toilette rouge de l'orage !

 

Chien noir, brun pasteur dont le manteau s'engouffre,

Fuyez l'heure des éclairs supérieurs ;

Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,

Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.

 

Mais moi, Seigneur ! voici que mon Esprit vole,

Après les cieux glacés de rouge, sous les

Nuages célestes qui courent et volent

Sur cent Solognes longues comme un railway.

 

Voilà mille loups, mille graines sauvages

Qu'emporte, non sans aimer les liserons,

Cette religieuse après-midi d'orage

Sur l'Europe ancienne où cent hordes iront !

 

Après, le clair de lune ! partout la lande,

Rougissant leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers

Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !

Les cailloux sonnent sous cette fière bande !

 

- Et verrai-je le bois jaune et le val clair,

L'épouse aux yeux bleus, l'homme au front rouge, - ô Gaule

Et le blanc Agneau pascal, à leurs pieds chers,

- Michel et Christine, - et Christ ! - fin de l’Idylle.

 

Arthur RIMBAUD 

 

Poésies,1872          

 

 

 

Dali.-Christ-de-St-jean-de-la-croix.jpg

- Michel et Christine, - et Christ ! - fin de l’Idylle

                        

 

DALI

Christ de St Jean de la Croix.

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2 avril 2013 2 02 /04 /avril /2013 05:10

 

 

 

Rimbaud le Poète, cela suffit, cela est infini.

   René CHAR

 

 

 

 

 

 

Cette fois, c'est la Femme que j'ai vue dans la ville, et à qui j'ai parlé et qui me parle.

 

J'étais dans une chambre sans lumière. On vint me dire qu'elle était chez moi : et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière ! Je fus très ému, et beaucoup parce que c'était la maison de famille : aussi une détresse me prit ! j'étais en haillons, moi, et elle, mondaine, qui se donnait ; il lui fallait s'en aller ! Une détresse sans nom, je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue ; et dans ma faiblesse indicible, je tombai sur elle et me traînai avec elle parmi les tapis sans lumière. La lampe de la famille rougissait l'une après l'autre les chambres voisines. Alors la femme disparut. Je versai plus de larmes que Dieu n'en a pu jamais demander.

 

Je sortis dans la ville sans fin. ô Fatigue ! Noyé dans la nuit sourde et dans la fuite du bonheur. C'était comme une nuit d'hiver, avec une neige pour étouffer le monde décidément. Les amis auxquels je criais : où reste-t-elle, répondaient faussement. Je fus devant les vitrages de là où elle va tous les soirs : je courais dans un jardin enseveli. On m'a repoussé. Je pleurais énormément, à tout cela. Enfin je suis descendu dans un lieu plein de poussière, et assis sur des charpentes, j'ai laissé finir toutes les larmes de mon corps avec cette nuit. - Et mon épuisement me revenait pourtant toujours.

 

J'ai compris qu'elle était à sa vie de tous les jours ; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu'une étoile. Elle n'est pas revenue, et ne reviendra jamais, l'Adorable qui s'était rendue chez moi, - ce que je n'aurais jamais présumé. - Vrai, cette fois, j'ai pleuré plus que tous les enfants du monde.

 

Arthur RIMBAUD

Les Déserts de l'Amour

vers 1871/1872

 

 

 

J.Jacques-Henner-Dormeuse--1893.jpg

Jean-Jacques HENNER

Dormeuse, 1893

Musée d'Orsay

 

 

 

Picasso-La-dormeuse-1932.jpg

PICASSO

La Dormeuse, 1932

 

 

 


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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 06:19

 

Rimbaud meurt aujourd'hui. C'est il y a 121 ans et

c'est le 10 novembre 1891 à Marseille.

Et c'est hier.

 

 

Enfance

 


Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.

   Il y a une horloge qui ne sonne pas.

   Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.

   Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

   Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

   Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

   Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.

 

 

Arthur Rimbaud 

Les Illuminations. 

Enfance, extrait III (1873-1875)

 

 

ernest rimbauddansparis

 

...Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. 

 


*  *  *


rimbaud

 

 

...Je ne parlerai pas, je ne penserai rien...

 


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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 05:20

 

 

CONNERIE 1    

 

Jeune goinfre

 

Casquette,

De moire

A.Rimbaud

Quéquette

D’ivoire,


Toilette

Très noire,

Paul guette

L’armoire,


Projette

Languette

Sur poire,


S’apprête,

Baguette,

Et foire.


A. R.

 

 

Arthur RIMBAUD

Album Zutique

 

 

Le Cercle des poètes Zutiques (ou Zutistes) était un groupe de poètes qui se réunissait à L'Hôtel des Étrangers, boulevard Saint-Michel à Paris en octobre 1871. Sans programme ni manifeste, le groupe comptait parmi ses membres des noms aussi illustres que Charles Cros, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, André Gill, Ernest Cabaner, Léon Valade, ou Camille Pelletan.
Ernest Cabaner était barman et jouait du piano à l'Hôtel des Étrangers; il y avait une chambre au troisième étage où il hébergea Rimbaud en octobre et novembre 1871.
De ces réunions du groupe, on a conservé un Album Zutique, dans lequel les zutistes caricaturaient férocement les poètes parnassiens (avec une attention toute particulière accordée à François Coppée, tête de Turc du groupe) par des poèmes parodiques et érotiques et aussi des dessins.
La durée de vie du cercle est courte puisque ses membres entreprirent de le saborder au plus tard en septembre 1872. Après avoir transmis l'Album au groupe des « Vivants » (Germain Nouveau, Jean Richepin, Raoul Ponchon et Paul Bourget - auxquels il faut ajouter le nom de Maurice Bouchor, mais ce dernier ne signe aucun poème de l'Album) en 1872, Charles Cros, nostalgique, réutilisera l'appellation zutique à l'occasion de la création d'un nouveau cercle, en 1883.
 

 

 

Hotel-des-Etrangers.jpg

L'Hôtel des Etrangers à Paris. Ce n'est qu'en 1990 qu'il a changé d'enseigne. Il est situé Boulevard Saint Michel, au coin de la rue Racine. Le rez-de-chaussée est un magasin de prêt-à-porter, les étages des chambres d'hôtel à l'enseigne Best Western.

 

 


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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 08:05

 

 

 rimbaud voyages

      Photo ©Joël H.

 

 

 

 

Départ

 

Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.

Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.

Assez connu. Les arrêts de la vie.  — Ô Rumeurs et Visions !

Départ dans l'affection et le bruit neufs !

 

 

A.RIMBAUD

 

Illuminations, 1873-1875

 

 

 


 

Note : Surprenant, ce "Départ dans..." !  - C'est Rimbaud !

 


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20 octobre 2011 4 20 /10 /octobre /2011 07:32

 

 

jmd-pour-rimbaud.JPG

...Et j’irai loin, bien loin

 


Sensation est le second poème du Cahier de Douai. Aujourd'hui, Rimbaud fête ses 16 ans, on est alors le 20 octobre 1870.

Il écrit ces deux quatrains… 

 

 

 

 

 

Sensation

 

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :

Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

 

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l'amour infini me montera dans l'âme,

Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la nature, - heureux comme avec une femme.

 

 

Arthur RIMBAUD 

 

 

 

 

Note :

Photo aimablement offerte par Jean-Marie Descamps. Le 17 octobre, entre Desvres et Fauquembergues, vers 8h30.

 


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13 juillet 2011 3 13 /07 /juillet /2011 06:54

 #507

 

 

 

 

 

Enfance

 

(Extrait III)

 

 

Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.

   Il y a une horloge qui ne sonne pas.

   Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.

   Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

   Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

   Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

   Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.

 

 

Arthur Rimbaud in Les Illuminations (1873-1875)

 

 

dali-montremolle-1931.jpg

...Il y a une horloge qui ne sonne pas.

 

Illustration : Salvador DALI. Montre molle, La persistance de la mémoire, 1931. 

 

 


 

Note : Les poèmes de la série Enfance sont au nombre de cinq. Dans celui-ci, le troisième, pas de « Je ». Mais des évènements minuscules, des trouvailles, des rencontres, celles de l’enfance rêveuse et solitaire. Les  joies paraissent fragiles ou menacées, les envies sans doute insatisfaites…

 


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18 mai 2011 3 18 /05 /mai /2011 06:31

 

 

 

Allez ! Allez ! (Re)lisons vite pour ensoleiller la journée le premier poème des Cahiers de Douai. Le tout premier. Première soirée. C’est le titre. Rimbaud a 16 ans !

 

Première soirée

 

- Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

 

Assise sur ma grande chaise,

Mi-nue, elle joignait les mains.

Sur les planchers frissonnaient d'aise

Ses petits pieds si fins, si fins.

 

- Je regardai, couleurs de cire,

Un petit rayon buissonnier

Papillonner dans son sourire

Et sur son sein, - mouche au rosier.

 

- Je baisai ses fines chevilles.

Elle eut un doux rire brutal

Qui s'égrenait en claires trilles,

Un joli rire de cristal.

 

Les petits pieds sous la chemise

Se sauvèrent: "Veux-tu finir!"

- La première audace permise,

Le rire feignait de punir!

 

- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,

Je baisai doucement ses yeux:

- Elle jeta sa tête mièvre

En arrière: "Oh! C'est encor mieux!...

 

Monsieur, j'ai deux mots à te dire..."

-Je lui jetai le reste au sein

Dans un baiser, qui la fit rire

D'un bon rire qui voulait bien...

 

- Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

 

A.RIMBAUD

première publication le 13 août 1870 sous le titre "Trois baisers". 

 



Note: Que d'enthousiasme que l'éveil sentimental d'un adolescent nommé Rimbaud ! Ce sont là quelques vers de ses premiers poèmes, écrits avant sa troisième fugue de Douai, à partir de laquelle il connaîtra les mutations que l'on connait. N'a-t-il pas demandé à Monsieur Demeny (dans une lettre du 10 juin 1871), de brûler tous ces vers « qu'il fut assez sot d'écrire ». Demeny a bien fait de ne pas les brûler, ce qui nous permet aujourd'hui d'apprécier son incroyable précocité… poétique.


 

bouguereau.1880-jpg.jpg

 

Illustration: William BOUGUEREAU. Jeune fille se défendant contre Eros, 1880.

 

 

 


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