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9 juillet 2010 5 09 /07 /juillet /2010 09:34

cyrano_sorano3_1.jpg 

 

 

Daniel Sorano est pour nous le plus grand interprète de Cyrano. Ne l’appelait-on pas Sorano de Bergerac ? Mort d’une crise cardiaque en 1962, à l’âge de 41 ans, il fut inhumé, selon son souhait, vêtu du costume de Cyrano.

 

 

 

 

 


Sainte Amandine est fêtée le neuf juillet.

 

Née en Belgique, Pauline Jeuris (1872-1900) se fit sœur Maria Amandina, franciscaine, et partit en mission en Chine.

Sa joie de vivre et sa bonté firent qu'on l'appela la "Vierge européenne qui rit toujours".

Elle fut assassinée au cours de la guerre de Boxers alors

qu'elle avait à peine 28 ans. Elle fut canonisée le 1er octobre 2000.

 


 

Quant à notre fameux poète pâtissier, ce bon Rageneau, il donne en vers sa recette des tartelettes amandines :

 

RAGUENEAU

Comment on fait les tartelettes amandines.

Battez, pour qu'ils soient mousseux,

Quelques œufs ;

Incorporez à leur mousse

Un jus de cédrat choisi ;

Versez-y

Un bon lait d'amande douce;

Mettez de la pâte à flan

Dans le flanc

De moules à tartelette ;

D'un doigt preste, abricotez

Les côtés ;

Versez goutte à gouttelette

Votre mousse en ces puits, puis

Que ces puits

Passent au four, et, blondines,

Sortant en gais troupelets,

Ce sont les

Tartelettes amandines!

 

LES POETES, la bouche pleine

Exquis! Délicieux!

 

UN POETE, s'étouffant

Homph!

 

Ils remontent vers le fond, en mangeant. Cyrano qui a observé s'avance vers Ragueneau.

 

CYRANO

Bercés par ta voix,

Ne vois-tu pas comme ils s'empiffrent?

 

RAGUENEAU, plus bas, avec un sourire

Je le vois...

Sans regarder, de peur que cela ne les trouble ;

Et dire ainsi mes vers me donne un plaisir double,

Puisque je satisfais un doux faible que j'ai

Tout en laissant manger ceux qui n'ont pas mangé !

 

Acte 2 – scène IV

 




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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 15:50

Klein-d-oeil.jpg

KLEIN d’œil !

Plus on lit Celan, plus on reste sans voix. Deux poèmes choisis, d’une infinie force, d’une violence sidérale. Il faut parfois, comme ici avec l’allusion graphique à Yves Klein, prendre un chemin de traverse en forme de sourire esquissé ou de respiration pour relire et relire les mots de Celan.

 


 

  

Un œil, ouvert 

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,
 audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.


Profondeur douloureuse de la prunelle :


la paupière


 ne barre pas la route, le cil
  

ne compte pas ce qui entre.

 


Une larme, à demi,


lentille plus aiguë, mobile,


capte pour toi les images.

 

 

Paul Celan in Grille de parole (Sprachgitter, 1959) – Traduction de Martine Broda

 

Ein Auge, Offen 


Eloge du lointain

 

Dans la source de tes yeux
 vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante.


Dans la source de tes yeux 
la mer tient sa parole.

J’y jette, 
coeur qui a séjourné chez des humains,
 les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment :

Plus noir au fond du noir, je suis plus nu.
 Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle. 
Je suis toi, quand je suis moi.

Dans la source de tes yeux
 je dérive et rêve de pillage.

Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse:
 nous nous séparons enlacés.

Dans la source de tes yeux
 un pendu étrangle la corde.

in Pavot et mémoire (1952) – Traduction de Martine Broda

 


Note : « Un lecteur parmi les plus attentifs et profonds de l'oeuvre de Celan, George Steiner, a écrit que peut-être la seule langue par laquelle on puisse vraiment pénétrer l'énigme d'Auschwitz c'est l'allemand, c'est-à-dire en écrivant « du dedans de la langue-de-mort elle-même ».  Cette remarque définit assez précisément la démarche de Celan. Le but de Celan n'a jamais été celui de « comprendre » au sens philosophique ou historique du terme -- le verbe verstehen n'appartient pratiquement pas à son vocabulaire -- mais plutôt celui de saisir, de restituer par les mots le sens d'une déchirure de l'histoire à partir de la souffrance qui a marqué ses victimes. Or, tout en puisant à la richesse de son bagage culturel de Juif de Bucovine, à la croisée de plusieurs langues et cultures, il a choisi de faire de l'allemand sa langue d'expression poétique, parfaitement conscient de toutes les conséquences qu'une telle posture impliquait tant sur le plan de l'élaboration que sur le plan de la réception de son oeuvre. »

Enzo Traverso: 
Paul Celan et la poésie de la destruction 
in "L'Histoire déchirée. Essai sur Auschwitz et les intellectuels" ISBN 2-204-05562-X © Les Éditions du Cerf 1997

 



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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 15:00

dyn001_original_360_517_pjpeg__bbd1e51116dc088843ec7da0f131.jpgIllustration : L’Elégante (1942-1943)

Francis Picabia (1879-1953), artiste particulièrement anticonformiste, était passionné par les femmes, dont il changeait souvent, et par la peinture dont il tâtait à tous les styles.

 

* * *

 

Robert Desnos est né en 1900 à Paris et mort le 8 juin 1945 au Camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libérée du joug de l'Allemagne nazie.

Très impliqué dans la Résistance, il est arrêté sur dénonciation le 22 février 1944. Il est d’abord déporté à Buchenwald, passe par d'autres camps avant de mourir, épuisé par les privations et le typhus, ce 8 juin 1945, un mois après la libération du camp par les Russes. Sa dépouille sera néanmoins rapatriée en France, il sera enterré au cimetière du Montparnasse à Paris.

Lorsqu’il écrit ce poème, Desnos voue alors une folle passion à l'émouvante chanteuse de music-hall Yvonne George. Elle est la mystérieuse qui hantera ses rêveries et règne sur les poèmes des Ténèbres. Elle meurt en 1929. Elle n'a que trente-trois ans. Desnos l'aimera désespérément au-delà de la tombe.

 

J'ai tant rêvé de toi

 

J'ai tant rêvé de toi

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser

sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?

 

J'ai tant rêvé de toi

que mes bras habitués en étreignant ton ombre

à se croiser sur ma poitrine

ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.

Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne

depuis des jours et des années,

je deviendrais une ombre sans doute.

 

   Ô balances sentimentales.

 

J'ai tant rêvé de toi

qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille.

Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi,

la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.

 

J'ai tant rêvé de toi,

tant marché, parlé, couché avec ton fantôme

qu'il ne me reste plus peut-être,

et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.

 

In  Corps et Bien – 1930 –

 



 

Note : il s’agit bien sûr d’un poème en prose. Il s’articule pourtant avec méthode autour du superbe et énigmatique vers central Ô balances sentimentales en quatre « strophes », chacune commençant par J’ai tant rêvé de toi




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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 15:24

dictée

"La dictée de Mérimée"

 

La dictée faisait partie des passe-temps de la cour de l'empereur Napoléon III. Mythe ou réalité, la dictée attribuée à Mérimée a mis à l'épreuve les souverains ainsi que leurs invités. Napoléon III commit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul un étranger, le prince de Metternich, ambassadeur d'Autriche, n'en fit que 3.
Voici le texte de "la fameuse dictée" publiée par Léo Claretie en 1900.

 

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.

 

La dictée du bicentenaire de Mérimée :

En septembre 2003, en hommage à Mérimée, Bernard Pivot a créé la dictée de Compiègne du bicentenaire de Mérimée, texte qui est publié dans l'ouvrage de Françoise Maison, La Dictée de Mérimée, Château de Compiègne, Séguier, 2003, 64p.

 

NAPOLÉON III : MA DICTÉE D'OUTRE-TOMBE 



Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
 En échange de quoi ?
 D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ?

 




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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 15:29

paradoxe.jpg

© Ghetty

 


 

Radio Londres : intense poésie surréaliste des messages codés sur fond de brouillage dont voici quelques-uns, parmi les plus énigmatiques et les plus beaux:

"Je cherche des trèfles à quatre feuilles

Les colimaçons cabriolent

Nous nous roulerons sur le gazon

Les grandes banques ont des succursales partout

Le cardinal a bon appétit

J’aime les femmes en bleu

Elle fait de l’œil avec le pied

La brigade du déluge fera son travail

Ne vous laissez pas tenter par Vénus

Saint Pierre en a marre."

Que déclenchaient ces messages "personnels"? Des attentats? Une destruction de ponts? Une fuite précipitée? Un assassinat ciblé?

 

Diderot : 
Diderot a écrit de très nombreuses lettres à la mystérieuse Sophie Volland. On ne sait rien de Louise-Henriette Volland, dite Sophie (1716-1784), sauf qu’elle est restée célibataire. On pense à Apollinaire et Louise de Coligny-Châtillon, dite Lou, évoqués il y a peu ici même. Des lettres viennent d’être publiées dans Diderot. Lettres à Sophie Volland. Ecoutez ça, nous sommes à Paris le 11 mai 1759, l’homme de l’Encyclopédie (vingt ans de travail !) raconte une de ses soirées à son amoureuse: "Nous nous entretînmes d’arts, de poésie, de philosophie et d’amour; de la grandeur et de la vanité de nos entreprises; du sentiment ou du ver de l’immortalité; des hommes, de dieux et des rois; de l’espace et du temps ; de la mort et de la vie. C’était un concert…"

Prodigieux Diderot, qui donnait rendez-vous à sa Sophie dans les jardins du Palais-Royal, sur "le banc d’Argenson". Un jour, il écrit dans le noir: "Je continue à vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime." Une autre fois: "Je sens à chaque instant qu’il me manque quelque chose, et quand j’appuie là-dessus, je trouve que c’est vous." Et encore: "On me trouve sérieux, fatigué, rêveur, inattentif, distrait, pas un être qui m’arrête, jamais un mot qui m’intéresse. C’est une indifférence, un dédain qui n’excepte rien. Cependant on a des prétentions ici comme ailleurs, et je m’aperçois que je laisse partout une offense secrète."



 

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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 15:45

 

Mon coeur

 

Ton coeur ?

Mais c'est une noisette !

Prétend ma cousine Antoinette.

 

Ton coeur ?

Mais c'est du massepain !

Me dit souvent parrain.

 

Ton coeur ?

Mais c'est du beurre !

Me répète à toute heure Tante Solange.

 

Moi, je veux bien,

Mais je ne veux pas qu'on le mange.

J'y tiens !

 

Maurice Carême

 

 

Note : Le massepain est une pâte confectionnée à base d'amandes finement moulues, mélangées à du blanc d'oeuf et du sucre. Cette préparation est traditionnelle dans plusieurs pays d'Europe (Espagne, Allemagne -Le Koenigsberger Marzipan- Italie –Marci panis ou pain de Marc à Venise, dont Marc est le saint patron). La souplesse de cette pâte fait qu'elle est fréquemment utilisée pour le moulage de petits objets dans des formes décoratives, notamment de fruits appelés « fruits déguisés ».

 




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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 23:04

MemorialDeLaShoah

Au Mémorial de la Shoah, à Paris, la crypte est située sous le parvis. S’y trouve une étoile de David en marbre noir. C'est le tombeau symbolique des six millions de Juifs assassinés et sans sépulture. Une flamme éternelle - NER TAMID - brûle au centre de l'étoile de marbre, perpétuant le souvenir des disparus.
Le mur du fond de la crypte porte une citation biblique, en hébreu: "Regardez et voyez s'il est douleur pareille à ma douleur. Jeunes et vieux, nos filles et nos fils fauchés par le glaive." 




 

Et lui,
    
Des entassements d'hommages de la vie, il retient, nouées, les tensions des orages de plomb fondu sur les serrures des wagons, confondu, confusion de transmutation, passage à l’œuvre, nécessaire. Il n'a jamais rien compris. Il ne comprendra jamais rien. Aveuglé de lumière grisée, yeux de brouillard bouillant, coeur écoeuré, brouillé d’à venir défunt, défait, sans fin, sans commencement, comme on se ment, dans les étoiles de lin qu'il avait blanchies pour tant.



Et elle,

Ce jour sans voiles, venteux, trombé d'eaux,
- menteur-, distillé, heurt par heure peureuse ou trop, d’être dépassée.
Jetée, obligée, dans ces inconvenances d'une absence par elle décidée, haletante d’haleines étranges, asphyxiée, noyée de jeux  sur elle, je sur elle, mélange des genres, des rangées dérangées. Jouer à paraître à part être. Jouer à paraître à part. Être.

Et lui,

Ciel blanc. Des petits êtres viendront bientôt. Ciel blanc.
-menteur-. Le ciel a la couleur de la cendre à jamais.

Et elle,
    
Comme les rosiers d'un jardin qui débordaient de trop être vivants, en corps, voyants, trop blancs, dans l’eau d’heures,
troublée d’eux, deux, elle avait peut-être alors parlé de remontant. Rosiers remontants. Ne savait-elle pas peindre feindre l’espoir ?
 
Et lui,
   
Odeur d’horreur hors heures dans ce magma d'adultes qui errent, d'adultère en adultère, sourires à faire, sourire affaire, relent d’histoire connue, violée d’inconnu connu revêtu de songes si nus, décomposés de mots morts, de senti, ressenti mort avant d’être vécu, mort avant d’être vaincu par la vie.

Et elle
    
    Elle s’ensilence voulu d’elle ; - et lui ?- voulut-il, désespoir  du vide, peur avide d’éviter sa vie ? Silence.  D’île désertée, désarmée des espoirs, démantelée désormais, hantée de tout, taies de terre, sans fin sans l’un, sans l’un sans leurre qui lance.

Elle poursuivrait sans doute, obligée.
     Il. Ile inhérente, innée d’elle, de lui d’ailes absenté, d’elle diluée dans la nuit de lui-même, tentée de lui dire le désir qui luit dans la nuit en lanières lacérées. Désir, là, serré, étouffé, achevé, tué d’elle. Si irréelle.

L.A.



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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 09:18

Erreurs

 

Je suis ravi de vous voir

bel enfant vêtu de noir.        

         

- Je ne suis pas un enfant

je suis un gros éléphant.

 

Quel est cette femme exquise

qui savoure des cerises ?        

         

- C'est un marchand de charbon

qui s'achète du savon.

 

Ah! que j'aime entendre à l'aube

roucouler cette colombe !        

         

- C'est un ivrogne qui boit

dans sa chambre sur le toit.

 

Mets ta main dans ma main tendre

je t'aime ô ma fiancée!        

         

- Je n'suis point vot' fiancée

je suis vieille et j'suis pressée

laissez-moi passer !

 

in Monsieur Monsieur, 1951 


 

 

 

Le tombeau de Monsieur Monsieur

 

Dans un silence épais

Monsieur et Monsieur parlent

c'est comme si Personne

et Rien dialoguait.

 

L'un dit : Quand vient la mort

pour chacun d'entre nous

c'est comme si personne

n'avait jamais été.

Aussitôt disparu

qui vous dit que je fus ?

 

- Monsieur, répond Monsieur,

plus loin que vous j'irai :

aujourd'hui ou jamais

je ne sais si j'étais.

Le temps marche si vite

qu'au moment où je parle

(indicatif-présent)

je ne suis déjà plus

ce que j'étais avant.

Si je parle au passé

ce n'est pas même assez

il faudrait je le sens

l'indicatif-néant.

 

- C'est vrai, reprend Monsieur,

sur ce mode inconnu

je conterai ma vie

notre vie à tous deux :

A nous les souvenirs !

Nous ne sommes pas nés

nous n'avons pas grandi

nous n'avons pas rêvé

nous n'avons pas dormi

nous n'avons pas mangé

nous n'avons pas aimé.

 

Nous ne sommes personne

et rien n'est arrivé.


in Monsieur Monsieur, 1951

 

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24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 15:04

cyrano-de-bergerac-copie-1.jpg

 

 

 

(…) ROXANE

Nous parlions de... de... d'un...

CYRANO

                                              Baiser. Le mot est doux !

 

 

 

 

 

Dans l’acte 3 – scènes VII et X (extraits choisis)

 

ROXANE

Mais l'esprit ?...

CYRANO

                      Je le hais, dans l'amour ! C'est un crime

Lorsqu'on aime de trop prolonger cette escrime !

Le moment vient d'ailleurs inévitablement,

-Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment !

Où nous sentons qu'en nous une amour noble existe

Que chaque joli mot que nous disons rend triste !

ROXANE

Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux,

Quels mots me direz-vous ?

CYRANO

                                   Tous ceux, tous ceux, tous ceux

Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,

Sans les mettre en bouquets : je vous aime, j'étouffe,

Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ;

Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot,

Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,

Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne !

De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé

Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai,

Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !

J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure

Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil,

On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,

Sur tout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes,

Mon regard ébloui pose des taches blondes !

ROXANE, d'une voix troublée

Oui, c'est bien de l'amour...

CYRANO

                                                 Certes, ce sentiment

Qui m'envahit, terrible et jaloux, c'est vraiment

De l'amour, il en a toute la fureur triste !

De l'amour, -et pourtant il n'est pas égoïste !

Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien,

Quand même tu devrais n'en savoir jamais rien,

S'il ne pouvait, parfois, que de loin, j'entendisse

Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice !

-Chaque regard de toi suscite une vertu

Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu

A comprendre, à présent ? voyons, te rends-tu compte ?

Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?...

Oh ! mais vraiment, ce soir, c'est trop beau, c'est trop doux !

Je vous dis tout cela, vous m'écoutez, moi, vous !

C'est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste,

Je n'ai jamais espéré tant ! Il ne me reste

Qu'à mourir maintenant ! C'est à cause des mots

Que je dis qu'elle tremble entre les bleus rameaux !

Car vous tremblez ! car j'ai senti, que tu le veuilles

Ou non, le tremblement adoré de ta main

Descendre tout le long des branches du jasmin !

Il baise éperdument l'extrémité d'une branche pendante.

ROXANE

Oui, je tremble, et je pleure, et je t'aime, et suis tienne !

Et tu m'as enivrée !

CYRANO

                                    Alors, que la mort vienne !

Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l'ai su causer !

Je ne demande plus qu'une chose...

CHRISTIAN, sous le balcon

Un baiser !

ROXANE, se rejetant en arrière

Hein ?

CYRANO

Oh !

ROXANE

Vous demandez ?

 

(…)

 

 

ROXANE, s'avançant sur le balcon

C'est vous ?

Nous parlions de... de... d'un...

CYRANO

                                     Baiser. Le mot est doux !

Je ne vois pas pourquoi votre lèvre ne l'ose ;

S'il la brûle déjà, que sera-ce la chose ?

Ne vous en faites pas un épouvantement

N'avez-vous pas tantôt, presque insensiblement,

Quitté le badinage et glissé sans alarmes

De sourire au soupir, et du soupir aux larmes !

Glisser encore un peu d'insensible façon

Des larmes au baiser il n'y a qu'un frisson !

ROXANE

Taisez-vous !

CYRANO

Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?

Un serment fait d'un peu plus près, une promesse

Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,

Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer ;

C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,

Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,

Une communication ayant un goût de fleur,

Une façon d'un peu se respirer le coeur,

Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !

 

 

 


gustave-klimt-04 

Illustration : Le Baiser (1907)

Le Baiser est la plus célèbre des ceuvres de Gustav Klimt, et on le considère généralement comme le sommet de la « période dorée » du peintre. Klimt est parvenu ici à maintenir l'équilibre grâce à une représentation des personnages pleine de force et de sensualité : la position agenouillée du couple, l'étreinte puissante de l'homme et le visage extasié de la femme donnent aux deux amants une présence extraordinaire. Autour d'eux se déploie un cadre fastueux de feuilles d'or et d'argent : ils reposent sur un magnifique tapis de fIeurs. Le manteau de l'homme est orné de rectangles noirs et blancs qui s'opposent aux motifs ronds et plus colorés de la robe de la femme.

 

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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 16:10

Homophonie 

 

Le chaos est la confusion universelle qui précède la création du monde. Hors ce sens premier, le chaos désigne un entassement de roches ou des rochers; au sens figuré, le désordre, la confusion, le fouillis (d’une chambre d’enfant en plein désordre, on dira « sa chambre est un chaos »).

Le cahot exprime les secousses subies par un véhicule à cause des inégalités du sol ("les cahots d'un autobus sur la route défoncée"); au sens figuré, le mot s'emploie toujours au pluriel et désigne des obstacles, des difficultés qui contrarient le cours des choses ("ma vie comporte bien des cahots").

Cahot a donné cahoteux et cahotant. Les puristes, nous en connaissons, et même plusieurs, -mais si, mais si, jugent utile de maintenir la distinction entre ces deux adjectifs bien qu'ils soient souvent tenus pour synonymes. Est cahoteux ce qui provoque des cahots. Est cahotant ce qui se déplace en faisant des cahots.

 

Sur un chemin africain, un autobus luxueux, loin d’être « cahotant », semblait survoler les ornières « cahoteuses » d’un chemin poussiéreux. Confortablement alanguis à l’intérieur, quelques sales gosses y tenaient des propos « chaotiques ».

 


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