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Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,

Cyrano. BAISER.

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(…) ROXANE

Nous parlions de... de... d'un...

CYRANO

                                              Baiser. Le mot est doux !

 

 

 

 

 

Dans l’acte 3 – scènes VII et X (extraits choisis)

 

ROXANE

Mais l'esprit ?...

CYRANO

                      Je le hais, dans l'amour ! C'est un crime

Lorsqu'on aime de trop prolonger cette escrime !

Le moment vient d'ailleurs inévitablement,

-Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment !

Où nous sentons qu'en nous une amour noble existe

Que chaque joli mot que nous disons rend triste !

ROXANE

Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux,

Quels mots me direz-vous ?

CYRANO

                                   Tous ceux, tous ceux, tous ceux

Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,

Sans les mettre en bouquets : je vous aime, j'étouffe,

Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ;

Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot,

Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,

Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne !

De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé

Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai,

Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !

J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure

Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil,

On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,

Sur tout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes,

Mon regard ébloui pose des taches blondes !

ROXANE, d'une voix troublée

Oui, c'est bien de l'amour...

CYRANO

                                                 Certes, ce sentiment

Qui m'envahit, terrible et jaloux, c'est vraiment

De l'amour, il en a toute la fureur triste !

De l'amour, -et pourtant il n'est pas égoïste !

Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien,

Quand même tu devrais n'en savoir jamais rien,

S'il ne pouvait, parfois, que de loin, j'entendisse

Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice !

-Chaque regard de toi suscite une vertu

Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu

A comprendre, à présent ? voyons, te rends-tu compte ?

Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?...

Oh ! mais vraiment, ce soir, c'est trop beau, c'est trop doux !

Je vous dis tout cela, vous m'écoutez, moi, vous !

C'est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste,

Je n'ai jamais espéré tant ! Il ne me reste

Qu'à mourir maintenant ! C'est à cause des mots

Que je dis qu'elle tremble entre les bleus rameaux !

Car vous tremblez ! car j'ai senti, que tu le veuilles

Ou non, le tremblement adoré de ta main

Descendre tout le long des branches du jasmin !

Il baise éperdument l'extrémité d'une branche pendante.

ROXANE

Oui, je tremble, et je pleure, et je t'aime, et suis tienne !

Et tu m'as enivrée !

CYRANO

                                    Alors, que la mort vienne !

Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l'ai su causer !

Je ne demande plus qu'une chose...

CHRISTIAN, sous le balcon

Un baiser !

ROXANE, se rejetant en arrière

Hein ?

CYRANO

Oh !

ROXANE

Vous demandez ?

 

(…)

 

 

ROXANE, s'avançant sur le balcon

C'est vous ?

Nous parlions de... de... d'un...

CYRANO

                                     Baiser. Le mot est doux !

Je ne vois pas pourquoi votre lèvre ne l'ose ;

S'il la brûle déjà, que sera-ce la chose ?

Ne vous en faites pas un épouvantement

N'avez-vous pas tantôt, presque insensiblement,

Quitté le badinage et glissé sans alarmes

De sourire au soupir, et du soupir aux larmes !

Glisser encore un peu d'insensible façon

Des larmes au baiser il n'y a qu'un frisson !

ROXANE

Taisez-vous !

CYRANO

Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?

Un serment fait d'un peu plus près, une promesse

Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,

Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer ;

C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,

Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,

Une communication ayant un goût de fleur,

Une façon d'un peu se respirer le coeur,

Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !

 

 

 


gustave-klimt-04 

Illustration : Le Baiser (1907)

Le Baiser est la plus célèbre des ceuvres de Gustav Klimt, et on le considère généralement comme le sommet de la « période dorée » du peintre. Klimt est parvenu ici à maintenir l'équilibre grâce à une représentation des personnages pleine de force et de sensualité : la position agenouillée du couple, l'étreinte puissante de l'homme et le visage extasié de la femme donnent aux deux amants une présence extraordinaire. Autour d'eux se déploie un cadre fastueux de feuilles d'or et d'argent : ils reposent sur un magnifique tapis de fIeurs. Le manteau de l'homme est orné de rectangles noirs et blancs qui s'opposent aux motifs ronds et plus colorés de la robe de la femme.

 

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A
<br /> <br /> Le pygmalionisme (ou « agalmatophilie ») désigne une attirance sexuelle pour<br /> les statues ! <br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> @Lyre<br /> <br /> Le choix d'illustrer les mots magnifiques de Cyrano par Le Baiser de Klimt plutôt que par Le Baiser de Rodin  ou par Le baiser à la dérobée de Fragonard ou par l’enlèvement de Daphné du<br /> Bernin résulte d'un long débat du comité de rédaction du blog de nuageneuf. Au début, les voix s’équilibraient entre Le Bernin et Rodin. Un rédacteur exigea quant à lui Les amours de Psyché et de<br /> Cupidon de Canova. Il lui fut alors rappelé que l’illustration avait été utilisée dans un article du 27 avril http://nuageneuf.over-blog.com/article-la-misanthropie-peut-etre-heureuse-49349667.html<br /> La discussion fut vive, les rédacteurs s’étripaient, prêts à en venir aux mains. Klimt faisant l’unanimité contre lui fut choisi pour mettre tout le monde d’accord. <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Cette tirade de Cyrano évoque pour moi Le Baiser de Rodin. Et, l'esprit associant les idées/images et allant crescendo, je me suis retrouvée à la villa Borghèse, devant l'Enlèvement de Daphné par<br /> Apollon et le Rapt de Proserpine par Pluton. Il y a, dans ces oeuvres du Bernin, une présence troublante, où les doigts "pressant" la chair laissent leurs "impressions" dans le marbre. La pierre<br /> semble sur le point de devenir vivante. Comme chez Rostand, le spectateur ressent l'instant et pressent l'instant suivant par la force de l'évocation.Troublant.<br /> <br /> <br /> <br />
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