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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 09:54

magritte_mask.jpg

Illustration : La magie noire – 1935 –

"Les titres des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres."  René MAGRITTE 


...dans le simple appareil

d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil...

 

 

Narcisse.

Grâces aux dieux, seigneur, Junie entre vos mains

vous assure aujourd'hui du reste des Romains.

Vos ennemis, déchus d'une vaine espérance,

sont allés chez Pallas pleurer leur impuissance.

Mais que vois-je? Vous-même, inquiet, étonné,

plus que Britannicus paraissez consterné.

Que présage à mes yeux cette tristesse obscure

et ces sombres regards errants à l'aventure ?

Tout vous rit: la fortune obéit à vos vœux.

 

Néron.

Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.

 

Narcisse.

Vous?

 

Néron.

Depuis un moment, mais pour toute ma vie.

J'aime, que dis-je aimer? J'idolâtre Junie.

 

Narcisse.

Vous l'aimez?

 

Néron.

Excité d'un désir curieux,

cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,

triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,

qui brillaient au travers des flambeaux et des armes:

belle, sans ornements, dans le simple appareil

d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.

Que veux-tu? Je ne sais si cette négligence,

les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,

et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs

relevaient de ses yeux les timides douceurs.

Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,

j'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue:

immobile, saisi d'un long étonnement,

je l'ai laissé passer dans son appartement.

J'ai passé dans le mien. C'est là que solitaire,

de son image en vain j'ai voulu me distraire:

trop présente à mes yeux, je croyais lui parler;

j'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.

Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce;

j'employais les soupirs, et même la menace.

Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,

mes yeux, sans se fermer, ont attendu le jour.

Mais je m'en fais peut-être une trop belle image;

elle m'est apparue avec trop d'avantage:

Narcisse, qu'en dis-tu ?

 

Narcisse.

Quoi, seigneur? Croira-t-on

qu'elle ait pu si longtemps se cacher à Néron ?

 

Néron.

Tu le sais bien, Narcisse; et soit que sa colère

m'imputât le malheur qui lui ravit son frère;

soit que son cœur, jaloux d'une austère fierté,

enviât à nos yeux sa naissante beauté;

fidèle à sa douleur, et dans l'ombre enfermée,

elle se dérobait même à sa renommée.

Et c'est cette vertu, si nouvelle à la cour,

dont la persévérance irrite mon amour.

Quoi, Narcisse? Tandis qu'il n'est point de Romaine

que mon amour n'honore et ne rende plus vaine,

qui dès qu'à ses regards elle ose se fier,

sur le cœur de César ne les vienne essayer:

seule dans son palais la modeste Junie

regarde leurs honneurs comme une ignominie,

fuit, et ne daigne pas peut-être s'informer

si César est aimable, ou bien s'il sait aimer ?

Dis-moi: Britannicus l'aime-t-il ?

 

BRITANNICUS ACTE II , SCENE II .


 

 

Note : la première représentation de  Britannicus est donnée en l’hôtel de Bourgogne en 1669. Pièce en cinq actes de Jean Racine, cette tragédie est aujourd’hui la seconde pièce la plus donnée à la Comédie Française, après Cyrano de Bergerac.

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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 14:34

magritte1935.jpeg

Illustration : Le modèle rouge. 1935. Centre Pompidou.

 

Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l'un avance, l'autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche !
Raymond Devos


 

 

Note 1 : Quelques artistes contemporains de Magritte

France: Francis Picabia - André Derain - Fernand Léger - Georges Braque- Marcel Duchamp - Yves Tanguy...

Allemagne: Max Ernst - Hans Hartung...Constantin Brancusi (roumain) Victor Vasarely (hongrois)

Belgique: James Ensor - Paul Delvaux...

Italie: Amedeo Modigliani - Giorgio di Chirico...

Espagne: Pablo Picasso - Juan Gris - Juan Miro - Salvador Dali...

Etats- Unis: Man Ray - Alexander Calder - Jackson Pollock…

 


 

Note 2 : Adepte du surréalisme, Magritte représente surtout l'élément réaliste ! Il place les choses ordinaires de la vie quotidienne dans une atmosphère exceptionnelle, souvent alarmante, parfois ironique. Son oeuvre témoigne d'une tension particulière entre le réel, même visible optiquement, et le fantastique. Il caresse le mystère, mais il peint l'étrange, l'insolite, toujours avec des images bien "réelles", précises, figuratives, en les mettant en situation. C'est ainsi qu'il déclenche en nous le mystère, la surprise, la poésie...

 



 

Note 3 - Paroles de Magritte : « Le spectateur peut voir, avec la plus grande liberté possible, mes images telles qu'elles sont, en essayant, comme leur auteur, de penser au Sens, ce qui veut dire à l'Impossible. »

 



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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 00:43

magritte_The-Great-War.jpg

Illustration : La grande guerre (1964)  René Magritte

"Les titres doivent être une protection supplémentaire qui découragera toute tentative de réduire la poésie véritable à un jeu sans conséquence." Magritte.

 

Françoise Sagan est née le 21 juin 1935. Elle aurait fêté ses 75 étés dans quelques jours...

C’est à 18 ans qu’elle publie Bonjour tristesse, en 1954. La première phrase de son roman est :« Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse ». Trouva t-elle son titre à la lecture du poème de Paul Eluard ? - Bien entendu.

À peine défigurée

À peine défigurée
Adieu tristesse
Bonjour tristesse
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es inscrite dans les yeux que j'aime
Tu n'es pas tout à fait la misère
Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent
Par un sourire
Bonjour tristesse
Amour des corps aimables
Puissance de l'amour
Dont l'amabilité surgit
Comme un monstre sans corps
Tête désappointée
Tristesse beau visage.

Paul Eluard  (1895-1952) 

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8 juin 2010 2 08 /06 /juin /2010 11:11

deathbeach

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8 juin 2010 2 08 /06 /juin /2010 09:15

La langue (au chat ?) de Molière.

Quelle antonomase plus utilisée pour le français que la langue de Molière ? Et pourtant, nombre de passages des pièces de M. Poquelin ne sont plus vraiment intelligibles pour un locuteur français de notre époque. Mêmes mots, mais sens différents. En voici un petit florilège. Comment interprétez-vous les six extraits en italiques ? à moins que vous ne donniez votre langue au chat ?

1) Mon mari vient, prenez vite votre temps pour demander Lucile en mariage.
(Le Bourgeois Gentilhomme, Mme Jourdain).

2) Et lorsque l’Amour touche un cœur, On n’a point de raison à dire (Psyché, Agénor).

3) Ce serait trop à nous, que de nous informer
(Id., Aglaure).

4) Vous ne m’en donnez pas le temps, et vous avez des soins là-dessus, qu’il est difficile de prévenir (Le Malade Imaginaire, Toinette).

5) Eh Monsieur, laissez là ce pauvre misérable, c’est conscience de le battre ;
(Le Festin, Sganarelle).

6) Assurément, et il se moque de croire l’emporter sur vous ; voilà, auprès de vous un beau petit morveux de Prince.
(Les Amants magnifiques, Clitidas).


antonomase : ex. Quel Harpagon!, quel Don Juan!, quel misanthrope!, etc...



Vous inscrirez, s’il vous sied, vos réponses par le biais des commentaires ci-dessous. Solutions dans huit jours…

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 16:55

speakers.jpg

 

Chanson d'automne

Les sanglots longs

Des violons

                  De l'automne

Blessent mon coeur

D'une langueur

                  Monotone.


Tout suffocant

Et blême, quand

                  Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

                  Et je pleure,


Et je m'en vais

Au vent mauvais

                  Qui m'emporte


Deçà, delà

Pareil à la

                  Feuille morte.

 

 

Paul VERLAINE in  Poèmes saturniens (1866)

 

Note : Les premiers vers de ce poème annoncent sur la BBC  l’approche du débarquement : le premier vers le 4 juin, le second le 5 juin.

Le poème est rythmé en 4/4/3 : Les san-glots longs (4) des vi-o-lons (4) de l'au-tomne (3) et ainsi de suite, lui donnant une résonance musicale. Les mots sont simples, sans artifices comme ceux d'une chanson populaire. Charles Trénet avait mis ce poème en musique mais en le modifiant légèrement comme suit (modifications en rouge):

Les sanglots longs des violons de l'automne

Bercent mon coeur d'une langueur monotone.

Tout chancelant et blême quand sonne l'heure

Je me souviens des jours anciens et je pleure

Et je m'en vais au vent mauvais qui m'emporte

De ci , de là, pareil à une feuille morte.

 

Pour la petite histoire, c'est le vers modifié par Trénet qui a été lu à la BBC le 5 juin 

 Bercent mon coeur d'une langueur monotone.   


 

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4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 14:56

198.jpg

Illustration : la place du marché Ste Catherine

 

Depuis quand le fruit des mûriers fait à la chaussée de la place du Marché Sainte Catherine de si belles tâches de vin mûr, ou de sang desséché,  comme on en voit au coeur des althaeas ou à l’aréole du sein découvert ? Comme un nid de Sybilles, l’abîme enfante ses merveilles : Vous!

“Ci-git-le-coeur” n’a plus d’île, ni de Cité. Splendeur de vivre qui s’exile sous l’enseigne verte du bonheur.
Parmi les cris des sternes ou toutes les proches cloches ursulines, mon ode monte vers l’or de l’astre de bronze, à la hauteur de vos cils, peuple des miens.

Une maison de verre dans les étoiles abrite les spasmes d’éclairs de vos ravissements; lien flagrant qui défie les saisons. Une pièce blanche comme semoule.

Une longue jambe en eau tiède, l’autre pèse en caresse fraîche;
un souffle, le plus chaud de toujours, se lève secrètement, bassin qui bleuit, et déferle jusqu’à ces cayes de l'onde, jusqu’au lieu plein de soie.

L’instant rit.

 

 


Paquerette.JPG.jpeg

 

Le temps était malade, en fuite inexorable.
    
    le hors-temps, oui, le coeur décloué!
     -enfin!

il replie délicatement, un à un,
les pétales blancs
des pâquerettes
blanches,
chaque soir,
pour tenir leurs coeurs
en or
bien au chaud.

    ...Hé ! Vous ! la vie, venez !
      désirable

 

Léchim Authex



 

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 23:00

le-jeune-apprenti-modigliani.jpg

Illustration : Le jeune apprenti, peinture d’Amadeo Modigliani. © Musée de l’Orangerie - RMN

 

On a souvent comparé les poètes à des enfants. C’est heureux. Car comme eux, ils ont la faculté de s’émerveiller, de découvrir. En ces temps de préparation aux examens ou compositions de fin d’année, respirons ces poèmes de François Villon, de Clément Marot, d’Arthur Rimbaud et de Jacques Prévert …

 

 

Bien sais, se j'eusse estudié,

Ou temps de ma jeunesse folle,

Et a bonnes meurs dedié,

J'eusse maison et couche molle,

Mais quoi? Je fuyoie l'escolle,

Comme fait le mauvais enfant.

En escripvant cette parolle,

A peu que le cuer ne me fent.

 

Ce qui donne en français d’aujourd’hui à peu près ceci :

 

Je sais bien que si j'avais étudié,

Au temps de ma jeunesse folle,

Et si j'avais été sage,

J'aurais une maison et un bon lit,

Mais quoi ? Je fuyais l'école,

Comme fait le mauvais enfant.

En écrivant cette parole,

Mon coeur se brise presque.

 

François Villon (1431 – mort vers 1463) in Le Grand Testament

 

Le premier des grands poètes français exprime ses regrets de n’avoir pas étudié quand il était jeune.

 


 

 

L’enfance de Marot

 

 

 

Sur le printemps de ma jeunesse folle,

Je ressemblais l'hirondelle qui vole,

De çà, de là : l’âge me conduisait

Sans peur ni soin, où le cœur me disait.

En la forêt, sans la crainte des loups,

Je m'en allais souvent cueillir le houx,

Pour faire glu à prendre oiseaux ramages,

Tous différents de chants et de plumages.

Oh! que de fois aux arbres grimpé j'ai,

Pour dénicher ou la pie ou le geai,

Ou pour jeter des fruits jà mûrs et beaux

A mes copains qui tendaient leurs chapeaux.

 

Clément Marot (1496 – 1544)


 

 

Enfance

 

Extrait III

 

 

Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.

   Il y a une horloge qui ne sonne pas.

   Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.

   Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

   Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

   Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

   Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.

 

 

Arthur Rimbaud in Les Illuminations (1873-1875)


 

Le cancre

 

Il dit non avec la tête

Mais il dit oui avec le coeur

Il dit oui à ce qu'il aime

Il dit non au professeur

Il est debout

On le questionne

Et tous les problèmes sont posés

Soudain le fou rire le prend

Et il efface tout

Les chiffres et les mots

Les dates et les noms

Les phrases et les pièges

Et malgré les menaces du maître

Sous les huées des enfants prodiges

Avec des craies de toutes les couleurs

Sur le tableau noir du malheur

Il dessine le visage du bonheur.

 

Jacques PRÉVERT in Paroles

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 08:46

 

La première secrétaire du PS, Martine Aubry, met le « soin » au centre de son nouveau discours. « Il faut passer d’une société individualiste à une société du care, selon le mot anglais que l’on pourrait traduire par « soin mutuel » : la société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société. »

 

Après le monopole du cœur perdu, le PS aura-t-il LE MONOPOLE DU CARE ?

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 10:04

La comtesse sort à 17h, enfin, dans ces Zola, son dossier sous le bras, Guère épais.
Elle a rendez-vous avec son banquier. Il est petit. Rabelais, quoi. Bien loin d’être ce Perrault regard si doux. Il a plutôt du Vian dans le crâne mais bon, mieux Voltaire.
Allez ! assez de salades : Les huit scaroles suffisent.

Quant à moi, je vous file les clés de la boîte Sagan et comme disait Sand...riez !...

 

Léchim Authex – mai 2010

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