Je parle et l’on me parle et je connais l’espace
Et le temps qui sépare et qui joint toutes choses
Et je confonds les yeux et je confonds les roses
Je vois d’un seul tenant ce qui dure ou s’efface
La présence a pour moi les traits de ce que j’aime
C’est là tout mon secret ce que j’aime vivra
Ce que j’aime a toujours vécu dans l’unité
Les dangers et les deuils l’obscurité latente
N’ont jamais pu fausser mon désir enfantin
De tous les points de l’horizon j’aime qui m’aime
Je ne vois clair et je ne suis intelligible
Que si l’amour m’apporte le pollen d’autrui
Je m’enivre au soleil de la présence humaine
Je m’anime marée de tous ses éléments
Je suis créé je crée c’est le seul équilibre
C’est la seule justice
Paul Eluard
Note : Ce poème de Paul Eluard est protégé à jamais par une grâce infinie, tout simplement.
Illustration : Survivre ou les traces de la deshumanisation. Francine Mayran. - 2010 -
Francine Mayran est née à Strasbourg en 1958. Psychanalyste et peintre, elle peint depuis l’âge de vingt ans, influencée entre autres par Soutine et Anselm Kiefer. De sa peinture exhale une ardente nécessité de transmettre sa jeune réflexion sur la question de l’indifférence face au drame de la Shoah. “ Mes peintures sont au service de la mémoire, dans les lieux de mémoire, pour transmettre la mémoire de ceux qui ont disparu et de ceux qui en sont revenus.”
Illustration : Destination Pitchipoï. Francine Mayran. - 2010 -
F.Mayran s'est consacrée tout particulièrement au cours de cette année écoulée au génocide et à l'assassinat des tsiganes.
Elle dit : " Il s’agit ici, d’un nouveau travail pour transmettre la mémoire des souffrances tsiganes pendant la 2ème guerre mondiale, tant dans les camps d’internements français que dans les camps nazis, que ce soit par l’internement, le travail forcé et l’extermination. Il m’apparaît nécessaire de participer à un effort de transmission, en espérant que peu à peu les crimes soient reconnus, que le monde lutte contre les discriminations et ses dérives, que la vigilance se renforce.
Il faut aujourd’hui parler de cette page d’histoire que le monde a oubliée, avant que les derniers survivants ne s’éteignent, que nous soyons prêts à les écouter, eux qui commencent seulement à ressentir le besoin de parler. Outre la reconnaissance publique de leur génocide et la part française à ce désastre, il est temps que le génocide tsigane prenne sa place dans les lieux de mémoire à part entière et que ce peuple puisse commencer à retrouver sa dignité publique."
Illustration : Destination Pitchipoï