Semper eadem
"D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu"
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,
Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !
Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.
Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !
Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal.
Note : Quand Baudelaire est en bas, à droite...

Ce tableau est bien connu pour son titre L'Atelier du peintre. Mais Courbet le sous-titre : Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale. 1854-1855. Huile sur toile.
Ce tableau-manifeste, refusé par le jury du Salon, est le clou de l'exposition particulière que Courbet organise en marge de l'Exposition Universelle de 1855. Son sous-titre - Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale - donne la mesure du propos ambitieux et un peu énigmatique du peintre. "C'est le monde qui vient se faire peindre chez moi " précise Courbet "à droite, tous les actionnaires, c'est à dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art. A gauche, l'autre monde de la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort".
Dans la partie droite, l'on reconnaît notamment le profil barbu d'Alfred Bruyas, et derrière lui, de face, le philosophe Proudhon. Le critique Champfleury est assis sur un tabouret, tandis qu’à l’extrémité, Baudelaire est absorbé par la lecture. Le couple du premier plan vient personnifier les amateurs d'art et, près de la fenêtre, deux amants représentent l'amour libre.
Du côté de la "vie triviale", on trouve, un prêtre, un marchand, un chasseur, qui pourrait avoir les traits de Napoléon III, ou encore un ouvrier inactif et une mendiante qui symbolisent la pauvreté. On remarque également la guitare, la dague et le chapeau qui, avec le poseur masculin, stigmatisent l'art académique. L'identification de ces figures demeure néanmoins incertaine.
Au centre, tel un médiateur, l'artiste, en personne, est accompagné de figures bienveillantes : une femme-muse, nue comme la Vérité (on dit qu'il s'agit de sa maitresse du moment; elle est bien jolie !), un enfant et un chat.
Les spéculations les plus diverses ont été émises quant au sens réel du tableau. Avec L'Atelier du peintre, Courbet remet en cause la hiérarchie des genres en donnant à son manifeste personnel le rang et le format de la plus prestigieuse peinture d'histoire.