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12 août 2010 4 12 /08 /août /2010 16:33

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Illustration : René Magritte. Dessin d'une femme qui fait une balade à cheval dans la forêt !

 


 

Nous avons déjà donné plusieurs poèmes tirés des Innocentines.

Voici de courts extraits notés, repris dans un entretien que De Obaldia donna à François Busnel en 2008.

 

R.De Obaldia : La littérature rime avec aventure. Il faut qu’écrire soit une nécessité. Les surréalistes posaient la question : « Pourquoi écrivez-vous ? » C’était une grande question. On peut renverser la question et demander : « Pourquoi n’écrivez-vous pas ? » C’est encore autre chose... À  la question « Pourquoi écrivez-vous ? », certains affirmaient : « J’écris pour être riche, pour être célèbre. » François Mauriac répondait à peu près : « J’écris pour emmerder ma famille. » André Breton déclarait : « J’écris pour faire des rencontres. » Je prends cette formule à mon compte. Borges disait : « J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. » C’est superbe, ça ! J’ai écrit pour communiquer, pour dire des choses sans penser que je pourrais avoir de l’argent, parce que c’était naturel chez moi, parce que c’était une nécessité.

 

F.Busnel : Lorsque, en des temps sans doute plus durs que d’autres, vous avez été fait prisonnier de guerre et que vous avez passé quatre ans au stalag, vous avez écrit les Innocentines. Mais il s’agit de pièces très gaies, pas du tout tragiques. Dans la littérature des camps, c’est assez inédit...

R.De Obaldia  C’était un camp de discipline en Pologne. Je n’avais rien pour écrire. C’était en 1942, un moment de barbarie totale. J’avais besoin de revenir à une certaine virginité, à une certaine innocence. C’est pour cela que j’ai eu l’idée d’écrire ce premier poème pour enfants, Innocentines, sur des sacs d’engrais. Face à la sauvagerie, aux abominations, j’ai voulu revenir à une source même de la vie, de l’émerveillement, de l’étonnement, de l’innocence. Vous vous demandez pourquoi je n’ai pas écrit quelque chose de tragique ? C’était un besoin qu’on ne peut pas expliquer.

 


 

Dans sa dernière émission télévisée de la saison, le 27 mai 2010, François Busnel (La Grande Librairie) avait réuni sur la scène du Théâtre du Rond-Point de nombreux comédiens qui lurent des textes de leurs choix. De Obaldia était présent et lut Coq au vin, que voici in extenso :

 

 

Coq au vin

 

Au cours d’un grand dîner, la marquise, sans cause apparente, rendit son coq au vin sur le plastron de l’ambassadeur. L’assemblée voulut ne rien remarquer : elle était composée de nombreux diplomates.

Jusqu’ici, la marquise, jeune et singulièrement troublante, abreuvait de joie l’ambassadeur. Comment ce dernier aurait-il soupçonné que d’une bouche aussi divine, d’une telle voix de cristal, pussent jaillir des quartiers de coq, arrosés de ce liquide violet et généreux ?

Cela va attirer des complications avec la Russie, pensa le Turc qui faisait face à la marquise. Et, de satisfaction, il lissa sa fine moustache. L’Angleterre, voisin de la beauté et heureux pendant de l’ambassadeur, ramena son genou à bâbord. Son désir de coloniser la marquise se trouva quelque peu refroidi. Wang-Wei-Tchou en profita pour soulever la question de l’Antarctique. Les points de vue échangés témoignèrent de l’intelligence des hommes d’Etat, ainsi que de leur amour réciproque pour les Esquimaux.

La France restera toujours fidèle à sa tradition chevaleresque, claironna le général Beauchamp de Bompierre de Prepucet. C’est à cet instant qu’une deuxième vague de coq au vin atteignit le Turc, un peu trop souriant, en pleine ceinture.

L’on craignit pour les Dardanelles. L’Amérique étala ses pieds sur la table. Un hobereau donna de la crête. Plus éthérée que jamais, la marquise souriait à tous et se jeta sur la glace à la vanille. L’Angleterre prit nettement le large. Tout de même, la paix fut sauvegardée dans le monde quelques mois encore.

 

René De Obaldia  in « Les richesses naturelles »


 

Note : Revoir La Grande Librairie  et entendre De Obaldia lire ce texte ? Cliquez icilink

 

 

 

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11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 17:22

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Paul Delvaux (1897-1994) peint des gares, des wagons, des femmes souvent nues et des hommes habillés qui ne les regardent pas (les femmes).

Il dira : « Balancé entre la sensualité et le respect, j'ai peint des femmes qui sont une sorte de compromis entre Eve et la Vierge Marie. Elles sont vertueuses jusque dans leur impudeur » et aussi « Je les peins parce qu'elles sont belles et désirables. » 

On peut  visionner une partie de l’œuvre de Paul Delvaux : 

 

 



 

Exil à Paul Delvaux

 

Parmi les bijoux les palais des campagnes

Pour diminuer le ciel

De grandes femmes immobiles

Les jours résistants de l'été

 

Pleurer pour voir venir ces femmes

Régner sur la mort rêver sous la terre

 

Elles ni vides ni stériles

Mais sans hardiesse

Et leurs seins baignant leur miroir

œil nu dans la clairière de l'attente

 

Elles tranquilles et plus belles d'être semblables

 

Loin de l'odeur destructrice des fleurs

Loin de la forme explosive des fruits

Loin des gestes utiles les timides

 

Livrées à leur destin ne rien connaître qu'elles-mêmes.

 

 

Paul Eluard

 

 

 

delvaux.jpg

 

      ...Livrées à leur destin ne rien connaître qu'elles-mêmes.

 

 


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11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 17:22

delvaux.jpg

 

Paul Delvaux peint des gares, des wagons, des femmes nues et des hommes habillés qui ne les regardent pas (les femmes).

Il dira : « Balancé entre la sensualité et le respect, j'ai peint des femmes qui sont une sorte de compromis entre Eve et la Vierge Marie. Elles sont vertueuses jusque dans leur impudeur » et « Je les peins parce qu'elles sont belles et désirables. » 

On peut  visionner une partie de l’œuvre de Delvaux ici (6mn environ) : link

 

 



 

Exil à Paul Delvaux

 

Parmi les bijoux les palais des campagnes

Pour diminuer le ciel

De grandes femmes immobiles

Les jours résistants de l'été

 

Pleurer pour voir venir ces femmes

Régner sur la mort rêver sous la terre

 

Elles ni vides ni stériles

Mais sans hardiesse

Et leurs seins baignant leur miroir

œil nu dans la clairière de l'attente

 

Elles tranquilles et plus belles d'être semblables

 

Loin de l'odeur destructrice des fleurs

Loin de la forme explosive des fruits

Loin des gestes utiles les timides

 

Livrées à leur destin ne rien connaître qu'elles-mêmes.

 

 

Paul Eluard

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11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 17:04

5E--paul-delvaux-la-nascita-del-giorno-1937-venezia-coll-Pe.jpg 

 

 

 

Illustration : La naissance du jour - 1937 - (©collection Peggy Guggenheim Venise)

Paul Delvaux est un peintre belge (1897- 1994).

Influencé, entre autres, par Ensor et surtout par de Chirico, il rencontre également René Magritte. Il  partage avec ces peintres le sens d'un espace inquiétant à force de lumineuse évidence et de situations incongrues dans ses figurations.


 

 

La première femme qu'j'ai aimée

Elle m'app'lait mon bébé

Et passait ses journées à m'dorloter

Pis le soir, pas tard, elle v'nait m'border

Ça a été long, toujours pas coupé l'cordon

 

 

La deuxième femme qu'j'ai aimée

Elle m'app'lait mon minou

Elle m'avait bien dompté

J'faisais partie d'son zoo

Pour m'empêcher d'courailler

A voulu m'faire opérer

Me suis pas laissé faire

J'ai vite changé d'litière

 

 

         J'ai d'la misère avec les femmes

         Oui maman, j'ai d'la misère

         Ça finit toujours par un drame

         J'ai d'la misère avec les femmes

 

La troisième femme qu'j'ai aimée

Elle m'app'lait mon trésor

Était folle de mon corps

Elle voulait m'faire embarrer

Quand elle a vu l'prix d'l'or

Elle a percé l'coffre-fort

Me suis sauvé à course

Avant qu'elle m'joue à bourse


La quatre-vingt-dix-neuvième femme qu'j'ai aimée

Elle m'app'lait mon chéri

J'étais au paradis

Entre ses draps fleuris

C'est vite dev'nu l'enfer

Elle s'envoyait en l'air

Avec tous mes amis

Les filles aussi

 

 

         J'ai d'la misère avec les femmes

         Oui maman, j'ai d'la misère

         Ça finit toujours par un drame

         J'ai d'la misère avec les femmes

 

 

Mais, mais, mais,

Mais la prochaine que j'va aimer

Si elle m'appelle mon p’tit chou

Moi vais t'la dégager

Si elle m'appelle mon loup

J'l'envoie au 36è. dessous

Si elle m'appelle mon amour

J'va hurler au secours

Si elle m'appelle au téléphone

J'va y répondre qu'y a personne

Si elle m'appelle ma tit’paquerette

J'va y sortir ma mitraillette

Si elle m'appelle mon lapin

Moi y flanquer mon poing

Si elle m'appelle mon feuj

J’ déménage Nuageneuf

Si elle m'appelle mon gros

J'la coupe en p'tits morceaux

Si elle m'appelle mon E.T.

J'retourne dans ma galaxie-xie-xie-xie...

 

Lechim Authex

 

 


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11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 14:03

Vietnam_the_ao_dai_Vietnamese_national_costume_072bd47b8b19.jpg 

Illustration : L’ áo dài, robe traditionnelle vietnamienne.

 

 


 

 

NGUYEN Công Tru (1849)

 

Kiêp sau nguyên chang lam nguoi

(Dans ma vie future je ferai le serment de ne jamais devenir un homme)

Lam cây thông dung giua troi ma reo

(Mais un pin chantant au milieu du ciel)

 

Et ceci :

 

Thu yên ba troi dât dê riêng ta

(La joie de la retraite où le ciel et la terre sont à moi seul réservés)

 

 

Ou encore :

 

" Vong troi dât doc ngang ngang doc

(Le ciel et la terre, en long en large, en haut et en bas)

No tang bông vai tra tra vai "

(La dette d'homme qui s'accorde et qui se rend)

  


Le sanctuaire de la Cité impériale de Hué mobilise l'imaginaire des poètes qui la nomme «  première grotte sous le ciel du sud »(Nam thiên dê nhât dông).

CHU Manh Trinh(1862-1905)

Bâu troi canh but

(La voûte du ciel, le pays de bouddha)

 

 

 

 Tho the rung mai chim cung trai

(En gazouillant dans la forêt d'abricotier, les oiseaux font offrandes de fruits)

Lung lo khe yên ca nghe kinh

(Les poissons en suspens dans l'eau de la source des hirondelles écoutent les soutras)

Thoang bên tai môt tiêng chay kinh

(Un léger bruit de marteau de cloche est à peine perceptible à l'oreille)

Khach tang hai giât minh trong giâc mông

(Les passagers du monde des changements tressautent dans leurs songes)

...

Chung giang san con doi ai dây

(Peut-être la scène est-elle parée dans l'attente de quelqu'un)

Hay Tao Hoa kheo ra tay xêp dat

(Ou bien c'est le Créateur qui habilement en a disposé ainsi)

 


 

Huy Cân (1919-) poète contemporain mais aussi du monde éternel viet :

Xuân Hanh

 

Luong xuân troi dât vui chua hêt

Sông Nhi giong hang nuoc chây ao

Mau doi lai lang hon dât do

Nhip doi voi voi long sông cao

Nghe doi chuyên manh lua trang sao

Ta di môt minh trên dê nho

Ta gop chân nhanh cung hôn gio

Ta di mau qua tâm chân nguoi

Ta nhâp hôn ta trong vu tru

 

 

 

L'hymne du printemps

 

De l'exubérance du printemps, le monde n'a pas fini de jouir

Le Fleuve Rouge, aux flots impétueux coule sourdement

Le sang de la vie inonde la terre rouge

Le rythme de l'univers élève le lit du fleuve

J'entends le monde à grand pas déplacer les montagnes

Je l'entends puissamment rouler la lune, les étoiles

Et je vais seul sur la chaussée petite

Participant à la course rapide des quatre vents

Je vais plus vite que la force humaine

Je fais entrer mon âme dans celle de l'univers

 

Note : Traductions par Duong Dinh Khuê

 


 

L’évocation très rapide de ces quelques vers nous amène, sans explication rationnelle, à les  mettre en parallèle avec ces vers de Hugo :

Une harmonie égale à la clarté, versant

Une extase divine au globe adolescent,

Semblait sortir du cœur mystérieux du monde ;

L’herbe en était émue, et le nuage, et l’onde,

Et même le rocher qui songe et qui se tait ;

L’arbre, tout pénétré de lumière, chantait ;

Chaque fleur, échangeant son souffle et sa pensée

Avec le ciel serein d’où tombe la rosée,

Recevait une perle et donnait un parfum ;

L’Être resplendissait, Un dans Tout, Tout dans Un ;

Le paradis brillait sous les sombres ramures

De la vie ivre d’ombre et pleine de murmures,

Et la lumière était faite de vérité ;

Et tout avait la grâce, ayant la pureté ;

Tout était flamme, hymen, bonheur, douceur, clémence,

Tant ces immenses jours avaient une aube immense !

 

Le sacre de la femme  (extrait) Première série – 1- D’Eve à Jésus . in La Légende des Siècles.



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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 08:58

 

Nous sommes tout au début de la pièce, en l’hôtel de Bourgogne. Les lustres sont encore baissés au milieu du parterre. La salle est dans une demi-obscurité et le public se presse pour venir écouter et voir jouer La Clorise… On fait les présentations. Ecoutons ce qui se dit alors :

 

 

 

CYRANO DE BERGERAC  - ACTE I, SCENE 2

 

les mêmes, Christian, Lignière, puis Ragueneau

et Le Bret.

                  Cuigy

Lignière !

                  Brissaille, riant.

                  Pas encore gris ? ...

 

                  Lignière, bas à Christian.

                                                     Je vous présente ?

(signe d' assentiment de Christian.)

Baron de Neuvillette.

(saluts.)

                  La Salle, acclamant l' ascension du premier

lustre allumé.

                                      Ah !

                  Cuigy, à Brissaille, en regardant Christian.

                                               La tête est charmante.

 

                  Premier Marquis, qui a entendu.

Peuh ! ...

                  Lignière, présentant à Christian.

           Messieurs De Cuigy, De Brissaille...

                  Christian, s’inclinant.

                                                                          Enchanté !...

                  Premier Marquis, au deuxième.

Il est assez joli, mais n'est pas ajusté

Au dernier goût.

                  Lignière, à Cuigy.

                               Monsieur débarque de Touraine.

                  Christian

Oui, je suis à Paris depuis vingt jours à peine.

J'entre aux gardes demain, dans les Cadets.

                  Premier Marquis, regardant les personnes qui

entrent dans les loges.

                                                                          Voilà

La présidente Aubry !

                  La Distributrice

                                        Oranges, lait...

                  Les Violons, s'accordant.

                                                                   La... la...

                  Cuigy, à Christian, lui désignant la salle qui

se garnit.

Du monde !

                  Christian

                                Eh ! Oui, beaucoup.

                  Premier Marquis

                                                                 Tout le bel air !

(ils nomment les femmes à mesure qu' elles entrent,

très parées, dans les loges. Envois de saluts,

réponses de sourires.)

                  Deuxième Marquis

                                                                                Mesdames

De Guéménée...

                  Cuigy

                               De Bois-dauphin...

                  Premier Marquis

                                                                 Que nous aimâmes...

 

 

cyrano_caleche.jpg 

Note : La présidente Aubry est bien entendu une de nos chères précieuses. Il s’agit de Françoise de Villandry, qui tenait salon rue Saint-Thomas du Louvre, en l’Hôtel de Rambouillet. Mais chut… Une fois « voiturées les commodités de la conversation », voici que nos précieuses Barthénoïde, Urimédonte, Cassadance, Félixérie, Arthénice (anagramme de Catherine) s’apprêtent à lire chez Clomire le Discours sur le Tendre

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 11:31

femme-a-la-fenetre.jpgIllustration : Femme à la fenêtre

Félix Labisse  (1905-1982)

Fortement marqué par la personnalité d’Ensor dans ses œuvres de jeunesse, Félix Labisse se libère des vieilles légendes flamandes et place son œuvre sous le signe de la métamorphose. Lié au mouvement surréaliste (ses amis sont alors Prévert, Masson, Ernst, Queneau, Magritte, Delvaux, Desnos etc…) sans jamais y adhérer, il crée une peinture ambivalente jouant aux frontières du fantastique, du rite, de la magie ou de l’érotisme. Ses personnages féminins aux corps lascifs, aux formes lisses et aux couleurs crues, évoluent dans un monde étrange et figé. Vers les années 60, apparaissent dans sa peinture les premières femmes bleues, thème qu’il développera jusqu’à la fin de sa vie.

Félix Labisse a réalisé également une série de portraits d’amis, Jean-Louis Barrault, Ensor, Desnos.


 

Ma sirène

 

Ma sirène est bleue comme les veines où elle nage

Pour l'instant elle dort sur la nacre

Et sur l'océan que je crée pour elle

Elle peut visiter les grottes magiques des îles saugrenues

Là des oiseaux très bêtes

conversent avec des crocodiles qui n'en finissent plus

Et les oiseaux très bêtes volent au-dessus de la sirène bleue

Les crocodiles retournent à leur boire

Et l'île n'en revient pas

ne revient pas d'où elle se trouve

où ma sirène et moi l'avons oubliée

Ma sirène a des étoiles très belles dans son ciel

Des étoiles blondes aux yeux noirs

Des étoiles rousses aux dents étincelantes

et des étoiles brunes aux beaux seins

Chaque nuit trois par trois

alternant la couleur de leurs cheveux

Ces étoiles visitent ma sirène

Cela fait beaucoup d'allées et venues dans le ciel

Mais le ciel de ma sirène n'est pas un ciel ordinaire

Ma sirène a sept bateaux sur son océan

Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi

Samedi et Dimanche

Les uns à vapeur les autres à voiles

Les uns rapides les autres lents

Mais tous beaux mais tous charmants

avec des marins connaissant leur métier

Ma sirène a des savons de toutes formes et de toutes couleurs

C'est pour laver sa jolie peau

Ma sirène a beaucoup de savons

L'un pour les mains

L'autre pour les pieds

Un pour hier

Un pour demain

Un pour chacun des yeux

Et celui-là pour sa queue d'écailles

Et cet autre pour les cheveux

Et encore un pour son ventre

Et encore un pour ses reins

 

Ma sirène ne chante que pour moi

J'ai beau dire à mes amis de l'écouter

Personne ne l'entendit jamais

Excepté un, un seul

Mais bien qu'il ait l'air sincère

Je me méfie car il peut être menteur.

 

 

 

 

Note : La mythologie, avec son cortège de personnages héroïques, fantastiques ou monstrueux, offre à la littérature des motifs de réécriture à travers les siècles. Ainsi Homère, dans L'Odyssée, est le fondateur du mythe de la Sirène. Il en fait une créature maléfique qui, par son chant séducteur, charme tous les mortels et attire vers la mort les marins qui ne peuvent lui résister. Desnos annexe ce personnage et en fait le thème de son poème Ma sirène. Poésie surréaliste, portrait d’un être féminin, destinatrice et inspiratrice de son poème.

 

 

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 10:56

Les belles familles

 

 

Louis I

Louis II

Louis III

Louis IV

Louis V

Louis VI

Louis VII

Louis VIII

Louis IX

Louis X (dit le Hutin)

Louis XI

Louis XII

Louis XIII

Louis XIV

Louis XV

Louis XVI

Louis XVII

Louis XVIII

 

et plus personne

plus rien...

qu'est-ce que c'est que ces gens-là

qui ne sont pas foutus de compter jusqu'à vingt ?

 

in Paroles 1949 

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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 08:30

burqaloi_0.jpg

 

DES (mauvais) GENIES, ELFES ET JINNS.

 

Excusez-moi, Monsieur, je viens tout droit d'Ispahan, et me voici tout fraîchement débarqué à Paris, la ville lumière qui semble aujourd'hui bien obscure. Peut-être pourriez-vous m'éclairer ?

 

- Mais avec plaisir, cher Monsieur.

 

- Il s'agit du voile intégral. J'ai cru comprendre que les Parisiens, et les Français dans leur ensemble, n'en voulaient pas.

 

- Voilà qui n'est pas faux.

 

- Ce voile cacherait le visage des femmes...

 

- Entre autres, oui.

 

- Il les gênerait dans leur vie de tous les jours...

 

- Leurs nuits ne nous concernent pas.

 

- Les empêcherait de conduire...

 

- Avec nos embarras de circulation...

 

- Et, ajoute-t-on, attenterait à leur dignité de femme.

 

- Il y contribue peu !

 

- Mais on dit, à Ispahan, que votre Assemblée nationale, n'a pas été unanime à voter la loi qui en interdit le port ?

 

 

- C'est vrai.

 

- S'y sont opposés, je suppose, les gens de religion, hostiles à tout changement...?

 

- Eh bien non, justement. Se sont abstenus les députés de gôche.

 

- Les députés de gauche ! Allons donc. Auriez-vous, en France, tout inversé ? Le centre est bien toujours au milieu, rassurez-moi ?

 

- Plus que jamais.

 

- Les Français auraient-ils alors changé de boussole, d'orientation ? Ou de vocabulaire ?

 

- Ils n'en ont pas changé, ils n'en ont plus, Monsieur.

 

- Mais ce doit être terrible, pour un peuple aussi cartésien !

 

- Oh, détrompez-vous, s'ils n'en ont plus, c'est qu'ils en ont trop !

 

- Cela vous dérangerait beaucoup de m'expliquer un peu...Je comprends si mal...

 

- Eh bien notre France, voyez-vous, n'a plus le droit de parler de son identité...

 

- Mais enfin qui donc l'en empêche ? Vous serait-il échu un tyran ?

 

- Si ça n'était qu'un tyran, Monsieur ! Nos ancêtres nous ont appris à nous en débarrasser. Non ! vraiment pas de tyran. Il s'agit plutôt d'un fléau contre lequel les peuples sont impuissants.

 

- Même le peuple français ?

 

- Lui plus qu'un autre, croyez moi.

 

- Que voulez-vous dire ?

 

- Eh bien...Vous pensez vous trouver dans le pays des Droits de l'Homme, n'est-ce pas ?

 

- Certainement. Cela aussi a-t-il changé ?

 

- Cela seul a changé. Vous êtes à présent dans le pays des Devoirs de l'Homme.

 

- Ma foi, je comprenais mal, je ne comprends plus goutte !

 

- C'est pourtant simple: le monde entier vient chez nous pour nous rappeler ses droits, additionnés à ceux qu'il a été persuadé s'être acquis par le passé, ce qu'il appelle des dettes - et il nous somme tous les jours de nous acquitter de nos devoirs...

 

- Et vous consentez à leurs exigences ?

 

- Il s'agit bien de consentir ! Nous y sommes contraints de façon si insidieuse !

 

- Par qui ?

 

- Eh bien par des génies, des elfes, Monsieur. Des petits génies, des purs esprits, des jinns. Ici, là, partout. Nulle part.

 

- N'êtes-vous pas en train de vous approprier les cultures exotiques, cher Monsieur, dont la mienne ?

 

- Bien sûr que si. Vous avez l'illusion de vous trouver dans la France éternelle, une nation généreuse et accueillante, quelle erreur ! Vous êtes dans un pays que les jinns, les petits génies condamnent à renier tout ce qui fut sien, brillamment, par le passé, et à endurer en silence la lente, inexorable imprégnation de ses moeurs, de ses coutumes, par tout ce qui s'y dépose, porté par le vent des déserts, le sable du temps, et les cogitations funestes.

 

- Ce sont réellement d'invisibles esprits ?

 

- Même pas. On ne les aperçoit que trop. Leur orgueil les pousse à s'exhiber. Dans les airs d'abord, ils se suspendent à une sorte de toile, et apparaissent dans des lucarnes plus qu'étranges, où ils chantent, dansent, et, hélas, écrivent un charabia devenu notre langue. Dans des prothèses de villes, ensuite, appelées cités, où ils forment des apatries, des zones de mon-droit. Dans ce pays où, jadis, on aimait voir le beau et le grivois, comme au Moulin Rouge ou aux Folies Bergères, on entend braire les ânes et strip-teaser les belles âmes.

 

- Les belles âmes ?

 

- Oui, ces guides du peuple qui vous enduisent de Morale à tartiner à la moindre syllabe interdite, qui surveillent vos propos et ne châtient rien tant que le mot racisme.

 

Racisme ?

 

- Le racisme, oui, ce poison violent à l'état naturel, transformé par eux en tisane- mort -aux- rats pour nous faire oublier que ce que nous pensons vaut toujours que nous le disions, que la liberté sera toujours plus féconde que ses fruits, et que nous sommes ce que nous sommes pour le rester, afin de ne changer qu'en demeurant nous-mêmes.

 

- Ne pouvez-vous rien contre ces génies ?

 

- Quand l'intelligence se dilue dans sa caricature, quand les poings se cachent au bout des ailes et se font angéliques, quand on ne peut plus trouver noire l'action la plus vile, parce que c'est la discriminer, quand on ne peut plus s'élever contre qui a signé pour un siècle son contrat de victime, quand il faut s'interdire de manger des oranges cultivées sous l'étoile de David, et offrir le beurre, l'argent du beurre, et la burka de la crémière à ceux qui sont prêts à mourir pour un croissant, quand partout, l'absurde et la nuit donnent à ceux qui n'ont rien à dire le droit d'imposer silence à ceux qui tentent encore d'exister, alors, vous savez, mon bon Monsieur...

 

- Oui...J'imagine d'autant mieux qu'à Ispahan, vous savez, les choses ne sont pas  plus...

 

- Je le sais bien, mon pauvre Monsieur...C'est la mondialisation, comme ils disent. Et dire qu’il y a encore des gens qui sont curieux de ce qui se passe sur Mars...

 

- Oui...Comment disiez-vous avant d'être ...racistes ? Les cons comme la lune !

 

- Je vous laisse le dire, je ne le puis plus.

Fred Thellery

les jinns, voirlink

 

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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 22:37

Ispahan

 

 

Pour tes roses

J'aurais fait

Un voyage plus long encore

 

Ton soleil n'est pas celui

Qui luit

Partout ailleurs

Et tes musiques qui s'accordent avec l'aube

Sont désormais pour moi

La mesure de l'art

D'après leur souvenir

Je jugerai

Mes vers les arts

Plastiques et toi-même

Visage adoré

 

Ispahan aux musiques du matin

Réveille l'odeur des roses de ses jardins

 

J'ai parfumé mon âme

A la rose

Pour ma vie entière

 

Ispahan grise et aux faïences bleues

Comme si l'on t'avait

Faite avec

Des morceaux de ciel et de terre

En laissant au milieu

Un grand trou de lumière

Cette

Place carrée Meïdan

Schah trop

Grande pour le trop petit nombre

De petits ânes trottinant

Et qui savent si joliment

Braire en regardant

La barbe rougie au henné

Du Soleil qui ressemble

A ces jeunes marchands barbus

Abrités sous leur ombrelle blanche

 

Je suis ici le frère des peupliers

 

Reconnaissez beaux peupliers aux fils d'Europe

Ô mes frères tremblants qui priez en Asie

 

Un passant arqué comme une corne d'antilope

Phonographe

Patarafes

La petite échoppe

 

 

Guillaume Apollinaire in Il y a (posthume)


Note : à venir... Ispahan cent ans plus tard.

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