Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la métaphore sans jamais avoir osé le demander.
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Exposé :
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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la métaphore sans jamais avoir osé le demander.
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Exposé :
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Dans le monde, chaque année est célébré Hazkarah. Hazkarah est une commémoration dédiée aux victimes sans sépulture de la Shoah. Cette année, c'est Madame de Fontenay qui fut invitée à s'exprimer. Voici le texte de son discours.
2 octobre 2011
Allocution d'Elisabeth de Fontenay,
philosophe, maître de conférence à la Sorbonne (Paris I)
Chers amis,
J'ose m'adresser à vous en disant « Chers amis» alors que vous ne me connaissez probablement pas et que vous ne savez pas que, malgré mon nom qui est celui de mon père, je suis des vôtres, par ma mère juive et par le fait que cinq membres de sa famille, de ma famille sont morts à Auschwitz : ma grand-mère, Anna Hornstein, la sœur de ma mère, son beau-frère et mes deux petits cousins, Micheline et Daniel Feinstein qui avaient dix et huit ans, à peu près l'âge de mon frère et le mien. Que leurs cinq noms soient gravés sur le mur du Mémorial me donne le droit d'employer cette expression qui est tout, dans ma bouche, sauf une formule de politesse, le droit de vous dire : « Chers amis».
De gauche à droite : Jacques Fredj, directeur du Mémorial, Elisabeth de Fontenay, philosophe, Eric de Rothschild (dans l'ombre), président du Mémorial de la Shoah.
C'est à Eric de Rothschild que je dois l'honneur de vous parler en ce jour de Hazkarah. Il a lu un livre d'entretiens que j'ai récemment fait paraître et dans lequel je parle longuement et de la perte de ma famille et de la trace profonde dont la Shoah a marqué ma vie (1). Il reste qu'à cette place que j'occupe aujourd'hui devant vous et avec vous, je n'oublie pas la grandeur de ceux qui m'ont précédée: Robert Badinter, Georges Charpak, Serge et Béate Klarsfeld, Claude Lanzmann, Simone Veil.
Eric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah.
Notre cérémonie a lieu dans cette période autour de Roch Hachana et de Kippour, en ce temps que la tradition juive qualifie de «jours redoutables », et pendant laquelle il est demandé qu'on fasse pénitence. Et la première pensée que m'inspire la place qu'occupe notre commémoration dans le calendrier religieux, c'est la difficulté infinie que nous avons à dissocier les événements historiques des événements bibliques et des fêtes qui les célèbrent. Oui, c'est ainsi, qu'on le veuille ou non, qu'on soit laïque ou observant, l'histoire de la persécution se mêle à l'histoire religieuse, et le plus entêté des athées, s'il est juif, ne peut critiquer le fait qu'on dise le Kaddish lors de nos cérémonies du souvenir.
Le bouleversant El Mole Rahamim n'a-t-il pas intégré aux paroles de la prière les noms d'Auschwitz, de Maïdanek, de Treblinka. Et Zakhor, l'injonction de se souvenir vaut aussi bien pour la promesse faite à Abraham et la loi donnée à Moïse que pour l'effroyable extermination des juifs d'Europe. C'est ainsi, on n'y peut rien, et c'est cela, sans doute, la différence juive, que, d'une part, la mémoire et l'histoire de la persécution bimillénaire puisse s'entrelacer à l'intimité familiale et que, d'autre part, les larmes du Yom HaShoah puissent répondre à celles du 9 d'Ab, qui commémorent la destruction du premier et du second Temple.
Oui, mais voyez-vous je ne puis aller dans ce sens que jusqu'à un certain point, et ce point est celui de la «pénitence» ? Car nous nous révoltons quand des extrémistes religieux viennent nous dire que Birkenau et les autres centres d'extermination furent une expiation, que le jugement divin s'y est manifesté contre un peuple qui avait péché en s'émancipant du poids de la tradition, qui avait manqué de fidélité aux prescriptions de sa loi. L'idée qu'il faudrait faire pénitence quand nous commémorons nos morts est parfaitement indécente. Claude Lanzmann a eu des mots très durs pour cette interprétation religieuse et, grâce à lui, grâce à son œuvre, le mot «Shoah» a remplacé en français le mot «holocauste».
Car ce qui s'est passé en ce temps-là ne peut recevoir que des explications insuffisantes, qu'elles soient politiques ou économiques, et ne peut revêtir aucune signification, qu'elle soit philosophique ou religieuse. La seule chose à en dire, c'est que cela n'aurait jamais dû avoir lieu et que c'aurait pu ne pas avoir lieu si les nations, si les démocraties n'avaient pas laissé faire Hitler. Certains condamnent notre incapacité à mettre fin au deuil.
Mais est-ce que ce terme convient, alors même qu'il ne peut pas y avoir de travail du deuil, qu'on n'a pas vu le corps, les corps une dernière fois, qu'on n'a pas de tombes à honorer, qu'on on ne sait rien des derniers moments de nos bien-aimés sinon, grâce à Serge Klarsfeld, la date des convois et leur destination, qu'on ne peut même pas, après coup, les accompagner en pensée le long de ces jours effroyables qui se déroulèrent entre leur arrestation et leur condamnation à un travail forcé qui tua la plupart d'entre eux, ou bien encore et surtout, entre leur arrestation et leur mort sans délai dans la chambre à gaz.
Notre mémoire inguérissable, inapaisable, toujours à vif a été critiquée de trois points de vue. On a dit d'abord que son caractère obsessionnel empêchait le travail historique de se constituer avec l'objectivité qui convient à la science. C'est faux, nous admirons passionnément les historiens, (les vrais, pas les négationnistes, bien sûr, qui usurpent ce titre), nous avons toujours considéré que l'histoire de la Shoah constituait, avec les témoignages, le plus grand geste de piété qui pouvait être offert à nos morts, et nous n'avons jamais opposé la protestation de nos mémoires individuelles ou collectives à ce travail.
Simplement nous pensons, comme Saül Friedlander, que quelque chose de l'immensité, du caractère sans limite de cette catastrophe juive, de ce désastre qui a touché l'idée même d'humanité, quelque chose résiste et résistera toujours aux analyses historiques et rationnelles qui tentent d'en rendre compte.
On a dit ensuite que cette présence toujours encore vivante de nos morts nous replierait sur nous-mêmes, nous constituerait en communauté obsédée par son passé et indifférente aux souffrances des autres peuples. C'est faux. Nous sommes, certes, fermement attachés à l'idée d'une unicité de la Shoah. L'extermination systématique et industrielle dans les camps, les exécutions systématiques à l'Est par les armées nazies et leurs supplétifs ukrainiens, polonais, roumains et lettons, cette entreprise ne peut être comparée à aucune autre, y compris aux pogromes, elle n'a eu lieu qu'un fois, elle ne se répétera pas.
Mais pour autant, forts que nous sommes de cette expérience atroce de l'absolue faiblesse, nous gardons les yeux ouverts sur les injustices qu'ont subies les autres peuples. Et j'évoquerai des initiatives prises, ici même, justement, au sein du Mémorial. Georges Bensoussan a consacré un numéro de la Revue d'histoire de la Shoah qu'il dirige au génocide des Tsiganes, un autre numéro au génocide des Arméniens, un autre numéro encore au Rwanda. Et le Mémorial accueille le 6 octobre prochain l'ouverture d'un grand colloque intitulé « Tsiganes, Nomades, Un malentendu européen ». C'est dire...
Une troisième sorte de critique est adressée aux Israéliens et bien entendu elle nous vise, nous aussi, juifs de France. Si l'on veut résoudre le problème de la guerre interminable au Moyen-Orient, affirment certains, il faudra arriver à oublier « l'holocauste », comme ils disent. Car dans ce ressassement, il n'y aurait aucune place pour les Palestiniens, pour le Moyen-Orient ou pour les Arabes...
Derrière une telle critique, surgit le vieux reproche d'instrumentaliser la Shoah, de se servir d'Auschwitz pour justifier une attitude sans concession vis-à-vis de certains Arabes et de certains musulmans. Se souvenir du génocide des juifs, ce serait donc faire obstacle à la difficile construction de la paix, cela ferait plus que brouiller les cartes, cela pourrait mener à assimiler les Palestiniens aux nazis. Que répondre à ces accusations, sinon que la fondation du mouvement sioniste a précédé de près de cinquante ans la Shoah, sinon que la justification historique de la création d'un Etat juif fut d'accueillir les survivants, sinon qu'une angoisse héréditaire étreint légitimement les Israéliens qui viennent d'Europe, sinon qu'Ahmadinejad menace Israël et les juifs en même temps qu'il promeut le négationnisme?
Menahem Begin comme Yitzhak Rabin n'oubliaient aucunement la destruction des Juifs quand ils tentaient de conclure les accords de paix que l'on sait. Je voudrais maintenant aborder un point particulièrement douloureux pour moi dont le père fut un Résistant et même un clandestin, à savoir le conflit latent entre les victimes juives et les victimes issues de la Résistance. Michel Zaoui qui a représenté certaines de vos associations aux procès Barbie, Touvier et Papon a évoqué clairement dans son livre Mémoires de justice ce désaccord profond entre les uns et les autres. Et je reprends ici son analyse.
A l'issue de l'instruction du procès Barbie, les seules victimes retenues dans la procédure étaient juives. Mais les Résistants, victimes de crimes de guerre, refusaient d'accepter qu'on ne leur permette pas de se constituer parties civiles sous le prétexte que les crimes de guerre sont prescrits au bout de dix ans. Ils ont donc réclamé, pour pouvoir bénéficier de l'imprescriptibilité, que la qualification de crime contre l'humanité soit appliquée aux assassinats, tortures et déportations que leur avait fait subir le boucher de Lyon. Ainsi, au lieu que les Résistants aient été accueillis, en temps opportun, à la Cour d'Assises de Lyon, en tant que victimes de crimes de guerre, a-t-il fallu que la Cour de Cassation, en décembre 1985, rende un arrêt assimilant les crimes de guerre à des crimes contre l'humanité.
Simone Veil écrivit alors: «Nous, les victimes, n'avons jamais demandé à être considérées comme des héros, alors pourquoi faut-il maintenant que les héros veuillent à tout prix, au risque de tout mélanger, être traités en victimes ?»
Ce qui n'est pas seulement un malentendu a atteint son comble quand l'ancien Premier Ministre, Pierre Messmer, à la fin de son témoignage au procès Barbie fit cette déclaration. Je la cite avec colère « Mais je voudrais aussi dire, que quelque soit le respect que nous devons à toutes les victimes des guerres et particulièrement aux victimes innocentes, ces femmes, ces enfants, ces vieillards, je voudrais dire que je respecte plus encore celles qui sont mortes debout et les armes à la main, car c'est à elles que nous devons notre libération. »
Cette phrase que, malheureusement, beaucoup de résistants français auraient pu prononcer témoigne d'une grande ignorance. D'abord parce qu'il y eut une résistance juive, dans les ghettos et dans les camps, il y eut une magnifique résistance juive en France, celle des partisans de la M.O.I et celle qui se mit en place pour organiser le sauvetage des enfants. Ensuite, parce que faire en sorte de survivre, soi-même et sa famille dans un tel contexte de privation de tout droit, y compris celui de vivre, c'était déjà un acte de résistance.
Ceux qui stigmatisent la passivité juive ne connaissent pas la réalité de ce qui s'est passé, famille après famille. Résister quand on est arrêté avec des parents âgés, souvent infirmes, des enfants en bas âge, une femme parfois enceinte, était-ce envisageable ? Non, bien sûr, et le mépris teinté de pitié pour ceux qui se sont laissé emmener «comme des moutons à l'abattoir» me semble parfaitement ignoble, qu'il vienne des non juifs ou de ces sabras qui, dans les premières années de l'Etat d'Israël, ont manifesté une totale incompréhension envers les rescapés.
Et puis, je pense à ce rabbin, évoqué l'an dernier devant vous par Robert Badinter, dont on a rapporté que, marchant à la tête d'une longue cohorte de vieillards et d'enfants mêlés aux adultes qu'on menait à l'Umschlagplatz où les attendaient les wagons pour Treblinka, ce vieux rabbin scandait d'une voix forte: Lehaïm, yids, Léhaïm. Des actes de courage juif comme celui-là, il y en eut des milliers, et comment pourrais-je ne pas prononcer ici le nom du plus pur héros de ce temps-là, Janus Korcszac, qui choisit, alors que les nazis lui accordaient la vie sauve, d'aller avec ses orphelins, à la chambre à gaz.
Le dilemme juif, l'oscillation permanente entre la violence et la non-violence, je la vois à l'œuvre dans le nom de Schwarzbard. Ce nom, avec deux orthographes à peine différentes, a été porté par deux jeunes hommes. Le premier, vous le connaissez, est l'anarchiste sioniste, Samuel Schwarzbard, qui a assassiné le chef pogromiste Petlioura à Paris, rue Racine, près du boulevard Saint Michel le 25 mai 1926.
Ce jour-là, il a interpellé un homme qu'il traquait depuis un an, et lui à demandé à deux reprises s'il était bien Petlioura. Puis, en criant « Assassin! Voilà pour les massacres, voilà pour les pogromes! », il a tiré à cinq reprises sur l'homme qui s'était retourné vers lui et s'est rendu immédiatement aux policiers auxquels il a déclaré: « J'ai tué un assassin. ». En octobre 1927, il sera jugé : l'avocat Henri Torres le défendra en une plaidoirie admirable ; les jurés de la cour d'assises l'acquitteront à l'unanimité. «J'ai ouvert, écrivit Samuel Schwarzbard -mais il signait Scholem-, j'ai écrit un nouveau chapitre dans notre sombre et sanglante histoire millénaire : assez d'esclavage, assez versé de larmes, cessons d'implorer, de crier, de suborner! »
Ce ne fut pas là un fait divers mais un «crime fondateur» qui, en quelque sorte, devint comme un exemple à suivre. David Frankfurter assassinera le 4 février 1936, à Davos, Wilhelm Gustloff, activiste du parti nazi suisse, et sera condamné à 18 ans de prison par la cour de Coire. Herschel Grynszpan, le 7 novembre 1938, assassinera le secrétaire d'ambassade Ernst vom Rath et sera livré par la police vichyste aux nazis. Le personnage était certes un peu trouble, mais lui aussi voulait venger ses parents expulsés d'une ville allemande et privés de ressources. Son acte servira de prétexte, hélas!, au déclenchement de la Nuit de Cristal.
Et puis bien sûr, il y aura Marcel Rayman, résistant FTP de la MOI, la main-d’œuvre immigrée, qui fut fusillé au Mont Valérien après avoir commis plusieurs attentats contre les troupes d'Occupation. Ce modèle de l'action directe inspira aussi des intellectuels juifs émancipés qui y virent l'éveil d'une nouvelle mentalité, de ce qu'ils appelaient à l'époque une «régénération ».
Et le journaliste Bernard Lecache, d'origine juive ukrainienne, se réclama de l'assassin de l'ataman Petlioura pour, en février 1929, dans la foulée de la Ligue contre les Pogromes, fonder la LICA, la Ligue Contre l'Antisémitisme. Sa revue, Le Droit de vivre, engagée à gauche, appelait les Juifs à l'autodéfense c'est-à-dire à l'action illégale. «Un jour, écrivait-il, je me réveillai juif, et c'était parce que le bruit du browning de Schwartzbard avait retenti dans ma conscience» Il faut rappeler que beaucoup des responsables de la Résistance juive en France auront milité à la LICA.
Et, vingt-cinq ans plus tard, neuf ans après la libération d'Auschwitz, voici un homme qui porte le même nom. Il a été un tout jeune Résistant dont le yiddish était aussi la langue maternelle, André Schwarz-Bart. Il obtint le prix Goncourt pour un livre admirable, Le Dernier des Justes, hymne à la non-violence que les Juifs ont opposée d'âge en âge à leurs persécuteurs. Entre les cent mille juifs ukrainiens et polonais que venge Scholem Schwarzbard et les six millions qui hantent l'écriture d'André Schwarz-Bart, se sont écoulées moins de vingt années de ce terrible siècle.
La conscience des juifs, et singulièrement celle qui depuis1933, reste partagée entre deux fiertés : celle de rendre les coups, de se défendre par la force, et celle de lutter par les armes de paix que sont la politique, le droit, la prière, l'étude, l'écriture, la peinture et la musique.
Peut-être, comme l'a suggéré un jour Elie Wiesel, aurait-il fallu se taire. Et, devant vous, mes chers amis, avec qui je partage cette incompréhensible rupture dans la chaîne des générations, il m'a fallu tenir un discours cohérent, enchaîner des phrases ; j’en ai un peu honte alors que j'aurais plutôt voulu m'en tenir au poème du plus grand poète juif d'après la Shoah, Paul Celan. Je le cite :
« S'il venait,
venait un homme,
venait un homme, au monde,
aujourd'hui, avec
la barbe de clarté
des patriarches: il devrait,
s'il parlait de ce
temps, il
devrait
bégayer seulement, bégayer,
toutoutoujours
bégayer ».
(1) E. de Fontenay évoque ici son livre d'entretiens Actes de naissance. paru il a quelques mois. Entretien avec Stéphane Bou.
Elle est l'auteur de plusieurs livres devenus des classiques dont le très célèbre Le silence des bêtes, en 1998.
Le poète suédois Tomas Tranströmer
Prix Nobel de littérature 2011
De la montagne
Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l'été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
J'ai vu un jour les volontés du monde s'en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
Tomas Tranströmer in Baltiques.
Traduction de Jacques Outin.
Tomas Tranströmer
Ella Fitzgerald & Louis Armstrong
Dream a little dream of me
Stars shining bright above you
Night breezes seem to whisper "i love you"
Birds singin’ in the sycamore trees
Dream a little dream of me
Say nighty-night and kiss me
Just hold me tight and tell me you’ll miss me
While I’m alone and blue as can be
Dream a little dream of me
Stars fading but I linger on dear
Still craving your kiss
I’m longin’ to linger till dawn dear
Just saying this
Sweet dreams till sunbeams find you
Sweet dreams that leave all worries behind you
But in your dreams whatever they be
Dream a little dream of me
Stars shining up above you
Night breezes seem to whisper "i love you"
Birds singin’ in the sycamore trees
Dream a little dream of me
Sweet dreams till sunbeams find you
Sweet dreams that leave all worries behind you
But in your dreams whatever they be
Dream a little dream of me
Yes, dream a little dream of me
Crime et Châtiment
Il avait pris l'habitude de ne plus répondre
Et quand on l'interrogeait,
il se donnait simplement l'air d'une poule qui va pondre.
Il avait pris l'habitude de ne plus se défendre
Et quand on l'accusait,
Il se donnait simplement l'air de quelqu'un sous qui la terre va se fendre.
Les choses les plus sérieuses, il semblait vraiment s'en
amuser.
Et allait jusqu'à sourire devant les guichets et dans les musées.
Evidemment, cette façon de faire devait lui attirer des ennuis,
Rien n'est insupportable comme quelqu'un qui sourit jour et nuit.
Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé
Et un jour, il s'est éveillé en prison avec les deux pieds rivés.
Evidemment, il n'y avait pas de raison de l'en faire sortir
Puisqu'il n'y avait pas eu de raison de l'y faire entrer.
Voilà ce que c'est, Messieurs-dames, de sourire
Quand les autres ne savent pas pourquoi vous souriez....
NORGE
Il pleuvait. Les tristes étoiles
Semblaient pleurer d’ennui.
Comme une épée, à la minuit,
Tu sautas hors des toiles.
— Minuit ! Trouverai-je une auto,
Par ce temps ? Et le pire,
C’est mon mari. Que va-t-il dire,
Lui qui rentre si tôt ?
— Et s’il vous voyait sans chemise,
Vous, toute sa moitié ?
— Ne jouez donc pas la pitié.
— Pourquoi ?... Doublons la mise.
Paul-Jean Toulet in Contrerimes, 6.
...— Et s’il vous voyait sans chemise, ...
Illustration : Bernard BUFFET. Jeux de dames, 1970.
Paul-Jean Toulet (1867-1920) est un écrivain et poète français, célèbre par ses Contrerimes, une forme poétique qu’il a créée.
A l’origine, mon âme
Et la tienne étaient unies,
Elles étaient l’apparence
Et le secret de toi,
l’apparence et le secret de moi,
Il serait vain de dire
« la mienne et la tienne »
Car il n’y a ni moi
Ni toi, entre toi et moi.
Qui est Rûmî ?
Surnommé aussi Mawlanna, qui signifie maître ou seigneur, Rûmî est considéré comme le plus grand poète mystique de la langue persane et l'un des plus hauts génies de la littérature spirituelle universelle. Né en 1207, à Balkh, dans le Khorasan (aujourd'hui en Afghanistan), il vécut la plus grande partie de son existence en Turquie au terme d'une errance de plusieurs années avec sa famille qui avait fui les massacres de Gengis Khan. Son père, théologien et enseignant, assura à son fils une éducation d'érudit. Sa vie durant, Rûmî fut obsédé par le désir de trouver la voie qui aboutirait à la fusion de l'âme en Dieu. Il s'initia aux pratiques du soufisme, à la méditation jusqu'à l'extase. Son oeuvre principale demeure le Mesnevi, recueil de quelque cinquante mille vers. Sa philosophie, sa morale, sa doctrine mystique y sont contenues. Rûmî est mort en 1273, à Konya, où son tombeau fait l'objet d'une grande vénération. Les traductions sont très tardives et datent pour la plupart du XXe siècle.
Note : Depuis quelques années, lire Rûmî est devenu très « fashion » dans les petits cercles bobos-gôchos-intellos !
James Ensor, peintre belge né en 1860, est un artiste inclassable. De naturaliste, il a traversé tous les styles picturaux pour se tourner vers le symbolisme, l'expressionnisme, le surréalisme, le fauvisme ... Tant de mouvements qui ont fait de ses oeuvres des étrangetés à part entière, où la mort et les masques se mêlent en une satire déroutante.
Monsieur
Je vous dis de m’aider,
Monsieur est lourd.
Je vous dis de crier,
Monsieur est sourd.
Je vous dis d’expliquer,
Monsieur est bête.
Je vous dis d’embarquer,
Monsieur regrette.
Je vous dis de l’aimer,
Monsieur est vieux.
Je vous dis de prier,
Monsieur est Dieu.
Éteignez la lumière,
Monsieur s’endort.
Je vous dis de vous taire,
Monsieur est mort.
NORGE in Famines – 1978 -
Rappel :
Norge (1898-1990) est un poète bruxellois qui dès la fin de la guerre alla s'installer à Saint Paul de Vence avec son épouse, peintre. Il se consacre de conserve à la rédaction de sa poésie et détient un magasin d'antiquités. On pourrait penser que ses poèmes sont enfantins ; bien au contraire, avec des mots souvent très simples, Norge nous entraîne dans un monde tourmenté, souvent en lisière du sol, de la terre, de la glaise et de l'infini.
L’enfant qui a la tête en l'air
L'enfant qui a la tête en l'air
Si on se détourne, il s'envole.
Il faudrait une main de fer
pour le retenir à l'école.
L'enfant qui a la tête en l'air
ne le quittez jamais des yeux:
car dès qu'il n'a plus rien à faire
il caracole dans les cieux.
Il donne beaucoup de soucis
à ses parents et à ses maîtres:
on le croit là, il est ici,
n'apparaît que pour disparaître.
Comme on a des presse-papiers
il nous faudrait un presse-enfant
pour retenir par les deux pieds
l'enfant si léger que volant.
Claude Roy
Illustration : Jean-Michel Folon
Jean-Michel Folon est un artiste bruxellois (1934-2005). Il a travaillé sur de nombreux matériaux et créé sous diverses formes : tapisserie, peintures, timbres-poste (en 1982, la poste française édite deux timbres illustrés par l'artiste), décors de théâtre, etc...
Il créa, en collaboration avec le compositeur Michel Colombier, le générique d'ouverture et fermeture de la chaîne de télévision Antenne 2, diffusé entre 1975 et 1984, où ses bonshommes (L'homme au chapeau est une ligne maîtresse dans son oeuvre) en imperméables s'envolent autour d'un soleil sur une très mélancolique cantilène pour hautbois et orchestre. C'est probablement son œuvre pour la télévision la plus connue.