Il y avait ça :
Il restera ça :
Billet rédigé le 2 avril 2012 pour publication le 23 avril 2012.
Il y avait ça :
Il restera ça :
Billet rédigé le 2 avril 2012 pour publication le 23 avril 2012.
22 avril 2012
Heureux anniversaire PFT ! Many happy returns !
Etre et avoir
Loin des vieux livres de grammaire
Écoutez comment un beau soir
Ma mère m'enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir...
Parmi mes meilleurs auxiliaires
Il est deux verbes originaux
Avoir et Être étaient deux frères
Que j'ai connus dès le berceau
Bien qu'opposés de caractères
On pouvait les croire jumeaux
Tant leur histoire est singulière
Mais ces deux frères étaient rivaux
Ce qu'Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l'avoir
À ne vouloir ni dieu ni maître
Le verbe Être s'est fait avoir
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro
Alors qu'Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego
Alors qu'Être toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego
Pendant qu'Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter
Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités
Pendant qu'Être, un peu dans la lune
S'était laissé déposséder
Avoir était ostentatoire
Dès qu'il se montrait généreux
Être en revanche, et c'est notoire
Est bien souvent présomptueux
Avoir voyage en classe Affaires
Il met tous ses titres à l'abri
Alors qu'Être est plus débonnaire
Il ne gardera rien pour lui
Alors qu'Être est plus débonnaire
Il ne gardera rien pour lui
Sa richesse est tout intérieure
Ce sont les choses de l'esprit
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix...
Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord
Entre verbes ça peut se faire
Ils conjuguèrent leurs efforts
Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier
Le verbe Avoir a besoin d'Être
Parce qu'être c'est exister
Le verbe Être a besoin d'avoirs
Pour enrichir ses bons côtés
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été.
Yves Duteil
Album Sans Attendre, 2002
Yves DUTEIL. Photo Quebecpop.com
Hardiment chapardé sur l'excellent blogue de Virginie, Le Chêne parlant
Oui, c'est déjà de l'histoire ancienne. L'origine en est canadienne et remonte à l'année 2005 ! Mais les talents de nos cousins de la Belle Province traversent le temps sans perdre une ride. Aussi, ne nous privons de cette délicieuse ré-écoute.
Paul Celan se donne la mort en se jetant dans la Seine, du pont Mirabeau, le 20 avril 1970. Dans un poème longtemps inédit, daté du 4 août 1969, il écrit ces vers :
Tu jettes après moi, un noyé,
de l’or :
peut-être qu’un poisson
se laissera soudoyer
Mort, donne-moi
Ma fierté
Relire et retrouver Paul Celan ici
Alphaville est un film de Jean-Luc Godard sorti en 1965. Le rôle principal est incarné par son épouse, la très belle et très troublante Anna Karina. Elle y récite Eluard.
Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lèvres.
Nos silences, nos paroles.
La lumière qui s'en va, la lumière qui revient.
Un seul sourire pour nous deux. Pas besoin de savoir.
J'ai vu la nuit créer le jour sans que nous changions d'apparence.
O bien aimée de tous, bien aimée d'un seul, en silence ta bouche a promis d'être heureuse.
De loin en loin dit la haine, de proche en proche dit l'amour.
Par la caresse nous sortons de notre enfance.
Je vois de mieux en mieux la forme humaine, comme un dialogue d'amoureux.
Le coeur n'a qu'une seule bouche.
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser.
Les sentiments à la dérive.
Les hommes tournent dans la ville.
Le regard, la parole et le fait que je t'aime, tout est en mouvement.
Il suffit d'avancer pour vivre, d'aller droit devant soi vers tous ceux que l'on aime.
J'allais vers toi. J'allais sans fin vers la lumière.
Si tu souris, c'est pour mieux m'envahir.
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
Paul Eluard
Capitale de la Douleur, 1926
...Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
15 avril 2010 - 15 avril 2012. Aujourd'hui, deux années se sont écoulées depuis la création de Nuageneuf. Un peu plus de 750 poèmes, textes en prose ou billets illustrés d'un peu plus de 800 toiles de maîtres ont été publiés. Petit à petit, jour après jour, des ami(e)s sont venus. Ex nihilo. Cela reste très mystérieux. (Presque) tous sont restés. Mieux encore, quelques sites d'universités françaises (Lyon II, Nancy, Grenoble etc...) et québécoises (Montréal, Québec etc..., l'université du Manitoba...), une vingtaine de collèges, de classes ou de professeurs nous référencent ou nous citent ou, fort heureusement, nous corrigent. Ces encouragements aussi inattendus qu'inespérés sont autant de chaleureuses incitations à poursuivre notre cheminement en poésie, à tenter de faire partager nos découvertes, nos élans ou nos émerveillements malgré les temps mauvais et les ciels d'avenir qui s'obscurcissent. Nous proposons à l'occasion de ce deuxième anniversaire la tirade des "Non merci" extraite de l'Acte II, scène VIII de Cyrano de Bergerac.
LE BRET
Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire,
La fortune et la gloire...
CYRANO
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe1,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron2,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux3 pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy4
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes5 ?
Être terrorisé par de vagues gazettes6,
Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François" ?...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu'un poème,
Rédiger des placets7, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
LE BRET
Tout seul, soit ! mais non pas contre tous ! Comment diable
As-tu donc contracté la manie effroyable
De te faire toujours, partout, des ennemis ?
CYRANO
A force de vous voir vous faire des amis,
Et rire à ces amis dont vous avez des foules,
D'une bouche empruntée au derrière des poules !
J'aime raréfier sur mes pas les saluts,
Et m'écrie avec joie : un ennemi de plus !
(...)
LE BRET
après un silence, passant son bras sous le sien
Fais tout haut l'orgueilleux et l'amer, mais, tout bas,
Dis-moi tout simplement qu'elle ne t'aime pas !
CYRANO
vivement
Tais-toi !
Notes pour les plus jeunes :
1. Et, donneur de séné par désir de rhubarbe : ce vers vient d'une expression " proposer la rhubarbe pour avoir le séné ", qui signifie s'entendre à l'amiable mais de façon malhonnête : Cyrano n'accepte pas les arrangements louches.
2. giron : partie du corps qui s'étend de la ceinture au genoux quand on est assis ; ici, signifie "lieu protecteur ".
3. madrigaux : le madrigal est une petite pièce de vers exprimant une pensée fine, tendre ou galante.
4. le bon éditeur de Sercy : puisque cet éditeur publiait à compte d'auteur, cela signifie qu'il éditait des gens sans doute de peu de talent qui payaient pour se faire remarquer.
5. mazette : personne qui manque de force, d'habileté, d'énergie.
6. gazette : journal.
7. placet : écrit qui a pour but de demander une grâce, une faveur.
Nuageneuf remercie tout particulièrement Pik
de lui avoir adressé ce photo-montage.
Bien que né à Anvers, Jacques Sternberg (1923-2006) ne raconte pas sa vie comme une histoire belge. Il l'évoque en quelques chiffres : 30 emplois différents, 39 livres publiés abordant tous les genres, plus de 1000 chroniques parues un peu partout, un film pour Alain Resnais, une pièce créée par la Comédie-Française, 300 000 km en Solex et 20 000 miles en dériveur.
Vélosolex ref.1010, 1957
Le même Vélosolex. La cycliste se nomme Brigitte Bardot.
La poussière
Dieu était arrivé à bout de ses peines quand il pensa à celles qu'il réservait à l'homme récemment créé et il fut assez satisfait de les résumer en affirmant : « Né de la poussière, tu seras destiné à redevenir poussière. » Et pour peaufiner le sadisme de sa trouvaille, il donna à l'homme la conscience de n'être que poussière et l'intelligence d'inventer un jour l'aspirateur.
Jacques Sternberg
188 contes à régler