Le rossignol de Chine.
Il y a une certaine façon de chanter chinois
Pour ces oiseaux-là.
On n’y comprend rien.
Aux rossignols de France on ne comprend rien non plus.
Mais quand même, on sent qu’ils parlent français !
NORGE.
Le rossignol de Chine.
Il y a une certaine façon de chanter chinois
Pour ces oiseaux-là.
On n’y comprend rien.
Aux rossignols de France on ne comprend rien non plus.
Mais quand même, on sent qu’ils parlent français !
NORGE.
Photo ©Joël H.
Départ
Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. — Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l'affection et le bruit neufs !
A.RIMBAUD
Illuminations, 1873-1875
Note : Surprenant, ce "Départ dans..." ! - C'est Rimbaud !
Où l'on découvre qu'Albert Samain n'a pas qu'écrit des sonnets...On lira utilement un article très éclairé consacré à ce sujet ici.
Un dessin d'Albert Samain non daté.
Soir
C’est un soir tendre comme un visage de femme.
Un soir étrange, éclos sur l’hiver âpre et dur,
Dont la suavité, flottante au clair-obscur,
Tombe en charpie exquise aux blessures de l’âme.
Des verts angélisés... des roses d’anémie...
L’Arc-de-Triomphe au loin s’estompe velouté,
Et la nuit qui descend à l’Occident bleuté
Verse aux nerfs douloureux la très douce accalmie.
Dans le mois du vent noir et des brouillards plombés
Les pétales du vieil automne sont tombés.
Le beau ciel chromatique agonise sa gamme.
Au long des vieux hôtels parfumés d’autrefois
Je respire la fleur enchantée à mes doigts.
C’est un soir tendre comme un visage de femme.
Albert Samain, 1858-1900
Homme du Nord, Albert Samain naît à Lille en 1858 et meurt de la tuberculose à Magny-les-Hameaux en 1900. En plus de ses Contes et d'un drame lyrique (Polyphème), Samain est l'auteur de trois recueils de poèmes : Le jardin de l'infante(1893) qui le rendit célèbre, Aux flancs du vase (1898) et Le Chariot d'or (1900).
La poésie symboliste d’Albert Samain est héritière de Baudelaire et de Verlaine : on retrouve en effet dans les poèmes de Samain ce même goût de l'indécis ou de l'impalpable. Samain fait partie du beau et noble répertoire des poètes enseignés à l’école, même s'il n'est plus inscrit "au programme".
Jardin Vauban, Lille.
Ce monument en pierre s’intitule « Aux flancs du vase » en hommage au recueil éponyme de Samain publié en 1898. Il est l’œuvre de la sculptrice Yvonne Serryus et fut inauguré le 4 octobre 1931.
Calendrier
Janvier nous prive de feuillage ;
Février fait glisser nos pas ;
Mars a des cheveux de nuage,
Avril, des cheveux de lilas ;
Mai permet les robes champêtres ;
Juin ressuscite les rosiers ;
Juillet met l’échelle aux fenêtres,
Août, l’échelle aux cerisiers.
Septembre, qui divague un peu,
Pour danser sur du raisin bleu
S’amuse à retarder l’aurore ;
Octobre a peur ; Novembre a froid ;
Décembre éteint les fleurs ; et, moi,
L’année entière je t’adore !
Rosemonde Gérard.
Les Pipeaux, 1923
Rosemonde Gérard, 1871-1953, poétesse française, épouse Edmond Rostand en 1930, juste après la publication de son premier recueil Les Pipeaux. Elle est célébrée pour son poème L'Éternelle chanson, dont on rappellera ces deux vers qui font encore aujourd'hui la fortune des bijoutiers...
Car vois-tu, chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.
Rosemonde Gérard et Edmond Rostand.
Et pour connaître plus avant Rosemonde Gérard on pourra (re)lire l'article que nous lui avions consacré le 21 juillet 2010 en cliquant ici
Saisir
Recueillir le grain des heures
Eteindre l’étincelle
Ravir un paysage
Absorber l’hiver avec le rire
Dissoudre les nœuds du chagrin
S’imprégner d’un visage
Moissonner à voix basse
Flamber pour un mot tendre
Embrasser la ville et ses reflux
Ecouter l’océan en toutes choses
Entendre les sierras du silence
Transcrire la mémoire des miséricordieux
Relire un poème qui avive
Saisir chaque maillon d’amitié.
Andrée CHEDID in Par-delà les mots
* * *
...S’imprégner d’un visage...
Francis PICABIA. Tableau vivant.
Francis PICABIA. Portrait de femme.
A la promenade
Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers avec des airs
De nonchalance et des mouvements d'ailes.
Et le vent doux ride l'humble bassin,
Et la lueur du soleil qu'atténue
L'ombre des bas tilleuls de l'avenue
Nous parvient bleue et mourante à dessein.
Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
Coeurs tendres mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement,
Et les amants lutinent les amantes
De qui la main imperceptible sait
Parfois donner un souffle qu'on échange
Contre un baiser sur l'extrême phalange
Du petit doigt, et comme la chose est
Immensément excessive et farouche,
On est puni par un regard très sec,
Lequel contraste, au demeurant, avec
La moue assez clémente de la bouche.
Paul Verlaine in Fêtes Galantes, 1866
Illustration : Camille CLAUDEL. L'abandon, 1905.
(...)
- Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres qui sont savants elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l'or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a...
- Que veux-tu dire ?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !
Et il rit encore.
(...)
Antoine de Saint-Exupéry
Le Petit Prince, chapitre XXVI
1943