Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux est une comédie de Molière en cinq actes, en alexandrins, créée le 4 juin 1666. Elle est inspirée du Dyscolos de Ménandre. Alceste, idéaliste, prétend se comporter sans hypocrisie. Il clame son intransigeance face au pouvoir et à ses compromissions (et préfère par exemple perdre un procès où son bon droit est établi plutôt que d'influencer le juge comme le fait son adversaire)... mais il est épris de Célimène, jeune femme mondaine et coquette. Désireux de fuir cette société pour laquelle il ne serait pas fait, il souhaite convaincre sa dulcinée de renoncer au monde par amour pour lui.
Le Misanthrope, Acte 1, SCÈNE PREMIÈRE
PHILINTE
Vous voulez un grand mal à la nature humaine!
ALCESTE
Oui! j'ai conçu pour elle, une effroyable haine.
PHILINTE
Tous les pauvres mortels, sans nulle exception,
Seront enveloppés dans cette aversion?
Encor, en est-il bien, dans le siècle où nous sommes...
ALCESTE
Non, elle est générale, et je hais tous les hommes:
Les uns, parce qu'ils sont méchants, et malfaisants;
Et les autres, pour être aux méchants, complaisants,
Et n'avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance, on voit l'injuste excès,
Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès;
Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
Partout, il est connu pour tout ce qu'il peut être;
Et ses roulements d'yeux, et son ton radouci,
N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici.
On sait que ce pied plat, digne qu'on le confonde,
Par de sales emplois, s'est poussé dans le monde:
Et, que, par eux, son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne :
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
Tout le monde en convient, et nul n'y contredit.
Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue,
On l'accueille, on lui rit; partout, il s'insinue;
Et s'il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme, on le voit l'emporter.
Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu'avec le vice on garde des mesures;
Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
De fuir, dans un désert, l'approche des humains.
(...)
...Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
De fuir, dans un désert, l'approche des humains.