"C'est tout autant votre boulot que le mien d'aller sonner la cloche ! "
dessin de ©Jean-Jacques Sempé.
"C'est tout autant votre boulot que le mien d'aller sonner la cloche ! "
dessin de ©Jean-Jacques Sempé.
Il y a soixante dix ans aujourd'hui. C'est hier.
27 mars 1942 - 27 mars 2012
« En 1942, les Juifs de France commençaient à descendre les dernières marches vers l’enfer », écrit Serge Klarsfeld dans l’introduction du catalogue de l’exposition Le Temps des rafles. L’année 1942 est celle de l’extermination de 2 700 000 Juifs, polonais et russes dans leur écrasante majorité.
En France, les rafles de 1942 et celles qui suivent jusqu’à la Libération, exécutées surtout par la police française, font partie du mécanisme qui conduit les Juifs de tout un continent vers les camps d’extermination en Pologne. Le 27 mars 1942, le premier convoi de déportés juifs quitte la France pour Auschwitz, 42 convois suivront en 1942.
Si l'année 1940 est, en France, l'année du statut des Juifs, (étrangers et français), de l'aryanisation économique, de l'internement dans des conditions déplorables des Juifs expulsés d'Allemagne, en octobre 1940, dans les camps du sud de la France, de la privation de la nationalité française des Juifs d'Algérie, l'année 1941 est marquée par les premières rafles de Juifs.
Ce mot rafle qui fait encore trembler soixante dix ans après, peut se définir "comme une arrestation collective qui a pour but d'enfermer un groupe social, soit pour le maintenir dans des camps de concentration, soit pour remplir un train de déportés" (André Kaspi, Les Juifs pendant l'occupation). Les rafles ne sont pas des arrestations individuelles, elles ne sanctionnent aucune violation d'une loi ou d'un décret : on est arrêté dans une rafle uniquement parce qu'on est Juif.
La première rafle a eu lieu à Paris le 14 mai 1941 à 7 h. du matin.
La Préfecture de Police de Paris convoque 6.494 Juifs polonais, tchécoslovaques et ex-autrichiens à l'aide "d'un billet vert" à se présenter dans différents centres éparpillés dans Paris.
3.747 se sont présentés et ont été envoyés dans les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers dans le Loiret.
La deuxième rafle a eu lieu le 20 août 1941 : des Juifs français et étrangers sont arrêtés dans la rue, dans le XIe arrondissement, puis la rafle s'étend à d'autres quartiers de Paris.
4 232 hommes sont arrêtés et envoyés dans au camp qui vient de s'ouvrir, à DRANCY (Seine-Saint-Denis).
La troisième rafle a eu lieu le 12 décembre 1941. Elle est très différente des précédentes : 1.043 Juifs de toutes origines, on l'appelle la rafle des notables, sont arrêtés à leur domicile, tôt le matin. Ils seront transportés au camp de Royallieu, près de Compiègne.
Ces trois rafles se passent dans l'indifférence générale de la population française.
De décembre 1941 à juillet 1942, les rafles sont interrompues. Pourquoi ? Parce que les Allemands ne possèdent pas assez de trains pour déporter les Juifs vers l'Est... !
Mais arrive un événement nouveau et dramatique, la première déportation : le 27 mars 1942, le premier convoi de déportés quitte la gare du Bourget. Dans les wagons de 3ème classe (à partir du 2ème convoi, il n'y aura plus que des wagons à bestiaux) sont enfermés 1 112 hommes, en partie des internés de Drancy, pris dans la rafle du 20 août 1941, en partie des Juifs français, internés à Royallieu, lors de la rafle du 12 décembre 1941.
Le convoi est escorté jusqu'à la frontière allemande par des gendarmes français et un officier SS. Dannecker, chargé des affaires juives en France, conduit le convoi jusqu'à Auschwitz.
Cette année 1942 donc voit la chasse à l'homme juif s'étendre sur toute l'étendue du territoire français, zone libre incluse ; elle fut la plus meurtrière dans la mesure où sur les 79 convois partis de France pendant la Shoah, 45 quittent l'hexagone en 1942, et sur 75 721 déportés de France, 41 951 sont déportés en 1942, dont seuls 805 seront encore en vie 1945.
(sources partielles : Marianne MALKA, Serge KLARSFELD)
Cette exposition a lieu du 5 septembre 1941 au 15 janvier 1942 au palais Berlitz à Paris, puis elle est envoyée à Bordeaux et à Nancy. L'affiche est l"œuvre" de Michel Jacquot.
* * *
Je sais maintenant que je ne possède rien
Je sais maintenant que je ne possède rien
pas même ce bel or qui est feuilles pourries
Encore moins ces jours volant d’hier à demain
à grands coups d’ailes vers une heureuse patrie
Elle fut avec eux, l’émigrante fanée
la beauté faible, avec ses secrets décevants
vêtue de brume. On l’aura sans doute emmenée
ailleurs, par ces forêts pluvieuses. Comme avant
je me retrouve au seuil d’un hiver irréel
où chante le bouvreuil obstiné, seul appel
qui ne cesse pas, comme le lierre. Mais qui peut dire
quel est son sens ? Je vois ma santé se réduire
pareille à ce feu bref au-devant du brouillard
qu’un vent glacial avive, efface. Il se fait tard.
Philippe Jaccottet
L’effraie (1946-1950)
Je sais maintenant que je ne possède rien...
Illustration : THEODORE GERICAULT (1791-1824) Académie d'homme nu couché
Attention travaux !
- C'est une honte ! s'exclama
L'inspecteur des travaux infinis
Devant le chantier
Silencieux :
Le vitrier dort, les maçons sommeillent,
Le serrurier ronfle, l'architecte rêve,
Les peintres reposent,
Les menuisiers somnolent,
Les plombiers roupillent,
Les carreleurs pioncent,
Les sanitaires en écrasent
Il n'y a que vous, mon cher, que vous
A rester debout :
Votre zèle est honorable
Quelle est votre affectation ?
- Je suis le marchand de sable.
Pierre Ferran.
Pierre Ferran (1930-1989) était enseignant, poète et écrivain.
Terminé pour cette année, le Printemps des Poètes. N'empêche !...
- 3 -
Printemps
Dans l'enclos campagnard où sèche la lessive,
La rivière entraîne le ciel à la dérive
Et le vent est chargé d'une odeur de lilas.
La terre exhale une senteur de terreau gras
Dont s'imprègnent les draps grenus, râpeux et rudes
Que la servante épaisse, aux lentes attitudes,
Recueillera, ce soir dans son panier d'osier.
Je songe au geste égal, rustique et familier
De cette femme, détachant comme des grappes
De fruits clairs, la blancheur ondoyante des nappes,
Qui claquent comme un vol de colombes, soudain
Et se déploient - halo vivant - par ce jardin
En frappant le silence inconnu d'un bruit d'ailes.
Ô rumeurs, vous flottez aux courbes des tonnelles,
Vous emplissez l'enclos paisible et la maison
Savoure la voluptueuse pâmoison
De se sentir ainsi bercée à vos murmures :
Débordez maintenant dans les chambres obscures,
Et vous reconnaîtrez, dans l'ombre, chaque fois,
L'écho mystérieux qui double votre voix.
Francis Carco
La Bohème et mon cœur, 1913
Auguste RODIN
L'éternel printemps, 1886
Claude MONET
Le printemps, 1886
Avant les transformations qui en feront un parterre fleuri, le jardin de la propriété de Claude Monet, le Pressoir, était en grande partie constitué par un verger. Au premier plan, le modèle préféré de l'artiste, Suzanne Hoschedé, (peut-être accompagnée ici de Jean Monet en costume blanc ?)
SOLUTO expose une partie de ses toiles à Bruxelles
du 29 mars au 22 avril 2012
Galerie (IMAGE 2) 59 rue de la Madelaine 1000 BRUXELLES
D'ici-là, pour découvrir ou redécouvrir ses toiles, visitez ce lien :
Terminé pour cette année, le Printemps des Poètes. N'empêche !...
- 1 -
Printemps
C'est dans le ciel clair
Un sifflement d'ailes,
Les roses nouvelles
Frissonnent à l'air
Bourdonnant d'abeilles.
Le soleil léger
Caresse les feuilles.
Ah ! que tu le veuilles
Ou non, va, chargé
Du fruit de tes veilles.
Mais sois ingénu
Comme cette brise
Qui souffle et te grise
D'un philtre inconnu !
(...)
Francis Carco
La Bohème et mon cœur,
Ce sont là les premières strophes du poème, souvent enseignées dans les petites classes.
Francis Carco (1886-1958) est un écrivain, journaliste, parolier de chansons et poète. Il est l’auteur de romans connus, comme Jésus la Caille (1914) ou L'homme traqué (1922) qui reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française.
... La Bohème et mon cœur ...
Dessin de Jean-Jacques SEMPE,
Amoureux
Emile VERHAEREN
C'est un beau soir de mars
C'est un beau soir de mars, rugueux et froid.
L'après-midi, quelques fragiles anémones
Ont fleuri toutes à la fois.
À cette heure tombe le soleil jaune.
Merles et grives
S'interpellent et se poursuivent
Et s'écoutent siffler à pleine voix,
Ou bien encore grincent et se chamaillent
Parmi les mailles
Des rameaux fins et divergents du bois.
Au ras du sol poussent les herbes
À petits brins, frêles et lisses.
La surface des eaux se plisse
Au vent acerbe.
Les villages, lavés par la neige et la pluie,
Au bord de la grand-route et des mares s'appuient
Et reluisent, de loin en loin, parmi les champs:
Tuiles rouges et volets verts et pignons blancs.
Emile Verhaeren
Toute La Flandre
Et reluisent, de loin en loin, parmi les champs :
Tuiles rouges et volets verts et pignons blancs.
CHAPITRE V
- Par conséquent ils mangent aussi les baobabs ?
Je fis remarquer au petit prince que les baobabs ne sont pas des arbustes, mais des arbres grand comme des églises et que, si même il emportait avec lui tout un troupeau d'éléphants, ce troupeau ne viendrait pas à bout d'un seul baobab.
L'idée du troupeau d'éléphants fit rire le petit prince:
- Il faudrait les mettre les uns sur les autres...
Mais il remarqua avec sagesse :
- Les baobabs, avant de grandir, ça commence par être petit.
- C'est exact ! Mais pourquoi veux-tu que tes moutons mangent les petits baobabs ?
Il me répondit: "Ben! Voyons!" comme s'il s'agissait là d'une évidence. Et il me fallut un grand effort d'intelligence pour comprendre à moi seul ce problème.
Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. Par conséquent de bonnes graines de bonnes herbes et de mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu'à ce qu'il prenne fantaisie à l'une d'elles de se réveiller. Alors elle s'étire, et pousse d'abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive. S'il s'agît d'une brindille de radis ou de rosier, on peut la laisser pousser comme elle veut. Mais s'il s'agit d'une mauvaise plante, il faut arracher la plante aussitôt, dès qu'on a su la reconnaître. Or il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince... c'étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l'on s'y prend trop tard, on ne peut jamais plus s'en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater.
(…)
...Et si la planète est trop petite,
et si les baobabs sont trop nombreux,
ils la font éclater.