- Non Charles, pas ce soir. Je préfèrerais jouer du classique...
©Jean-Jacques SEMPE
- Non Charles, pas ce soir. Je préfèrerais jouer du classique...
©Jean-Jacques SEMPE
La rentrée, ce matin...
Page d'écriture
Deux et deux quatre
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize...
Répétez ! dit le maître.
Deux et deux quatre
Quatre et quatre huit
Huit et huit font seize...
Mais voilà l'oiseau-lyre
Qui passe dans le ciel.
L'enfant le voit
L'enfant l'entend
L'enfant l'appelle :
Sauve-moi
Joue avec moi
Oiseau !
Alors l'oiseau descend
Et joue avec l'enfant.
D'eu et deux quatre...
Huit et huit font seize
Et seize et seize qu'est-ce qu'ils font ?
Ils ne font rien seize et seize
Et surtout pas trente-deux
De toute façon
Et ils s'en vont.
Et l'enfant a caché l'oiseau
Dans son pupitre
Et tous les enfants
Entendent sa chanson
Et tous les enfants
Entendent sa musique
Et huit et huit à leur tour s'en vont
Et quatre et quatre et deux et deux
A leur tour fichent le camp
Et un et un ne font ni une ni deux
Un et un s'en vont également.
Et l'oiseau-lyre joue
Et l'enfant chante
Et le professeur crie :
Quand vous aurez fini de faire le pitre !
Mais tous les autres enfants
Ecoutent la musique
Et les murs de la classe
S'écroulent tranquillement.
Et les vitres redeviennent sable
L'encre redevient eau
Les pupitres redeviennent arbres
La craie redevient falaise
Le porte-plume redevient oiseau.
Jacques PREVERT.
...Et le professeur crie :
Quand vous aurez fini de faire le pitre !...
Illustration : Juan MIRO (1893-1983), Le pitre rose, 1974.
WALCOURT
Briques et tuiles,
Ô les charmants
Petits asiles
Pour les amants !
Houblons et vignes,
Feuilles et fleurs,
Tentes insignes
Des francs buveurs !
Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
À tous fumeurs !
Gares prochaines,
Gais chemins grands...
Quelles aubaines,
Bons juifs errants !
Paysages belges. 1er poème. Juillet 72
Paul VERLAINE
Romances sans paroles, 1874
Marc CHAGALL
Toits rouges,
1953/1954
Le titre, Les Toits rouges, coin de village, effet d'hiver, précise la dimension théorique de cette création de Camille Pissarro. Avec ce tableau, en effet, il s'éloigne d'une notion anecdotique du paysage. Les plans se succèdent parallèlement à la surface de la toile. L'impression de profondeur est dès lors simplement rendue par la taille décroissante des motifs. Du rouge orangé au brun, les pentes des toits semblent essaimer sur toute la surface. Les mêmes tonalités se retrouvent en effet dans les champs et les plantes du premier plan, ainsi que sur la côte Saint-Denis à l'arrière-plan. Les empâtements, plus ou moins prononcés, en accrochant plus ou moins la lumière et en rendant la touche plus ou moins vibrante, confèrent une grande intensité et une grande mobilité à la surface peinte. Cette peinture est réalisée alors que Pissarro et Cézanne ont l'habitude, depuis 1865, de travailler ensemble sur des motifs identiques. Mais la version cézanienne, Le Verger, côte de Saint-Denis, à Pontoise (en prêt au Muséum of Fine Arts de Saint Petersburg, Floride) offre une vision plus en hauteur. Les maisons et les toits disparaissent derrière un rideau d'arbres, et les effets de couleurs sont limités par cet environnement végétal envahissant.
Musée d’Orsay. ©Commentaire de Jean-Gilles Berizzi.
Jan STEEN
Fête dans une auberge
... Guinguettes claires,
Bières, clameurs,
Servantes chères
À tous fumeurs ! ...
Lorsque l'enfant paraît
Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.
Jean-Michel FOLON
Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.
La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.
Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !
Paul DELVAUX, les Vestales, 1972
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !
Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !
P.PICASSO, Mère et enfant, musée Picasso, Paris.
Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !
Victor HUGO
Tamara de Lempicka, Mère et enfant.
* * *
Illustre poème de Victor Hugo dont la relecture ne lasse jamais, Lorsque l’enfant paraît résonne noblement à nos oreilles attendries en ces occasions. Il est donné aujourd’hui en l’honneur d’une de nos lectrices, fidèle depuis le création de ce blog, grand-mère illuminée pour la première fois il y a 48 heures. Nous lui souhaitons bonheur et longue vie ainsi qu’à sa nouvelle descendance.
À mon frère
Il était une fois un roi qui, d’une lyre
Faisait couler, bondir et voltiger des sons...
C’est à peine s’il connaissait quelques chansons,
Il était doux, naïf, et ne savait pas lire.
Et sous ses doigts vibraient d’harmonieux accords,
Et le rythme toujours était plaintif ou tendre,
Et le soir, il allait dans ses bois pour entendre
Sangloter au lointain l’appel cuivreux des cors...
Il ne s’occupait pas du tout de son royaume ;
On le voyait errer, silencieux fantôme,
Sa lyre entre les mains... avec des yeux de fou !
Un jour on le trouva — sans le chercher du reste —
Étendu mort sur l’herbe, avec encor le geste
Qu’il avait, d’effleurer les cordes...
Voilà tout.
Jean COCTEAU
1907
Le nouveau musée Jean Cocteau à Menton.
Séverin Wunderman fit fortune en Amérique dans l'horlogerie de luxe et collectionna dès l'âge de 19 ans des dessins de Cocteau. En 2005 il donne à la ville de Menton 1 800 œuvres dont 990 de Jean Cocteau. Il pose une condition : ces œuvres doivent être exposées dans un musée.
Le musée Cocteau de l'architecte Rudy Ricciotti © Agence Rudy Ricciotti
C'est un écrin blanc aux formes méandreuses conçu par R.Ricciotti qui abrite la plus grande collection publique mondiale du poète : dessins, peintures, céramiques, tapisseries, livres, manuscrits, photographies de Cocteau, œuvres de ses amis (Picasso, Modigliani, Foujita, De Chirico).
« Un objet difficile à ramasser »
C'est ainsi que l'artiste qualifie lui-même son œuvre éclectique.
"Cocteau détestait les musées, qui tuaient selon lui la vitalité d'une œuvre", explique la conservatrice Célia Bernasconi. La sélection de 250 œuvres se veut "une promenade" à travers une vie intensément créative (1889-1963). Quatre collections sont exposées tour à tour pendant un an.
Homme de lettres et dandy anti-conformiste, Cocteau a exploré tous les genres, de la poésie à la prose. Homme de spectacle, il s'est mué en metteur en scène, acteur, décorateur, librettiste. "Il ne faut pas taxer Cocteau de "dispersion", juge l'expert François Nemer dans un article du catalogue, "sa recherche profonde et parfaitement cohérente touche précisément à la synthèse des arts". Cocteau conçoit par exemple en 1917 un livret pour les Ballets russes, "Parade", sur une musique de Satie et avec des décors de Picasso !
« Un poète qui dessine »
Le musée expose beaucoup de dessins et de caricatures, souvent réalisés à la plume avec "virtuosité, une grande économie de moyens, et un aspect cristallin", rapporte la conservatrice. "Il dira qu'il est un poète qui dessine".
A voir : de nombreux autoportraits, parfois sans visage, reflets narcissiques de sa longue quête d'identité. Même un portrait réalisé par son ami Modigliani en 1916, le présente avec des traits effacés. Après le décès prématuré en 1923 de son grand amour Raymond Radiguet (auteur du "Diable au corps"), Cocteau se réfugie sur la côte d'Azur, à Villefranche-sur-Mer, où il devient fumeur d'opium et réalise 31 autoportraits tourmentés. "C'est le poète qui se regarde dans le miroir et s'interroge sur son activité". Obsédé par le mythe d'Orphée, il traverse les miroirs vers la mort à la recherche d'Eurydice (et de Radiguet…).
Les Japonais aiment Cocteau
"Cocteau est aujourd'hui plus reconnu en France pour ses écrits que pour ses dessins, mais ses dessins font un retour en force depuis une décennie", grâce entre autres à une exposition en 2003 au Centre Georges-Pompidou. Prisée au Japon ou aux Etats-Unis, "son œuvre représente une certaine idée de la France. Les Japonais aiment son sens de la spontanéité, qui peut être rapprochée de la calligraphie et ils ont adoré le film La Belle et la Bête" (1946) avec son compagnon acteur Jean Marais, exemple de "réalisme irréel, qui va devenir la quête de son art" rappelle Célia Bernasconi
Cocteau et la ville de Menton : une vieille histoire d'amour
Dans les années cinquante, Cocteau réside essentiellement chez son amie et mécène Francine Weisweiller, dans une villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat où il dispose d'un atelier. Le maire de Menton lui demande en 1956 de décorer la salle des mariages de l'hôtel de ville d'immenses fresques murales, "tatouages" inspirés du mythe d'Orphée. La ville offre aussi à son citoyen d'honneur un vieux bastion pour y loger ses œuvres méditerranéennes. Cocteau y consacre trois ans de réflexion, mais meurt avant l'ouverture en 1966 de son premier musée mentonnais.
MUSEE JEAN COCTEAU - Collection Séverin Wunderman. Menton.
Portrait de COCTEAU
Ce portrait de Cocteau est l'œuvre du peintre espagnol Federico de Madrazo de Ochoa(1875-1934), il a été peint en 1910/1912.
Parabole
Le poète imite les voix des oiseaux
il étire son long cou
et sa pomme d’Adam saillante
est comme un doigt maladroit sur l’aile de la mélodie
en chantant il croit vraiment
hâter le lever du soleil
la chaleur de son chant en dépend
et la pureté de ses aigus
le poète imite le sommeil des pierres
la tête dans les épaules
il est comme un fragment de sculpture
à la respiration rare et pénible
en dormant il croit que lui seul
percera le secret de l’existence
et que sans l’aide des théologiens
il happera l’éternité de sa bouche assoiffée
que serait le monde
s’il n’était plein
de l’incessant va-et-vient du poète
parmi les pierres et les oiseaux
Zbigniew HERBERT
Hermès, le chien et l’étoile, 1957.
(...) le poète imite le sommeil des pierres (...)
Alexandre SCHOENEWERK
1820/1895
La jeune tarentine, 1871
déjà publié, de HERBERT, à retrouver ici
Janvier nous prive de feuillage ;
Février fait glisser nos pas ;
Mars a des cheveux de nuage,
Avril, des cheveux de lilas ;
Mai permet les robes champêtres ;
Juin ressuscite les rosiers ;
Juillet met l'échelle aux fenêtres,
Août, l'échelle aux cerisiers.
Septembre, qui divague un peu,
Pour danser sur du raisin bleu
S'amuse à retarder l'aurore ;
Octobre a peur ; Novembre a froid ;
Décembre éteint les fleurs ; et, moi,
L'année entière je t'adore !
Rosemonde Gérard
Les Pipeaux
* * *
Qui est donc Rosemonde Gérard ?
Rosemonde aurait pu être un "prénom-valise" prédestiné, élégant et poétique puisqu'il mélange si harmonieusement Rose et d'Edmond !
Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard, poétesse française, est née le 5 avril 1871 à Paris où elle est morte le 5 juillet 1953.
Elle est la petite-fille du comte Étienne Maurice Gérard, héros de Wagram. Son parrain est le poète Leconte de Lisle et son tuteur Alexandre Dumas. Pas mal comme aréopage penché sur le berceau !
Son prénom de scène, Rosemonde, lui vient de sa grand-mère, Rosemonde Valence, fille du comte de Valence et épouse du maréchal Gérard.
Rosemonde Gérard avait signé de son vrai nom Les Pipeaux, parus en 1889, où l'on trouve le poème L'éternelle chanson.
Le 8 avril 1890, Edmond Rostand l’épouse à Paris en l'église Saint Augustin. Rosemonde, qui demeurait alors avec sa mère, 107, boulevard Malesherbes a pour témoin Jules Massenet. Pas mal non plus, comme témoin !
Le jeune ménage vient tout d'abord habiter boulevard Malesherbes et peu après 2, rue Fortuny. C'est là qu'allaient naître Maurice Rostand, puis Jean Rostand. Descendance réussie, pour le coup. En 1897, les Rostand achetaient, 29, rue Alphonse de Neuville, un petit hôtel qu'ils devaient abandonner en 1900 et vendre ensuite pour se fixer à Cambo-les-Bains.
(article préalablement publié le 21/7/2010)
"Je ne prendrai pas de calendrier cette année,
car j'ai été très mécontent de celui de l'année dernière."
Alphonse ALLAIS
...
Parmi les nombreux poèmes et billets
déposés ici tout au long de l'année,
celui-ci est sans doute le plus court.
Nous vous remercions de vos visites
et souhaitons poursuivre avec vous tous
cette balade en poésie encore longtemps.
Mais surtout, que cette année 2013 soit,
pour vous et tous ceux que vous aimez
et qui vous aiment,
une année de bonheurs partagés ,
où chaque saison s’annonce par de nouvelles joies,
pour voguer de privilèges en découvertes,
de bisous doux en gros câlins,
de fantaisies en réussites…
Bref, nous vous souhaitons
une année plus belle que jamais !
Nuageneuf
René Magritte
La corde sensible, 1960