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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 04:39

 

 

 

Einstein-dixit.jpg

 

 

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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 04:50

 

 

 

 

Mon rêve familier


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,

Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

 

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent

Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

 

Est-elle brune, blonde ou rousse ? — Je l’ignore.

Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore

Comme ceux des aimés que la Vie exila.

 

Son regard est pareil au regard des statues,

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

Paul VERLAINE

6ème poème de la section Melancholia des Poèmes Saturniens

 

 

 

 

 

melancholia-Kiefer-1988--Museum-of-art--Japon.jpg

...L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Anselm Kiefer
Melancholia, 1988

Cendres sur photos sur plomb dans un cadre vitré en acier 170x230cm. 
Hara, Museum of Art, Japon

 

 

      * * *

 


« Sans mémoire, il ne peut y avoir d'identité, d'autant que je considère que l'identité remonte bien plus loin dans le temps que notre propre naissance.» Anselm Kiefer.

 

 

 


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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 09:13

 

 

 

Quatre-vingt-dix ans


Le soleil s'infiltre dans sa chambre

Elle sent la douleur de ses membres

Lui rappeler dès le premier mouvement

Qu'elle a déjà quatre-vingt-dix ans

 

 

Quatre-vingt-dix ans déjà

Elle se lève, s'appuie sur son bras

Sur lequel subsiste une marque bleue

Matricule soixante mille quarante-deux

 

 

Dans son quartier ils l'appellent tous Mamie

Les commerçants sont presque ses amis

C'est de loin la vieille la plus respectable

Ils aiment savoir leurs produits sur sa table

 

 

La journée passe entre action et ennui

Puis elle s'allonge gracieusement sur son lit

En allumant machinalement

Son poste de télévision

 

 

On ne peut pas dire qu'elle est fan de tout ça

Mais le soir elle aime entendre des voix

De temps en temps elle apprend quelque chose

Et les banalités la reposent

 

 

Mais ce soir ce n'est pas pareil

Elle ose à peine se fier à ses oreilles

Un "politique" joue l'historien pressé

Qualifiant de détail son lourd passé

 

 

Mais de quel détail peut-il bien parler

Etaient-ce les femmes qu'on entendait hurler

Les étoiles jaunes cousues sur les chemises

Les enfants fusillés, la fumée grise

 

 

C'était à l'aube de ses trente-cinq ans

C'était à l'aube de son troisième enfant

Une nouvelle ère inondait la Nation

Basée sur le crime et l'humiliation

 

 

Mais de quel détail peut-il bien s'agir

Et que peut-il nous arriver de pire

Que l'on soit victime ou bourreau

La honte nous poursuivra jusqu'au tombeau

 

 

Elle revoit toute sa vie en un instant

Le bonheur brisé d'une génération

Les droits perdus retrouvés peu à peu

L'oubli des imbéciles et des envieux

 

 

Elle revoit toute sa vie comme un outrage

L'homme qu'elle aimait, partir dans un nuage

Ses enfants grandir dans la peur

Sa descendance étouffer sa rancœur

 

 

Puis elle se sent céder, elle veut mourir

Ne plus survivre, ne plus entendre dire

Que six millions de vies assassinées

Ne sont qu'un détail du passé

 

 

Elle n'entend pas la clé dans sa serrure

Dans sa tête ne résonne que l'injure

Elle n'entend pas les pas dans son couloir

Elle ne voit pas les trois vieillards

 

 

Pourtant ils sont bien là et ils l'appellent

Pourtant ils crient pour qu'elle revienne à elle

Trois hommes épargnés par le temps

Trois hommes aux cheveux gris, qui crient "Maman"

 

 

Maman, bats toi, il faut que tu respires

Maman, trouves vite quelque chose à dire

Fais nous un signe, il faut que tu reviennes

Ne te laisses pas tuer, parle ! peine !

 

 

Maman tu as encore beaucoup à faire

Dis à ton cœur de battre toute sa colère

Maman, surtout, faut pas pleurer

C'est juste un con qui passe à la télé

 

 

Maman, regarde nos enfants

Ils sont sortis d'Egypte y a trois mille ans

Et chaque année ils rendent encore hommage

A leurs ancêtres victimes de l'esclavage

 

 

Nos petits enfants sont là pour te fêter

C'est leur surprise, ils t'attendent à côté

Ne nous laisse pas un sentiment amer

Le jour de ton anniversaire

 

 

Quatre-vingt-dix ans déjà

Une force à défier des soldats

Elle se redresse sous les yeux ébahis

De Jonathan, David et Jérémie

 

 

Elle serre ses fils, puis elle se met debout

Plus rien ne compte à part ce rendez-vous

Avec plus de cinquante garçons et filles

Sa plus grande valeur, sa famille...

 

 

Il y a Daniel, et Esther, sa petite sœur

Qui savent leurs dix commandements par cœur

Joseph, Sarah, Noémie et Simon

Petits gardiens d'une grande tradition

 

 

Et puis, bien sûr, Julie et Nicolas

Rémy, Lucie, Gilles et Alexandra

Les petits derniers nés d'un mariage mixte

Qui ne seront jamais négationnistes

 

 

Car il connaissent parfaitement leur histoire

Car chacun d'eux est un bout de mémoire

Malgré leur âge ils ont beaucoup souffert

A travers les souvenirs d'une grand-mère

 

 

Elle pose ses mains sur chacune de leur tête

Les yeux troublés, le cœur en fête

Ils chantent son nom et quand viendra la nuit

Chacun ira l'embrasser dans son lit

 

 

Le soleil illumine sa chambre

Elle sent la douleur de ses membres

Disparaître dès le premier mouvement

Malgré le poids des quatre-vingt-dix ans

 

 

Le matricule soixante mille quarante-deux

Vivra encore une décennie ou deux

Portant au bras jusqu'au dernier voyage

Comme une preuve, son tatouage

 

 

Face au cyclope et sa troupe de paille

Elle sera là comme un dernier détail

Bravant les faux et les contorsionnistes

Elle sera là, Perfectionniste...

 

 

 

Stéphane SOLOMON

 

 

Printemps-a-Bergen-Belsen.jpg

René BAUMER

Printemps à Bergen-Belsen, 1965

Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon)

 


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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 04:51

 

 

 

Colette-N-M.jpg 

 

 

 

 

D'une vie de femme

 

 

Elle s'en va parfois. Loin des autres, tous. Se donne congé, se livre à elle-même au ventre d'une maison très étrangère, le long d'une berge, au feuillu des forêts. Se retire pour éprouver si la vie la traverse encore. Faut-il émonder, greffer, tailler ? Table rase. Autour d'elle, murmure, soupçons. Elle n'en prend pas ombrage. Qui éclairerait-elle si elle n'y voyait plus ? Elle glisse en ses limbes. En remontera un fil ténu ou de bruissantes étoiles.

 

 

*

 

 

Je vous écris d'une vie de femme


Elle a la tête sur les épaules, dit-on. Elle l'a aussi dans les nuages, parfois même dans les étoiles. Le plus souvent dans l'armoire à provisions ou dans la machine à laver : elle se penche vers le hublot pour happer le linge à faire sécher, repasser, vérifier, ranger. Elle a les mains dans l'eau froide de la salade, l'eau trop chaude des vaisselles, l'eau sale des seaux de nettoyage. Elle a les pieds sur terre : dans les mules qui glissent autour des lits d'enfants ou sur les talons des comédies mondaines.

Elle a le corps dru et solide pour grimper et dévaler les escaliers, de la cave au grenier, du parc à voitures souterrain au bureau des allocations familiales ; pousser vigoureusement le chariot entre les rayons du supermarché. Pour étreindre l'homme et abriter ses petits.

Mais parfois elle voudrait être une, être libre et légère ; sans personne qui pèse ou s'accroche, sans voix qui appelle ou quémande. Courir les mains nues, nager loin, rencontrer pour rien, pour le seul plaisir de l'échange sans intention. Elle aimerait se remembrer. Elle rêve de partager. Tout. Et pas seulement les miettes.

 

 

COLETTE NYS-MAZURE    

Célébration du quotidien

 

 

 

Colette Nys-Mazure est née à Wavre en Belgique. Longtemps professeur de lettres, elle anime des ateliers de lecture, d'écriture, collabore à différentes revues et aime faire connaître la littérature de son pays au-delà des frontières.

Poète, nouvelliste, essayiste, elle écrit volontiers en correspondance avec des peintres, des musiciens de par le monde. Ses textes ont été traduits en plusieurs langues.


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8 mai 2013 3 08 /05 /mai /2013 05:08

 

 

 

 

 

                                                  À deviner

 

 

 

— Est-ce que c'est une chose ?

 

— Oui et non.

 

— Est-ce que c'est un être vivant ?

 

— Pour ainsi dire.

 

— Est-ce que c'est un être humain ?

 

— Cela en procède.

 

— Est-ce que cela se voit ?

 

— Tantôt oui, tantôt non.

 

— Est-ce que cela s'entend ?

 

— Tantôt oui, tantôt non.

 

— Est-ce que cela a un poids ?

 

— Ça peut être très lourd ou infiniment léger.

 

— Est-ce que c'est un récipient, un contenant ?

 

— C'est à la fois un contenant et un contenu.

 

— Est-ce que cela a une signification ?

 

— La plupart du temps, oui, mais cela peut aussi n'avoir aucun sens.

 

— C'est donc une chose bien étrange ?

 

— Oui, c'est la nuit en plein jour, le regard de l'aveugle, la musique des sourds, la folie du sage, l'intelligence des fous, le danger du repos, l'immobilité et le vertige, l'espace incompréhensible et le temps insoutenable, l'énigme qui se dévore elle-même, l'oiseau qui renaît de ses cendres, l'ange foudroyé, le démon sauvé, la pierre qui parle toute seule, le monument qui marche, l'éclat et l'écho qui tournent autour de la terre, le monologue de la foule, le murmure indistinct, le cri de la jouissance et celui de l'horreur, l'explosion suspendue sur nos têtes, le commencement de la fin, une éternité sans avenir, notre vie et notre déclin, notre résurrection permanente, notre torture, notre gloire, notre absence inguérissable, notre cendre jetée au vent...

 

— Est-ce que cela porte un nom ?

 

— Oui, le langage.

 

 

Jean Tardieu

Margeries, poèmes inédits 1910-1985

Gallimard, 1986, p. 297-298.

 

 

* * *

 

Le langage selon DALI


Dali-Living-still-Life-1956.JPG

 

DALI

Living Still Life

Nature morte vivante

1956

 


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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 07:35

 

 

 

 

LLS-16-.jpeg

©Andy RILEY

 

 

 

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 08:00

 

 

 

 

 

"Portez ce vieux whisky

 

au juge blond qui fume." 

 

 

Georges PEREC

 

 

Notre cher poète fou des mots réalise avec cette phrase le pangramme le plus court de la langue française, le pangramme consistant en une phrase intelligible qui contient chaque lettre de l'alphabet. Et de surcroît, c'est un alexandrin !

 

 

Les anglais ont bien entendu le leur :

 

"The quick brown fox jumps

 

over the lazy dog."


the-quick-brown-fox-jumps-over-the-lazy-dog-jpg.jpg 

 

 

 

 

 

 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 05:09

 

 

 

 

Bleu de bleu

 

Quand j’ai besoin de bleu,

Quand j’ai besoin, de bleu, de bleu,

De bleu de mer et d’outre-mer,

De bleu de ciel et d’outre-ciel,

De bleu marin, de bleu céleste ;


Quand j’ai besoin profond,

Quand j’ai besoin altier,

Quand j’ai besoin d’envol,

Quand j’ai besoin de nage,

Et de plonger en ciel,

Et de voler sous l’eau ;


Quand j’ai besoin de bleu

Pour l’âme et le visage,

Pour tout le corps laver,

Pour ondoyer le cœur ;


Quand j’ai besoin de bleu

Pour mon éternité,

Pour déborder ma vie,

Pour aller au-delà

Rassurer ma terreur

Pour savoir qu’au-delà

Tout reprend de plus belle ;


Quand j’ai besoin de bleu,

L’hiver,

Quand j’ai besoin de bleu,

La nuit

J’ai recours à tes yeux.

 

 

Jean MOGIN

La Belle Alliance.

 

 

Jean Mogin (né en 1921). Poète, dramaturge, homme de radio, sa première pièce, A chacun selon sa faim, créée en 1950 au Vieux-Colombier, fut une révélation. Sa poésie est pure, dépouillée.

 

 

 

Renoir.Jeune-fille-au-ruban-bleu.jpeg

 

Jeune fille au ruban bleu*

 

 

renoir.La-petite-fille-au-ruban-bleu-irene-cahen-danvers.12.jpg

La petite fille au ruban bleu*

 

 

A propos de La petite fille au ruban bleu, voici un texte en forme d'hommage d'Henri MICHAUX :

 

"Dans le visage de la jeune fille est inscrite la civilisation où elle naquit. Elle s'y juge, satisfaite ou non, avec ses caractères propres. Le pays s'y juge encore plus, et si l'eau y est saine, légère, convenablement minéralisée, ce qu'y valent la lumière, le manger, le mode de vie, le système social...Le visage des filles, c'est l'étoffe de la race même, plus que le visage des garçons...Le visage est leur oeuvre d'art, leur inconsciente et pourtant fidèle traduction d'un monde...visages mystérieux portés par la marée des ancêtres... visage de la jeune fille à qui on n'a pas encore volé son ciel... visage musical qu'une lampe intérieure compose plus que ses traits et dont le visage de madone serait l'heureux aboutissement."

Henri MICHAUX 

 

 

* Bien entendu, les toiles sont de Pierre-Auguste RENOIR.

 


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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 05:03

 

 

 

 

Suicidal-Deer.jpg

 

 

 

 

Gently stolen at POP9 's ! Thanx.

 



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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 05:14

 

 

 

 

Le dernier des madrigaux

 

 

Permettez

Madame

C'est grand liberté

Que je le proclame

Vous atteignez à la beauté

Ce n'est pas peu dire

Ce n'est pas pour rire

C'est même exactement

Pour pleurer

 

 

 

 

 

 

Votre manière agaçante

De manier l'éventail

Vos airs de reine ou de servante

Vos dents d'émail

Vos silences pleins d'aveux

Vos jolis petits cheveux

Ce sont des raisons excellentes

Pour pleurer

 

 

 

Louis ARAGON

 

 

 

 

 

Janusz-Miller.jpg

Photo ©Janusz Miller

 


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