Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? — Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul VERLAINE
6ème poème de la section Melancholia des Poèmes Saturniens
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« Sans mémoire, il ne peut y avoir d'identité, d'autant que je considère que l'identité remonte bien plus loin dans le temps que notre propre naissance.» Anselm Kiefer.