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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 06:59

 

 

Tard dans la vie

Je suis dur
Je suis tendre
        Et j'ai perdu mon temps
        A rêver sans dormir
        A dormir en marchant
Partout où j'ai passé
J'ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place où la foudre a frappé trop souvent
Un coeur où chaque mot a laissé son entaille
Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement

Pierre Reverdy in La liberté des mers –1959 -

 

 


reverdy-la-liberte-des-mers.jpg
Braque et Reverdy travaillèrent ensemble sur plusieurs livres, par exemple pour une édition des Ardoises du toit (1918) et pour Une Aventure méthodique (1950). Le 5 avril 1950, Reverdy acheva une copie manuscrite du poème La Liberté des Mers et son écriture particulièrement grande fut reproduite grandeur nature. Le travail d'impression, avec les lithographies de Braque, ne fut terminé que cinq ans plus tard, le 15 juin 1959. Braque était célèbre pour l'intérêt qu'il portait au procédé graphique et pour la patience avec laquelle il attendait d'avoir obtenu les meilleurs résultats. Ce majestueux livre d'artiste de presque 40 centimètres sur 60 ne fut finalement publié que fin mai 1960, un mois avant le décès de Reverdy (le 17 juin). Il doit son nom au classique d'Hugo Grotius (ou Hugo de Groot) sur le droit maritime: le livre Mare liberum, c'est-à-dire "la mer libre".

 


Illustration : la couverture du recueil par G.Braque.

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 06:52

 

 

 

 

 

Je crois encore au merveilleux de l’amour, je crois à la réalité des rêves.

 

 

 

Robert DESNOS

 La liberté ou l’amour  -1924 -

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 07:32

 

Si tu savais

 

Loin de moi et semblable aux étoiles et à tous les accessoires

de la mythologie poétique,

Loin de moi et cependant présente à ton insu,

Loin de moi et plus silencieuse encore parce que je t’imagine sans cesse,

Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir.

Si tu savais.

Loin de moi et peut-être davantage encore de m’ignorer et m’ignorer encore.

Loin de moi parce que tu ne m’aimes pas sans doute ou ce qui revient au même,

que j’en doute.

Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs passionnés.

Loin de moi parce que tu es cruelle.

Si tu savais.

Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière

au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir

dans les champignonnières.

Loin de moi silencieuse encore ainsi qu’en ma présence et joyeuse encore

comme l’heure en forme de cigogne qui tombe de haut.

Loin de moi à l’instant où chantent les alambics, l’instant où la mer silencieuse et bruyante

se replie sur les oreillers blancs.

Si tu savais.

Loin de moi, ô mon présent présent tourment, loin de moi au bruit magnifique

des coquilles d’huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule,

au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants.

Si tu savais.

Loin de moi, volontaire et matériel mirage.

Loin de moi c’est une île qui se détourne au passage des navires.

Loin de moi un calme troupeau de bœufs se trompe de chemin,

s’arrête obstinément au bord d’un profond précipice, loin de moi, ô cruelle.

Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète.

Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre,

il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi,

tu es loin de moi.

Si tu savais.

Loin de moi une maison achève d’être construite.

Un maçon en blouse blanche au sommet de l’échafaudage chante une petite chanson très triste

et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison :

les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres

des belles inconnues et leurs rêves même à minuit, et les secrets voluptueux

surpris par les lames de parquet.

Loin de moi,

Si tu savais.

Si tu savais comme je t’aime et, bien que tu ne m’aimes pas, comme je suis joyeux,

comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l’univers.

Comme je suis joyeux à en mourir.

Si tu savais comme le monde m’est soumis.

Et toi, belle insoumise aussi, comme tu es ma prisonnière.

Ô toi, loin-de-moi, à qui je suis soumis.

Si tu savais.

 

Robert DESNOS in Corps et Biens.

 

 

 

ingres-odalisque-louvre

 

(...)et la nudité dans les chambres

des belles inconnues(...)

 

 


Illustration : INGRES. La Grande Odalisque – 1874 -
(commande de Caroline Murat, sœur de Napoléon Ier et reine de Naples)
 

 



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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 07:14

 

 

 

Non, l'amour n'est pas mort

 

Non, l'amour n'est pas mort en ce coeur et ces yeux et cette bouche qui proclamait ses funérailles commencées.

Écoutez, j'en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.

J'aime l'amour, sa tendresse et sa cruauté.

Mon amour n'a qu'un seul nom, qu'une seule forme.

Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.

Mon amour n'a qu'un nom, qu'une forme.

Et si quelque jour tu t'en souviens

Ô toi, forme et nom de mon amour,

Un jour sur la mer entre l'Amérique et l'Europe,

À l'heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues, ou bien une nuit d'orage sous un arbre dans la campagne, ou dans une rapide automobile,

Un matin de printemps boulevard Malesherbes,

Un jour de pluie,

À l'aube avant de te coucher,

Dis-toi, je l'ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t'aimer davantage et qu'il est dommage que tu ne l'aies pas connu.

Dis-toi qu'il ne faut pas regretter les choses: Ronsard avant moi et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes qui méprisèrent le plus pur amour,

Toi, quand tu seras morte,

Tu seras belle et toujours désirable.

Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l'éternité, mais si je vis

Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,

L'odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d'autres choses encore vivront en moi,

En moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,

Moi qui suis Robert Desnos et qui, pour t'avoir connue et aimée,

Les vaux bien.

Moi qui suis Robert Desnos, pour t'aimer

Et qui ne veux pas attacher d'autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable.

 

 

in À la Mystérieuse - l926 -

 

 


gustave-caillebotte.jpg

 

(...)Un matin de printemps boulevard Malesherbes,

Un jour de pluie,(...)


 

 


Illustration Gustave Caillebotte. Rue de Paris, Temps de pluie. - 1876 -

 



 

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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 06:52

 

 

Nous avons obtenu trois indiscrétions à propos de Marceline ; nous vous les livrons telles que nous les avons reçues et en profitons pour remercier ici la confiance manifestée par leurs auteurs, qui comme chacun sait sont des habitués de ces colonnes :

 

Honoré de Balzac, qui admirait sincèrement son talent et la spontanéité de ses vers « assemblages délicats de sonorités douces et harmonieuses et qui évoquent la vie des gens simples » lui écrivait en avril 1834 en parlant d'elle-même :« (...) Elle a donc conservé le souvenir d'un cœur dans lequel elle a pleinement retenti, elle et ses paroles, elle et ses poésies de tout genre, car nous sommes du même pays, Madame, du pays des larmes et de la misère. Nous sommes aussi voisins que peuvent l'être, en France, la prose et la poésie, mais je me rapproche de vous par le sentiment avec lequel je vous admire. ».

 

Paul Verlaine nous déclare (extraits) : « Nous proclamons à haute et intelligible voix que Marceline Desbordes-Valmore est tout bonnement […] la seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles […] ». On lui sait gré d'avoir introduit des formes nouvelles : « […] Marceline Desbordes-Valmore a, le premier d’entre les poètes de ce temps, employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités, celui de onze pieds entre autres […] ».

 

Quant à Charles Baudelaire, il affirme : « Mme Desbordes-Valmore fut femme, fut toujours femme et ne fut absolument que femme ; mais elle fut à un degré extraordinaire l’expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme. »

 



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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 06:37

 

 

 

Qu’en avez-vous fait ?

 

 

Vous aviez mon coeur,

Moi, j'avais le vôtre :

Un coeur pour un coeur ;

Bonheur pour bonheur !

 

Le vôtre est rendu,

Je n'en ai plus d'autre,

Le vôtre est rendu,

Le mien est perdu !

 

La feuille et la fleur

Et le fruit lui-même,

La feuille et la fleur,

L'encens, la couleur :

 

Qu'en avez-vous fait,

Mon maître suprême ?

Qu'en avez-vous fait,

De ce doux bienfait ?

 

Comme un pauvre enfant

Quitté par sa mère,

Comme un pauvre enfant

Que rien ne défend,

 

Vous me laissez là,

Dans ma vie amère ;

Vous me laissez là,

Et Dieu voit cela !

 

Savez-vous qu'un jour

L'homme est seul au monde ?

Savez-vous qu'un jour

Il revoit l'amour ?

 

Vous appellerez,

Sans qu'on vous réponde ;

Vous appellerez,

Et vous songerez !...

 

Vous viendrez rêvant

Sonner à ma porte;

Ami comme avant,

Vous viendrez rêvant.

 

Et l'on vous dira :

" Personne !... elle est morte. "

On vous le dira ;

Mais qui vous plaindra ?

 

 

in Elégies - 1819 -

 


 

beffroi-douai-corot.jpg

 

Note : Pour échapper aux troubles de la Commune, Corot se réfugia à Douai chez Alfred Robaut, le futur historiographe du peintre. Installé au 1er étage d'une maison donnant sur le beffroi, il peignit ce tableau, l'un de ses chefs d'oeuvres en 18 après-midi, au printemps 1871.



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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 06:37

 

 

L'exposition  TEMOIGNER DE CES VIES se poursuit à COMPIEGNE au MEMORIAL de l'internement et de la déportation - Camp de ROYALLIEU (2 bis rue des Martyrs). Elle dure jusqu'au 1 mai, avant qu'elle ne parte vers la Belgique pour continuer son parcours de mémoire. 75 peintures à l'huile, céramiques et poèmes-textes y sont exposés. 

 

Ce samedi 9 avril, Francine MAYRAN sera présente et rendez-vous est fixé aux visiteurs à 14h30.

 

49 survivre-ou-les-traces-de-la-deshumanisation

 

Francine Mayran est née à Strasbourg en 1958. Psychiatre et peintre, elle peint depuis l’âge de vingt ans, influencée entre autres par Soutine et Anselm Kiefer. De sa peinture exhale cette ardente nécessité de transmettre sa jeune réflexion sur la question de l’indifférence face au drame de la Shoah. “ Mes peintures sont au service de la mémoire, dans les lieux de mémoire, pour transmettre la mémoire de ceux qui ont disparu et de ceux qui en sont revenus.”

 

 

voir la vidéo de l'exposition à Compiègne Royallieu

 


 

 



On rappellera pour mémoire que Francine Mayran

ne vend aucune de ses oeuvres. 

 




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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 07:24

 

 

L’île

 

 

L’île a des lis

Et des lilas

Pour les délices il y a des lits là.

Pas de soucis,

Cent liserons

Viens tes soucis vite s’enliseront.

Un cycle amène

Cycle centaure,

Sous les lilas où j’oublie tes cent torts,

Un cyclamen

Des centaurées

Et des pensées pour le temps dépensé.

L’île à délices

A des lilas,

Avec des lis j’ai porté ton lit là.

 

Louise de Vilmorin in  L’Alphabet des aveux -1954-

 

 


 

Femmes-aux-fleurs-Zhou-Fang

 

Illustration : Femmes aux fleurs. Zhou Fang. Peintre chinois.

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 06:25

Louise-de-Vilmorin-en-1940-par-Cecil-Beaton.jpg

 

Pour sa grâce, avant d'y revenir plus longuement.

 


 

 

Viens, allons vivre en cachette,
Garde mon cœur sur ta main,
Ayons des amours secrètes :
Ne nous disons jamais rien.


Donne, donne…



Louise de Vilmorin in Le Sable du sablier -1945  -

 

 

 


Louise Lévêque de Vilmorin, dite Louise de Vilmorin, est née le 4 avril 1902 dans la demeure familiale des Vilmorin à Antony. Déclarée à Verrières-le-Buisson, c’est là qu’elle s’éteindra le 26 décembre 1969. Elle fut inhumée sous un cèdre du parc. Par la suite André Malraux, mort fin 1976, y fut également enseveli. Mais sa dépouille en fut retirée en 1996 pour être transportée au Panthéon, sur décision de Jacques Chirac, alors Président de la République.

 

 

 

 

Illustration : Louise de Vilmorin par Cecil Beaton. -1940 -

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 07:37

 

 

 

Un billet de femme

 

Puisque c'est toi qui veux nouer encore

Notre lien,

Puisque c'est toi dont le regret m'implore,

Ecoute bien :

 

Les longs serments, rêves trempés de charmes,

Ecrits et lus,

Comme Dieu veut qu'ils soient payés de larmes,

N'en écris plus !

 

Puisque la plaine après l'ombre ou l'orage

Rit au soleil,

Séchons nos yeux et reprenons courage,

Le front vermeil.

 

Ta voix, c'est vrai ! Se lève encor chérie

Sur mon chemin ;

Mais ne dis plus : " A toujours ! " je t'en prie ;

Dis : " A demain ! "

 

Nos jours lointains glissés purs et suaves,

Nos jours en fleurs ;

Nos jours blessés dans l'anneau des esclaves,

Pesants de pleurs ;

 

De ces tableaux dont la raison soupire

Otons nos yeux,

Comme l'enfant qui s'oublie et respire,

La vue aux cieux !

 

Si c'est ainsi qu'une seconde vie

Peut se rouvrir,

Pour s'écouler sous une autre asservie,

Sans trop souffrir,

 

Par ce billet, parole de mon âme,

Qui va vers toi,

Ce soir, où veille et te rêve une femme,

Viens ! Et prends-moi !

 

 

 

marceline

Illustration : La statue de Marceline devant les jardins de l'église Notre-Dame à Douai (Nord). Photo jmt pour Nuageneuf

 


Marceline Desbordes-Valmore nait à Douai le 20 juin 1786 et meurt à Paris le 23 juillet 1859.

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