Qu’en avez-vous fait ?
Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur :
Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,
Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'amour ?
Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !...
Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l'on vous dira :
" Personne !... elle est morte. "
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?
in Elégies - 1819 -
Note : Pour échapper aux troubles de la Commune, Corot se réfugia à Douai chez Alfred Robaut, le futur historiographe du peintre. Installé au 1er étage d'une maison donnant sur le beffroi, il peignit ce tableau, l'un de ses chefs d'oeuvres en 18 après-midi, au printemps 1871.