Il y a quelques jours, nous mettions en ligne la chronique quotidienne que Philippe Meyer donne au quotidien sur France Culture. Elle était consacrée au poète Jean PEROL. Voici un premier poème.
Et les villages vous avez vu les villages
Et les villages vous avez vu les villages
comme un rose de pivoine au corsage des collines
et les rayures du monde dans les yeux
les griffures les giflures du monde dans nos yeux vous avez vu
dans cette vie qui nous emporte et fonce vers ses soleils
parmi de mornes plaines rouges de fin de siècle qui s’étale
et les nuages hein vous avez vu les nuages
leurs ombres vives et véloces de grand chagrin sur les luzernes
et les colzas que le couchant au ras des crêtes illumine
en longs boas d’une Zaza qui sur la terre danserait
tu les as vus et c’est ainsi et vais et viens pas dans tes reins
mais dans les rues de l’univers
cherchant depuis longtemps la place qui m’attend
tandis qu’il fait novembre novembre et puis Toussaint
qui perd tiédeur de tous les seins
tandis qu’il fait de plus en plus cinq heures du soir sans
fin qui sombre
tandis qu’ici et là – dis tu le vois quand le
train s’enfonce et file dans les campagnes qui s’écartent
et que ta main tout juste proche contre la mienne on dirait tremble
il fait froid sur les châteaux noirs
il fait froid sur nos blanches peaux.
Jean Pérol
À part et passager, 2004
Jean Pérol est né en 1932 à Vienne (France). Il passe son enfance et son adolescence dans le sud-est de la France ; après des études supérieures à Lyon, il part en 1961 pour le Japon où il résidera plus de vingt ans ; il en reviendra en 1989. Il séjourne pendant deux ans en Afghanistan, puis en Louisiane, enfin à New York. Il a collaboré à la N.R.F., aux Lettres françaises, au Magazine littéraire. Il obtient le Prix Mallarmé, en 1988, pour Asile exil et pour l’ensemble de son œuvre. Son roman, Un été mémorable, est couronné Prix du meilleur roman en 1998.
...et les nuages hein vous avez vu les nuages...

...tandis qu’ici et là – dis tu le vois quand le
train s’enfonce...