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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 05:48

 

 

 

Paul Celan

 

Comme franchies la stridence, 

la grille,

et sur la dalle de nulle part

fermant les yeux –

 

la parole, de silence comblée,

résonne plus bas. Il vient

 

traversant l’essaim du désastre

faisant corps avec la nuit. 

 

 

 

Dans l’abrupte

l’étroite

gorge du jour se levant

 

mais le souffle secouru

par la neige, il se détache, là, 

comme si le souffle encore

attaquait de nouvelles parois

 

||

 

Par un détour, sa parole,

lui, le plus exposé,

 

sur cette pente, précisément cette pente,

il vient de toucher de l’ongle

une fleur qui se rétracte – et se multiplie…

 

Décorporée sa passion, à la fourche du chemin,

jusqu’à casser le sens, non la fleur,

pour un recueil de rosée

 

 

 

Un cœur dans le cœur comme une pierre

d’éboulis refroidie au soleil, 

une autre voix, du lointain

à tout autre visage accordée – 

 

pierre et voix soustraites

à jamais soustraites à la numération

des mots meurtriers.

 

||

 

Unisson de la blessure

et des plantes amères

où se noue et glisse

une cordée d’espace,

son souffle tire, le souffle du roncier – 

 

une lampe saisie de frayeur

jusqu’à nous se hisse

avec ce qu’a rompu l’incantation

balbutiante, la lumière – 

 

tire un corps de la contre-parole,

un visage lisse après l’ouragan

 

 

 

Risque de chaque mot, vrille

de chaque mot contre soi retournée,

si près de l’obscur

qu’il en touche le fil et la faille

et la voix presque de silence

sous le halètement de la chimère. 

 

Jacques Dupin

M’Introduire dans ton histoire,

 

P.O.L. 2007, pp. 159, 160 et 161.

 

 

 

 

kiefer.jpg

 

... Décorporée sa passion, à la fourche du chemin, ...     

 

 

 

 

 

Toile de Anselm KIEFER

 

*   *   *

 

 

Jacques DUPIN est né en 1927. Il vit à Paris.

 

francis-baconDUPIN-1990.jpg

 

Francis BACON

Portrait de Jacques Dupin, 1990

Collection du FNAC, dépôt au Musée de Picardie en 1992 © Hugo Maertens

 

Francis Bacon, peintre irlandais, naît le 28 octobre 1909 à Dublin de parents anglais. Il décède le 28 avril 1992 à Madrid, à la suite d'une pneumonie.



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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 05:39

 

 

Heureux anniversaire à celui qui déclame aujourd’hui encore ,

à l'âge de 91 ans, sans une hésitation,

ce poème mais tout également mille et un autres

- pour peu que son cœur brille –

en français, en latin et en grec. 

 

*          *          *

 

 

 

La conscience

 

Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,

Echevelé, livide au milieu des tempêtes,

Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,

Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva

Au bas d'une montagne en une grande plaine ;

Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine

Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »

Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.

Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,

Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,

Et qui le regardait dans l'ombre fixement.

« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.

Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,

Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.

Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.

Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,

Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,

Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève

Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.

« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.

Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »

Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes

L'oeil à la même place au fond de l'horizon.

Alors il tressaillit en proie au noir frisson.

« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,

Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.

Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont

Sous des tentes de poil dans le désert profond :

« Etends de ce côté la toile de la tente. »

Et l'on développa la muraille flottante ;

Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :

« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,

La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;

Et Caïn répondit : « Je vois cet oeil encore ! »

Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs

Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,

Cria : « Je saurai bien construire une barrière. »

Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.

Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »

Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours

Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.

Bâtissons une ville avec sa citadelle,

Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »

Alors Tubalcaïn, père des forgerons,

Construisit une ville énorme et surhumaine.

Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,

Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;

Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;

Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.

Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,

On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,

Et la ville semblait une ville d'enfer ;

L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;

Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;

Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »

Quand ils eurent fini de clore et de murer,

On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;

Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !

L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.

Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »

Alors il dit: « Je veux habiter sous la terre

Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;

Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »

On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »

Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.

Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre

Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,

L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

 

 

Victor Hugo

La Légende des siècles, 1859-1877

Seconde partie intitulée D'Eve à Jésus.

 

 

 

 

No-Entry.jpg

...Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »...

 

 


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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 04:58

 

 

A tout prendre, nous ne nous étions pas complètement fourvoyés lors de la rédaction de ce billet daté du 24 avril 2012. Voyez plutôt :

 

 

sarkozy-hollande-arc-de-triomphe.jpeg

 

 


Uchronie :

Une uchronie est une évocation imaginaire qui désigne en quelque sorte un temps qui n'existe pas, mais basé sur des faits réels et animé par des personnages existants ou ayant existé.

Voici donc le résultat de l'élection présidentielle en France.

Arrivés strictement avec le même nombre de voix, nos deux présidents tombent dans les bras l'un de l'autre et décident d'exercer de conserve la plus haute fonction de l'état pour le plus grand bien du peuple de France.

 

 

sempe-N.York-7-mai-79.jpg

33 ans jour pour jour après ce dessin de Jean-Jacques SEMPE,

on peut voir ici représentés F.Hollande et N.Sarkozy

se rendant à l'Elysée. 

 

 

 

 

Billet rédigé le 24 avril 2012 pour publication le 6 mai 2012.

 


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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 04:19

 

 

 

 

 

Radar.jpg

 

 

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 09:47

 

 

8 mai 1945

 

Emmanuel d'Astier de La Vigerie, alias Bernard dans la Résistance, fut le fondateur du groupe « Libération-zone Sud ». Après un premier voyage à Londres en 1942, il y retourne en 1943, où il écrit Complainte du Partisan.

 

 

Complainte du Partisan

 


Les Allemands étaient chez moi

On m'a dit résigne-toi

Mais je n'ai pas pu

Et j'ai repris mon arme.

 

Personne ne m'a demandé

D'où je viens et où je vais

Vous qui le savez

Effacez mon passage.

 

J'ai changé cent fois de nom

J'ai perdu femme et enfants

Mais j'ai tant d'amis

Et j'ai la France entière.

 

Un vieil homme dans un grenier

Pour la nuit nous a cachés

Les Allemands l'ont pris

Il est mort sans surprise.

 

Hier encore nous étions trois

Il ne reste plus que moi

Et je tourne en rond

Dans la prison des frontières.

 

Le vent souffle sur les tombes

La liberté reviendra

On nous oubliera

Nous rentrerons dans l'ombre.

 

 


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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 05:55

 

 

Il est attesté que ce monologue d'Edouard Baer dans Astérix et Obélix, mission Cléopâtre est une improvisation. La caméra continua de tourner - on remarque que Jamel Debbouze semble agacé - et Alain Chabat décida d'inclure in extenso cette scène devenue "culte", à la stupéfaction d'Edouard Baer d'ailleurs, qui se plait parfois à narrer l'anecdote. 

 

 

Claude Rich (Panoramix) :

"C'est une bonne situation, scribe ?"

 

Edouard Baer (Otis) :

"Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je dois résumer ma vie aujourd'hui avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres. Des gens qui m'ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi. Et c'est curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée... Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ce n'est pas mon cas, comme je disais là, puisque moi au contraire, j'ai pu : et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie... Je ne suis qu'amour ! Et finalement, quand beaucoup de gens me disent "Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ?", je leur réponds très simplement, je leur dis que c'est ce goût de l'amour qui m'a poussé aujourd'hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait ? Peut-être seulement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi..."

 

 

                                  

 

 

 

 

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 04:58

 

 

Uchronie :

Une uchronie est une évocation imaginaire qui désigne en quelque sorte un temps qui n'existe pas, mais basé sur des faits réels et animé par des personnages existants ou ayant existé.

Voici donc le résultat de l'élection présidentielle en France.

Arrivés strictement avec le même nombre de voix, nos deux présidents tombent dans les bras l'un de l'autre et décident d'exercer de conserve la plus haute fonction de l'état pour le plus grand bien du peuple de France.

 

 

sempe-N.York-7-mai-79.jpg

33 ans jour pour jour après ce dessin de Jean-Jacques SEMPE,

on peut voir ici représentés F.Hollande et N.Sarkozy

se rendant à l'Elysée. 

 

 

 

 

Billet rédigé le 24 avril 2012 pour publication le 6 mai 2012.

 


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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 05:38

 

Puisque vous partez en voyage

 

Paroles de Jean Nohain, 1935 et musique de Mireille.

 

 

 

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 05:58

 

Cyrano de Bergerac. Nous sommes tout au début de la pièce, en l’hôtel de Bourgogne. Les lustres sont encore baissés au milieu du parterre. La salle est dans une demi-obscurité et le public se presse pour venir écouter et voir jouer La Clorise… On fait les présentations. Ecoutons ce qui se dit alors :

 

 

 

CYRANO DE BERGERAC  - ACTE I, SCENE 2

 

les mêmes, Christian, Lignière, puis Ragueneau

et Le Bret.

                  Cuigy

Lignière !

                  Brissaille, riant.

                  Pas encore gris ? ...

 

                  Lignière, bas à Christian.

                                                     Je vous présente ?

(signe d' assentiment de Christian.)

Baron de Neuvillette.

(saluts.)

                  La Salle, acclamant l' ascension du premier

lustre allumé.

                                      Ah !

                  Cuigy, à Brissaille, en regardant Christian.

                                               La tête est charmante.

 

                  Premier Marquis, qui a entendu.

Peuh ! ...

                  Lignière, présentant à Christian.

           Messieurs De Cuigy, De Brissaille...

                  Christian, s’inclinant.

                                                                          Enchanté !...

                  Premier Marquis, au deuxième.

Il est assez joli, mais n'est pas ajusté

Au dernier goût.

                  Lignière, à Cuigy.

                               Monsieur débarque de Touraine.

                  Christian

Oui, je suis à Paris depuis vingt jours à peine.

J'entre aux gardes demain, dans les Cadets.

                  Premier Marquis, regardant les personnes qui

entrent dans les loges.

                                                                          Voilà

La présidente Aubry !

                  La Distributrice

                                        Oranges, lait...

                  Les Violons, s'accordant.

                                                                   La... la...

                  Cuigy, à Christian, lui désignant la salle qui

se garnit.

Du monde !

                  Christian

                                Eh ! Oui, beaucoup.

                  Premier Marquis

                                                                 Tout le bel air !

(ils nomment les femmes à mesure qu' elles entrent,

très parées, dans les loges. Envois de saluts,

réponses de sourires.)

                  Deuxième Marquis

                                                                                Mesdames

De Guéménée...

                  Cuigy

                               De Bois-dauphin...

                  Premier Marquis

                                                                 Que nous aimâmes...

 

 


 

cyrano_caleche.jpg 

Note : La présidente Aubry est bien entendu une de nos chères précieuses. Il s’agit de Françoise de Villandry, qui tenait salon rue Saint-Thomas du Louvre, en l’Hôtel de Rambouillet. Mais chut… Une fois « voiturées les commodités de la conversation », voici que nos précieuses Barthénoïde, Urimédonte, Cassadance, Félixérie, Arthénice (anagramme de Catherine) s’apprêtent à lire chez Clomire le Discours sur le Tendre

 

 


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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 09:29

 

 

En exclusivité, nous sommes en mesure de vous révéler

les propos exacts qui seront échangés lors du débat de ce soir.

 

 

 

 

Mesdames et messieurs ... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire.


Oh ! je sais ! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire ... il ferait mieux de se taire !"


Evidemment ! Mais c'est trop facile ! ... c'est trop facile !


Vous voudriez que je fasse comme tout ceux qui n'ont rien à dire et qui le gardent pour eux ?


 

Eh bien non ! Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache !


Je veux en faire profiter les autres !


Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs, vous n'avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en discute !


Je ne suis pas ennemi du colloque.


Mais, me direz-vous, si on en parle pour ne rien dire, de quoi allons-nous parler ?


Eh bien, de rien ! De rien !


Car rien ... ce n'est pas rien.


La preuve c'est qu'on peut le soustraire.


Exemple : Rien moins rien = moins que rien !


Si l'on peut trouver moins que rien c'est que rien vaut déjà quelque chose !


On peut acheter quelque chose avec rien !


En le multipliant Une fois rien ... c'est rien


Deux fois rien ... c'est pas beaucoup !


Mais trois fois rien ! ... Pour trois fois rien on peut déjà acheter quelque chose ! ... Et pour pas cher !


Maintenant si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien :


Rien multiplié par rien = rien.


Trois multiplié par trois = neuf.


Cela fait rien de neuf !


Oui ... ce n'est pas la peine d'en parler !


Bon ! Parlons d'autres choses ! parlons de la situation, tenez !

Sans préciser laquelle !



Si vous le permettez, je vais faire brièvement l'historique de la situation, quelle qu'elle soit !


Il y a quelques mois, souvenez-vous la situation pour n'être pas pire que celle d'aujourd'hui n'en n'était pas meilleure non plus !


Déjà nous allions vers la catastrophe, nous le savions ...

Nous en étions conscients !


Car il ne faudrait pas croire que les responsables d'hier étaient plus ignorants de la situation que ne le sont ceux d'aujourd'hui !

 


Oui la catastrophe, nous le pensions, était pour demain !


C'est-à-dire qu'en fait elle devait être pour aujourd'hui !


Si mes calculs sont justes !


Or, que voyons-nous aujourd'hui ?


Qu'elle est toujours pour demain !


Alors je vous pose la question, mesdames et messieurs :


Est-ce en remettant toujours au lendemain la catastrophe que nous pourrions faire le jour même que nous l'éviterons ?


D'ailleurs je vous signale entre parenthèses que si le gouvernement actuel n'est pas capable d'assurer la catastrophe, il est possible que l'opposition s'en empare !


 

Raymond Devos.

 

 

Des-bas.jpg

Des Bas

 


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