Nuit de printemps
Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l'ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n'agite le feuillage.
Nuit de printemps
Le ciel est pur, la lune est sans nuage :
Déjà la nuit au calice des fleurs
Verse la perle et l'ambre de ses pleurs ;
Aucun zéphyr n'agite le feuillage.
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(info. provisoire pour Louna)
Pyrame et Thisbé (en grec ancien Πύραμος καὶ Θίσϐη / Púramos kaì Thísbê) sont deux amants légendaires de la mythologie grecque et romaine. Leur histoire, issue de la matière orientale, est à l'intersection du mythe et du romanesque.
Mythe
Les noms de Pyrame et Thisbé sont mentionnés pour la première fois par Hygin, qui rapporte simplement leur suicide. Mais c'est Ovide qui, dans ses Métamorphoses, donne le premier leur légende : Pyrame et Thisbé sont deux jeunes Babyloniens qui habitent des maisons contiguës et s'aiment malgré l'interdiction de leurs pères. Ils projettent de se retrouver une nuit en dehors de la ville, sous un mûrier blanc. Thisbé arrive la première, mais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; comme son voile lui échappe, il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsqu'il arrive, Pyrame découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide. Celle-ci, revenant près du mûrier, découvre le corps sans vie de son amant et préfère se donner la mort à sa suite.
« Ô vous, parents trop malheureux ! Vous, mon père, et vous qui fûtes le sien, écoutez ma dernière prière ! Ne refusez pas un même tombeau à ceux qu'un même amour, un même trépas a voulu réunir ! Et toi, arbre fatal, qui de ton ombre couvres le corps de Pyrame, et vas bientôt couvrir le mien, conserve l'empreinte de notre sang ! Porte désormais des fruits symboles de douleur et de larmes, sanglant témoignage du double sacrifice de deux amants ! »
— Ovide, (trad. G. T. Villenave).
C'est de là que viendrait la couleur rouge des mûres d'après Ovide. De fait, dans la tradition latine, le terme de Pyramea arbor (« arbre de Pyrame ») était parfois utilisé pour désigner le mûrier.
Plusieurs récits de l'Antiquité tardive (Nonnos ou le roman chrétien des Recognitiones) rapportent une version sensiblement différente de celle d'Ovide. Situant la scène en Cilicie, ils montrent Thisbé se suicidant la première lorsqu'elle se découvre enceinte (par peur de ses parents), suivie par Pyrame ; les deux amants sont ensuite métamorphosés, Pyrame en fleuve et Thisbé en source. De fait, un fleuve nommé Pyrame coule en Cilicie, cette attestation toponymique semblant montrer que cette version de la légende remonte à une tradition plus ancienne et mieux établie que celle donnée par Ovide.
Évocations artistiques
John William Waterhouse, Thisbé, 1909, collection privée. Thisbé écoute Pyrame qui lui parle à travers la faille du mur
La légende de Pyrame et Thisbé a inspiré de nombreuses œuvres. La plus célèbre est sans doute Roméo et Juliette de William Shakespeare (1595), qui en reprend librement l'intrigue. Shakespeare a également utilisé ce thème dans Le Songe d'une nuit d'été, où il est joué dans une version parodique pour le mariage de Thésée, duc d'Athènes, et Hippolyte, reine des Amazones.
Au XVIIe siècle, plusieurs tragédies françaises ont été composées sur le thème des amants malheureux : ainsi de Jean Puget de La Serre, Pradon, et surtout Théophile de Viau avec Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé (1621), très appréciée en son temps.
En 1897, Edmond Rostand fait dire à son Cyrano de Bergerac dans la fameuse tirade du nez (acte I, scène 4) :
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
En référence à l'extrait de la tirade de Thisbé lors de la mort de son amant dans la pièce de Théophile de Viau : « Ah voici le poignard qui du sang de son maître / S'est souillé lâchement. Il en rougit, le traître ! »
Elle inspira également des opéras :
Pyrame et Thisbé, tragédie lyrique en cinq actes et un prologue de François Francœur et François Rebel sur un livret de Jean-Louis Ignace de La Serre (1662-1756) représentée pour la première fois en 1726, reprise et remaniée en 1740, 1759 et 1771.
Piramo e Tisbe de Johann Adolph Hasse, représenté en 1768.
Piramo e Tisbe de Giuseppe Francesco Bianchi.
Piramo e Tisbe de Gaetano Andreozzi.
Piramo e Tisbe de Venanzio Rauzzini.
Piramo e Tisbe de Vincenzo Righini.
Piramo y Tisbe de Luis Mison.
Et des tableaux :
Pyrame et Thisbé, huile sur bois de Hans Baldung Grien, vers 1530, Berlin, Staatliche Museen ;
Pyrame et Thisbé, huile sur toile de Nicolas Poussin, 1651, Francfort, Stadel Kunstinstitut ;
Pyrame et Thisbé, tableau d'Andrea Boscoli aux Offices de Florence ;
Pyrame et Thisbé, tableau de Gregorio Pagani, Galeria degli Uffizi, Florence.
Thisbe, tableau de John William Waterhouse, 1909, coll. privée.
Yom HaShoah Du mercredi 15 avril 2015, 18h30 au jeudi 16 avril 2015, 18h00. |
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"Les noms de ceux dont il ne reste que le nom"
Simone Veil
À l’occasion de Yom HaShoah, date retenue par l’État d’Israël pour la commémoration de la mémoire des victimes de la Shoah et des héros de la Résistance juive pendant la Seconde Guerre mondiale, le Mémorial de la Shoah organise, pour la huitième année consécutive, en partenariat avec le Mouvement juif libéral de France (MJLF) et l’Association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), qui sont à l’initiative de cette cérémonie, et le Consistoire de Paris, la lecture des noms des déportés juifs de France devant le Mur des Noms.
Au cours de cette lecture publique ininterrompue de 24 heures, de jour comme de nuit, sont prononcés, un à un, les noms, prénoms et âges de chaque homme, femme et enfant déporté. Des 76 000 noms inscrits sur le Mur, sont lus ce soir à partir de 18h30 les noms des personnes déportées par les convois n°44 à n°84.
Quelques 200 personnes, anciens déportés, parents, enfants… lisent à tour de rôle, à partir des listes issues du Livre mémorial de la Déportation de Serge Klarsfeld, (éd. Association des FFDJF), les noms de « ceux dont il ne reste que le nom »(Simone Veil).
Le mur des noms au Mémorial de la Shoah, Paris.
79 convois ont quitté Drancy entre le 27 mars 1942 et le 17 août 1944.
Tous les convois de déportation de Drancy partis entre le 27 mars 1942 et le 23 juin 1943, soit 42 convois, sont partis de la gare du Bourget-Drancy.
Tous les convois de déportation de Drancy partis entre le 18 juillet 1943 et le 17 août 1944 sont partis de la gare de Bobigny. (A noter que l'ancienne gare désaffectée de Bobigny, classée en 2005, est devenue officiellement lieu de mémoire en janvier 2011)
{C}
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Fugue de mort
Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or
écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouez pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or
Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré
Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez
il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or
tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne
il crie plus sombre les archets et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu
il vise tire sur toi une balle de plomb il ne te manque pas
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel
il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith
Paul CELAN
traduction Jean-Pierre Lefebvre
© Editions GALLIMARD, 1998, pour la traduction française
Illustration :
Anselm Kiefer
Margarete
{C}Huile, acrylique, émulsion et paille sur toile, 280 x 380 cm, Collection particulière.
{C}
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Le poème original de Paul Celan
Todesfuge
Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends
wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts
wir trinken und trinken
wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland
dein goldenes Haar Margarete
er schreibt es und tritt vor das Haus und es blitzen die Sterne
er pfeift seine Rüden herbei
er pfeift seine Juden hervor läßt schaufeln ein Grab in der Erde
er befiehlt uns spielt auf nun zum Tanz
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich morgens und mittags wir trinken dich abends
wir trinken und trinken
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland
dein goldenes Haar Margarete
Dein aschenes Haar Sulamith wir schaufeln ein Grab in den Lüften
da liegt man nicht eng
Er ruft stecht tiefer ins Erdreich ihr einen ihr andern singet und spielt
er greift nach dem Eisen im Gurt er schwingts seine Augen sind blau
stecht tiefer die Spaten ihr einen ihr anderen spielt weiter zum Tanz auf
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags und morgens wir trinken dich abends
wir trinken und trinken
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith er spielt mit den Schlangen
Er ruft spielt süßer den Tod der Tod ist ein Meister aus Deutschland
er ruft streicht dunkler die Geigen dann steigt ihr als Rauch in die Luft
dann habt ihr ein Grab in den Wolken da liegt man nicht eng
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland
wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken
der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau
er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft
er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister aus Deutschland
dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith
Paul CELAN
Mohn und Gedächtnis
© 1952 Deutsche Verlags-Anstalt München
Anselm Kiefer
(détail)
{C}
Yom HaShoah du 11 avril 2010.
Illustration : une personne se recueille devant le mur des noms au Mémorial de la Shoah, à Paris, le 11 avril 2010, jour de Yom HaShoah. Pendant 24 heures, sans discontinuer, les noms, prénoms et âges des déportés sont lus sur le parvis. Cette année-là ont été lus les noms des convois du 25ème au 66ème.
* * *
Destination Auschwitz (1942-1944)
La colère du Général
La scène se passe au paradis :
Sur un petit nuage Yvonne tricote, assise sur un pliant.
Elle voit arriver le général, titubant, la mine défaite, prêt à défaillir.
Après quelques pas, il s’effondre à ses côtés dans un fauteuil (ou un transat)
Yvonne :
Depuis que de Saint Pierre vous eûtes permission
De retourner sur Terre ausculter la Nation
Sur ce petit pliant j’attends votre venue...
Mais je lis dans vos yeux une déconvenue !
Parlez-moi sans tarder de celle qui toujours
Fut jadis avec moi l’objet de vos amours...
Le général :
Vous voulez dire France à qui j’ai voué ma vie,
Ne cachons point son nom ! Je vous sais gré, Mamie
(Malgré les embarras, les peines, les tracas
Qu’elle a pu vous donner et dont je fais grand cas !)
Pendant aussi longtemps de l’avoir tolérée.
Déjà publié en 2010.
DES (mauvais) GENIES, ELFES ET JINNS.
Excusez-moi, Monsieur, je viens tout droit d'Ispahan, et me voici tout fraîchement débarqué à Paris, la ville lumière qui semble aujourd'hui bien obscure. Peut-être pourriez-vous m'éclairer ?
- Mais avec plaisir, cher Monsieur.
- Il s'agit du voile intégral. J'ai cru comprendre que les Parisiens, et les Français dans leur ensemble, n'en voulaient pas.
- Voilà qui n'est pas faux.
- Ce voile cacherait le visage des femmes...
- Entre autres, oui.
- Il les gênerait dans leur vie de tous les jours...
- Leurs nuits ne nous concernent pas.
- Les empêcherait de conduire...
- Avec nos embarras de circulation...
- Et, ajoute-t-on, attenterait à leur dignité de femme.
- Il y contribue peu !
- Mais on dit, à Ispahan, que votre Assemblée nationale, n'a pas été unanime à voter la loi qui en interdit le port ?
- C'est vrai.
- S'y sont opposés, je suppose, les gens de religion, hostiles à tout changement...?
- Eh bien non, justement. Se sont abstenus les députés de gauche.
- Les députés de gauche ! Allons donc. Auriez-vous, en France, tout inversé ? Le centre est bien toujours au milieu, rassurez-moi ?
- Plus que jamais.
- Les Français auraient-ils alors changé de boussole, d'orientation ? Ou de vocabulaire ?
- Ils n'en ont pas changé, ils n'en ont plus, Monsieur.
- Mais ce doit être terrible, pour un peuple aussi cartésien !
- Oh, détrompez-vous, s'ils n'en ont plus, c'est qu'ils en ont trop !
- Cela vous dérangerait beaucoup de m'expliquer un peu...Je comprends si mal...
- Eh bien notre France, voyez-vous, n'a plus le droit de parler de son identité...
- Mais enfin qui donc l'en empêche ? Vous serait-il échu un tyran ?
- Si ça n'était qu'un tyran, Monsieur ! Nos ancêtres nous ont appris à nous en débarrasser. Non ! vraiment pas de tyran. Il s'agit plutôt d'un fléau contre lequel les peuples sont impuissants.
- Même le peuple français ?
- Lui plus qu'un autre, croyez moi.
- Que voulez-vous dire ?
- Eh bien...Vous pensez vous trouver dans le pays des Droits de l'Homme, n'est-ce pas ?
- Certainement. Cela aussi a-t-il changé ?
- Cela seul a changé. Vous êtes à présent dans le pays des Devoirs de l'Homme.
- Ma foi, je comprenais mal, je ne comprends plus goutte !
- C'est pourtant simple: le monde entier vient chez nous pour nous rappeler ses droits, additionnés à ceux qu'il a été persuadé s'être acquis par le passé, ce qu'il appelle des dettes - et il nous somme tous les jours de nous acquitter de nos devoirs...
- Et vous consentez à leurs exigences ?
- Il s'agit bien de consentir ! Nous y sommes contraints de façon si insidieuse !
- Par qui ?
- Eh bien par des génies, des elfes, Monsieur. Des petits génies, des purs esprits, des jinns. Ici, là, partout. Nulle part.
- N'êtes-vous pas en train de vous approprier les cultures exotiques, cher Monsieur, dont la mienne ?
- Bien sûr que si. Vous avez l'illusion de vous trouver dans la France éternelle, une nation généreuse et accueillante, quelle erreur ! Vous êtes dans un pays que les jinns, les petits génies condamnent à renier tout ce qui fut sien, brillamment, par le passé, et à endurer en silence la lente, inexorable imprégnation de ses moeurs, de ses coutumes, par tout ce qui s'y dépose, porté par le vent des déserts, le sable du temps, et les cogitations funestes.
- Ce sont réellement d'invisibles esprits ?
- Même pas. On ne les aperçoit que trop. Leur orgueil les pousse à s'exhiber. Dans les airs d'abord, ils se suspendent à une sorte de toile, et apparaissent dans des lucarnes plus qu'étranges, où ils chantent, dansent, et, hélas, écrivent un charabia devenu notre langue. Dans des prothèses de villes, ensuite, appelées cités, où ils forment des apatries, des zones de mon-droit. Dans ce pays où, jadis, on aimait voir le beau et le grivois, comme au Moulin Rouge ou aux Folies Bergères, on entend braire les ânes et strip-teaser les belles âmes.
- Les belles âmes ?
- Oui, ces guides du peuple qui vous enduisent de Morale à tartiner à la moindre syllabe interdite, qui surveillent vos propos et ne châtient rien tant que le mot racisme.
- Racisme ?
- Le racisme, oui, ce poison violent à l'état naturel, transformé par eux en tisane- mort -aux- rats pour nous faire oublier que ce que nous pensons vaut toujours que nous le disions, que la liberté sera toujours plus féconde que ses fruits, et que nous sommes ce que nous sommes pour le rester, afin de ne changer qu'en demeurant nous-mêmes.
- Ne pouvez-vous rien contre ces génies ?
- Quand l'intelligence se dilue dans sa caricature, quand les poings se cachent au bout des ailes et se font angéliques, quand on ne peut plus trouver noire l'action la plus vile, parce que c'est la discriminer, quand on ne peut plus s'élever contre qui a signé pour un siècle son contrat de victime, quand il faut s'interdire de manger des oranges cultivées sous l'étoile de David, et offrir le beurre, l'argent du beurre, et la burka de la crémière à ceux qui sont prêts à mourir pour un croissant, quand partout, l'absurde et la nuit donnent à ceux qui n'ont rien à dire le droit d'imposer silence à ceux qui tentent encore d'exister, alors, vous savez, mon bon Monsieur...
- Oui...J'imagine d'autant mieux qu'à Ispahan, vous savez, les choses ne sont pas plus...
- Je le sais bien, mon pauvre Monsieur...C'est la mondialisation, comme ils disent. Et dire qu’il y a encore des gens qui sont curieux de ce qui se passe sur Mars...
- Oui...Comment disiez-vous avant d'être ...racistes ? Les cons comme la lune !
- Je vous laisse le dire, je ne le puis plus.
La Grande Mosquée bleue place de l'Imam, Ispahan
Rimes de cœur
De ce temps si vite passé
Rien n’est resté à la patience.
Je n’eus pas le temps d’y penser
Ni de faire un traité d’alliance
J’ai tout pris et tout dépensé.
Chaque plaisir, chaque malaise
Trouvaient les mots qui font pâlir.
Rimes du cœur sous les mélèzes,
La forêt comprend le désir
Et pleurait pour que mieux je plaise.
J’ai pris le rire en sa saison
Quand il venait en avalanche.
Quand parfumés de déraison
S’ouvraient les jasmins à peau blanche
J’acceptais la comparaison.
Il faisait bon si j’étais bonne
Meilleur si je faisais semblant.
Les vœux qu’on ne dit à personne
Éveillés par le cri des paons
Chantaient au remords qui fredonne.
La neige tombe, ohé ! traîneau
Je vais partir en promenade.
La neige anoblit mon manteau
Je suis la reine des nomades
Dans mon lit à quatre chevaux.
Je suis la reine sans coutumes
Qui connaît tous les jeux anciens.
La parole était mon costume
Et la lune mon petit chien
Jaloux d’un astre qui s’allume.
Une larme au bord de mes cils
Je dois poursuivre mon voyage.
Beau château restez de profil,
Pour rebroder vos personnages
Je prends mon aiguille et mon fil.
Le bonheur est un invalide
Qui passe en boitant comme moi.
Il n’a pas l’épaule solide
Mais je sais ce que je lui dois :
Mon cœur est plein, j’ai les mains vides.
Louise de Vilmorin
Le sable et le sablier,1945
@Cecil Beaton
Détail tiré des Lutteurs II et représentant Kiki(*) de Montparnasse.
Conte de fées
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
"Quand on aime, l'amour est trop grand pour pouvoir être
contenu tout entier en nous; il irradie vers la personne
aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à
revenir vers son point de départ et c'est ce choc en retour de
notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de
l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne
connaissons pas qu'elle vient de nous."
Images extraites de l'œuvre télévisée de Nina Campanez
Marie LAURENCIN
Jeunes filles, 1927