"Je ne prendrai pas de calendrier cette année,
car j'ai été très mécontent de celui de l'année dernière."
Alphonse ALLAIS
"Je ne prendrai pas de calendrier cette année,
car j'ai été très mécontent de celui de l'année dernière."
Alphonse ALLAIS
Nicolas BOILEAU
1636-1711
Portrait par Hyacinthe RIGAUD, 1704
C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l'art des vers atteindre la hauteur.
S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète,
Si son astre en naissant ne l'a formé poète,
Dans son génie étroit il est toujours captif ;
Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif.
Ô vous donc qui, brûlant d'une ardeur périlleuse,
Courez du bel esprit la carrière épineuse,
N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer,
Ni prendre pour génie un amour de rimer ;
Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces,
Et consultez longtemps votre esprit et vos forces.
La nature, fertile en Esprits excellents,
Sait entre les Auteurs partager les talents
L'un peut tracer en vers une amoureuse flamme ;
L'autre d'un trait plaisant aiguiser l'épigramme.
MALHERBE d'un héros peut vanter les exploits ;
RACAN, chanter Philis, les bergers et les bois
Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime
Méconnaît son génie et s'ignore soi-même :
Ainsi tel autrefois qu'on vit avec FARET
Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret
S'en va, mal à propos, d'une voix insolente,
Chanter du peuple hébreu la fuite triomphante,
Et, poursuivant Moïse au travers des déserts,
Court avec Pharaon se noyer dans les mers.
Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime,
Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime ;
L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ;
La rime est une esclave et ne doit qu'obéir.
Lorsqu'à la bien chercher d'abord on s'évertue,
L'esprit à la trouver aisément s'habitue ;
Au joug de la raison sans peine elle fléchit
Et, loin de la gêner, la sert et l'enrichit.
Mais, lorsqu'on la néglige, elle devient rebelle,
Et, pour la rattraper, le sens court après elle.
Aimez donc la raison : que toujours vos écrits
Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix.
La plupart, emportés d'une fougue insensée,
Toujours loin du droit sens vont chercher leur pensée
Ils croiraient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux,
S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux.
Évitons ces excès : laissons à l'Italie,
De tous ces faux brillants l'éclatante folie.
Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir,
Le chemin est glissant et pénible à tenir ;
Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt on se noie.
La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie.
Un auteur quelquefois, trop plein de son objet,
Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet.
S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face ;
Il me promène après de terrasse en terrasse ;
Ici s'offre un perron ; là règne un corridor ;
Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or.
Il compte des plafonds les ronds et les ovales ;
« Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales. »
Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin,
Et je me sauve à peine au travers du jardin.
Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile,
Et ne vous chargez point d'un détail inutile.
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant ;
L'esprit rassasié le rejette à l'instant.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.
Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire
Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ;
J'évite d'être long, et je deviens obscur ;
L'un n'est point trop fardé, mais sa Muse est trop nue ;
L'autre a peur de ramper, il se perd dans la nue.
Voulez-vous du public mériter les amours ?
Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Un style trop égal et toujours uniforme
En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.
On lit peu ces auteurs, nés pour nous ennuyer,
Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.
Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légère
Passer du grave au doux, du plaisant, au sévère !
Son livre, aimé du Ciel et chéri des lecteurs,
Est souvent chez Barbin entouré d'acheteurs.
Quoi que vous écriviez évitez la bassesse :
Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.
Au mépris du bon sens, le Burlesque effronté,
Trompa les yeux d'abord, plut par sa nouveauté.
On ne vit plus en vers que pointes triviales ;
Le Parnasse parla le langage des halles ;
La licence à rimer alors n'eut plus de frein,
Apollon travesti devint un TABARIN.
Cette contagion infecta les provinces,
Du clerc et du bourgeois passa jusques aux princes.
Le plus mauvais plaisant eut ses approbateurs ;
Et, jusqu'à d'ASSOUCI, tout trouva des lecteurs.
Mais de ce style enfin la cour désabusée
Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée,
Distingua le naïf du plat et du bouffon,
Et laissa la province admirer le Typhon.
Que ce style jamais ne souille votre ouvrage.
Imitons de MAROT l'élégant badinage,
Et laissons le Burlesque aux Plaisants du Pont-Neuf.
Mais n'allez point aussi, sur les pas de BRÉBEUF,
Même en une Pharsale, entasser sur les rives
« De morts et de mourants cent montagnes plaintives ».
Prenez mieux votre ton, soyez Simple avec art,
Sublime sans orgueil, agréable sans fard.
N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire.
Ayez pour la cadence une oreille sévère :
Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots,
Suspende l'hémistiche, en marque le repos.
Gardez qu'une voyelle, à courir trop hâtée,
Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée,
Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux :
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l'esprit, quand l'oreille est blessée.
Durant les premiers ans du Parnasse françois,
Le caprice tout seul faisait toutes les lois.
La rime, au bout des mots assemblés sans mesure,
Tenait lieu d'ornements, de nombre et de césure.
VILLON sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers.
MAROT, bientôt après, fit fleurir les ballades,
Tourna des triolets, rima des mascarades,
À des refrains réglés asservit les rondeaux
Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux.
RONSARD, qui le suivit, par une autre méthode,
Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode,
Et toutefois longtemps eut un heureux destin.
Mais sa Muse, en français parlant grec et latin,
Vit, dans l'âge suivant, par un retour grotesque,
Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendit plus retenus DESPORTES et BERTAUT.
Enfin MALHERBE vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la Muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle.
Marchez donc sur ses pas; aimez sa pureté ;
Et de son tour heureux imitez la clarté.
Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre,
Mon esprit aussitôt commence à se détendre ;
Et, de vos vains discours prompt à se détacher,
Ne suit point un auteur qu'il faut toujours chercher.
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Surtout qu'en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
En vain, vous me frappez d'un son mélodieux,
Si le terme est impropre ou le tour vicieux :
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme,
Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain.
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.
J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux,
Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent,
Des traits d'esprit, semés de temps en temps, pétillent.
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;
Que le début, la fin, répondent au milieu ;
Que d'un art délicat les pièces assorties
N'y forment qu'un seul tout de diverses parties,
Que jamais du sujet le discours s'écartant
N'aille chercher trop loin quelque mot éclatant.
Nicolas BOILEAU
L’Art poétique, Chant I
(extrait)
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- Le texte de Boileau est injonctif (marchez, aimez, imitez, apprenez), et ce n’est pas un hasard. Tout son texte repose sur une conception de la littérature qui lie étroitement les idées d’ordre et d’autorité : selon Boileau, Malherbe manifeste une conception de la littérature très autoritaire (D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir, Tout reconnut ses lois).
- Quand Boileau écrit son Art poétique en 1674, le classicisme est déjà bien installé ; il ne fait qu’en dresser le bilan. Ce texte est en fait le prolongement immédiat de la politique royale et de sa mainmise sur toutes les formes d’expression (cf. la création de l’Académie Française en 1634). A l’exemple de Malherbe et de Vaugelas qui fixent les règles (jusque-là assez fluctuantes) de l’orthographe, de la syntaxe et du style, Boileau propose ici un texte assez tendancieux. La thématique insistante de la clarté et de l’obscurité renvoie assez clairement à l’idéologie du Roi-Soleil, représenté ici par Le jour de la raison. La littérature doit être aux ordres du monarque dont l’autorité rayonnante trouve en Malherbe un défenseur tout désigné.
... Enfin Malherbe vint ...
Statue de François de Malherbe par Jean-Jules Allasseur (1853)
Cour Napoléon, Palais du Louvre, Paris
A l’écoute
Ce que veulent dire les mots
On ne le sait pas quand ils viennent ;
Il faut qu’ils se parlent, se trouvent,
Qu’ils se découvrent, qu’ils apprennent.
Ce que veulent dire les mots,
Ils ne le savent pas eux-mêmes,
Mais les voilà qui se regroupent,
Qui s’interpellent, se répondent,
Et si l’on sait tendre l’oreille,
On entend parler le poème.
Jacques CHARPENTREAU
(...) On entend parler le poème.
René MAGRITTE
Le modèle rouge, 1935.
Centre Pompidou.
"Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche.
Quand l'un avance, l'autre veut le dépasser.
Et moi, comme un imbécile, je marche !"
Raymond DEVOS
Georgette et René Magritte, le 28 juin 1922 © Apic/Getty Images
« Le spectateur peut voir, avec la plus grande liberté possible, mes images telles qu'elles sont, en essayant, comme leur auteur, de penser au Sens, ce qui veut dire à l'Impossible. »
René MAGRITTE
Le ciel de mon coeur
Le ciel est gris lorsque tu grondes :
Tombe la pluie, souffle le vent,
Et, dans un tourbillon, le monde
Se courbe et fuit en m’emportant
Au fond d’une forêt profonde
Où mon coeur souffre en attendant
Que s’apaise cet ouragan.
Le ciel est bleu quand ton sourire
Brille comme un jour de printemps.
Pas un nuage ne soupire,
L’aubépine a mis drapeau blanc.
Les oiseaux chantent pour te dire
Qu’aujourd’hui mon coeur est content :
Tu fais la pluie et le beau temps.
Jacques CHARPENTREAU
(...) Le ciel est bleu quand ton sourire
Brille comme un jour de printemps. (...)
Kandinsky
Bleu de Ciel, 1940
Jacques CHARPENTREAU reprend les titres de ses poèmes préférés sur son arbre, le Poémier.
Jacques CHARTENTREAU
Mon premier livre de devinettes
Enfance heureuse
Grillage de la pluie
Les flèches de la pluie
brûlent et la route fume
Et dix mille petites
blessures étincellent
La grille de la pluie
tisse le paysage
enserre les jardins
et griffe la fenêtre
Le grillage de la pluie
étend ses doigts lisses
sur les frais visages
ruisselants des enfants
Gabriel Cousin
Né en 1918 à Droué (Loir-et-Cher), dans un milieu ouvrier, Gabriel Cousin entre à l’usine au Bourget comme apprenti métallurgiste dès l’âge de 13 ans, puis ajusteur jusqu’à 20 ans.
En outre, athlète de compétition, la guerre de 1939 stoppe une carrière sportive prometteuse. Il commande une section de mitrailleuse et reçoit la croix de guerre le 2 juin 1940, accompagnée d’une belle citation. Puis c’est la captivité en Autriche... Les épreuves qu’il traverse et la lutte sous l’Occupation à Paris à son retour du camp de travail déclenchent en lui un appétit de culture irréductible.
Jean-Marie Conty, polytechnicien et ingénieur à l’Aérospatiale, contribue à le « sortir de l’usine », et l’aiguille vers la création. Il suit des cours de danse avec Jean Séry, ex-danseur étoile de l’Opéra, et une formation de comédien avec Roger Blin (1907-1984), et Claude Martin.
Il rencontre Hélène qui deviendra son épouse et une « puissante inspiratrice ».
Après la Libération, il a pour charge l’organisation du sport dans les usines et fait partie d’une jeune troupe de théâtre « Les Compagnons de la Saint-Jean », qui conçoivent, mettent en scène et interprètent de grands spectacles en plein air, dans l’esprit de Jacques Copeau (1879-1949), à Chartres, Grenoble, Uriage, Le Puy, etc...
Venu à Grenoble avec cette troupe, pour deux mois, il y restera 33 ans. Il y rencontre Jean Dasté (1904-1994) metteur en scène et propre gendre de Copeau, travaille avec lui et sera de l’équipe créatrice de « Peuple et Culture », réseau d’associations d’éducation populaire, avec le sociologue Joffre Dumazedier (1915-2002). Il mène en parallèle ses activités de professeur d’éducation physique et sportive (de 1948 à 1963), d’entraîneur d’athlétisme et d’animateur culturel.
Il milite alors au Parti Communiste Français et avec René Dumont (1904-2001), contre la faim dans le monde et la bombe atomique.
En 1965, il devient Conseiller technique et pédagogique au Ministère de la jeunesse et des sports, pour la formation d’animateurs de théâtre et pour l’expression et la communication. Parmi ses élèves figurent entre autres André Dussolier, Georges Lavaudant et Ariel Garcia-Valdès. Jusqu’en 1980, des centaines de stagiaires passeront dans ses stages d’été renommés.
Après 1980, il continue d’animer des stages d’éveil à la créativité et à l’écriture poétique et dramatique.
Gabriel Cousin commence à écrire vers 1948, à 30 ans, des poèmes et des articles sur les rapports de la culture et du sport. Encouragé par Paul Léautaud (1872-1956), et Claude Roy (déjà évoqué ici), il publie son premier recueil chez Seghers : « La Vie ouvrière » (1950).
En 1952, il faut la rencontre décisive de Georges Mounin (1910-1993), universitaire, critique et linguiste, qui lui révèle son thème majeur, «L’Amour », et fait éditer chez Gallimard « l’Ordinaire Amour » (1958), qui recevra une critique unanime. Plusieurs recueils se succéderont comme «Nommer la peur » (1966), « Au milieu du fleuve » (1971), « Poèmes d’un grand-père pour de grands enfants » (1980), « Dérober le feu » (1998), «Portrait d’une femme, poèmes précédés de deux lettres inédites de Paul Léautaud » (2001).
En 1958, il écrit sa première pièce et joue la carte de la décentralisation théâtrale. « Le Drame de Fukuryu-Maru », œuvre qui dénonce le danger nucléaire, est programmée au théâtre national populaire en 1959 par Jean Vilar (1912-1971), mais sa création est retardée par la mort de Gérard Philippe, puis interdite jusqu’au vote de la force de frappe française ! C’est finalement Jean Dasté qui la crée en 1963. Suivront une quinzaine de pièces représentées en France et souvent aussi à l’étranger ; la plupart ont été diffusées sur France-Culture.
« Tourné vers le social avec lucidité et générosité, désireux de composer un théâtre à la fois de réflexion et d’enchantement (par la musique, la poésie, la danse), Cousin s’est penché sans didactisme sur les métiers aliénants, les horreurs de la radioactivité, la violence raciale, la faim, la vieillesse et la pauvreté. Il a tenté des formes nouvelles : marionnettes, oratorio pour la radio, théâtre total » (Michel Azama).
Gabriel Cousin a écrit plusieurs téléfilms diffusés sur France 3, notamment « La femme et l’enfant », avec Marie Dubois, ainsi que des poèmes télévisuels suggérant que « si Villon ou Victor Hugo ou Baudelaire vivaient aujourd’hui, ils écriraient sans doute aussi avec l’audiovisuel... »
On peut dire que son œuvre s’est affirmée sous le signe de la diversité : littérature érotique, livret d’opéra, poème télévisuel, conte pour enfants... Elle a fait l’objet de thèses de doctorat (Washington, Londres, New-York, Anvers, Budapest, etc...)
Gabriel Cousin est chevalier de la Légion d’Honneur et Officier des Arts et Lettres, depuis 1985.
Déja publié : ici
En Relisant Ta Lettre
En relisant ta lettre je m'aperçois que
l'orthographe et toi, ça fait deux
C'est toi que j'aime
Ne prend qu'un M
Par-dessus tout
Ne me dis point
Il en manque un
Que tu t'en fous
Je t'en supplie
Point sur le I
Fais-moi confiance
Je suis l'esclave
Sans accent grave
Des apparences
C'est ridicule
C majuscule
C'était si bien
Tout ça m'affecte
Ca c'est correct
Au plus haut point
si tu renonces
Comme ça se prononce
A m'écouter
Avec la vie
Comme ça s'écrit
J'en finirai
Pour me garder
Ne prend qu'un D
Tant de rancune
T'as pas de coeur
Y'a pas d'erreur
Là y'en a une
J'en mourirai
N'est pas français
N'comprends-tu pas ?
Ça s'ra ta faute
Ça s'ra ta faute
Là y'en a pas
Paroles et musique : Serge GAINSBOURG
LA DIVE BOUTEILLE
O Bouteille,
Pleine toute
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère,
Et le mot profère
Auquel pend mon cœur
En la tant divine liqueur,
Qui est dedans tes flancs reclose,
Bacchus, qui fut d'Inde vainqueur,
Tient toute vérité enclose.
Vin tant divin, loin de toi est forclose
Toute mensonge et toute tromperie.
En joie soit l'aire de Noach close,
Lequel de toi nous fit la tempérie.
Sonne le beau mot, je t'en prie,
Qui me doit ôter de misère.
Ainsi ne se perde une goutte
De toi, soit blanche ou soit vermeille.
O Bouteille,
Pleine toute
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère.
RABELAIS
la Dive Bouteille
Cinquième Livre
Giorgio MORANDI
1890 - 1964
Nature morte métaphysique, 1
Giorgio MORANDI
Soir d'été, 1957
Pour Christelle, tendrement.
Quand on perd ses parents,
on s'appelle orphelin
Quand on perd son épouse,
alors on s'appelle veuf
Quand on perd sa jeunesse, bien
entendu, c'est vieux que l'on devient
Mais quand on perd son gamin,
y a pas de mot
Il n'y a pas de nom pour décrire la mère,
Celle qui borde son garçon au cimetière,
Jamais un seul poète, un seul pasteur,
jamais un seul auteur
N'a eu assez de lettres
pour tant d'douleur
Quand on perd la raison,
bien sûr on s'appelle fou
Et puis on s'appelle pauvre à perdre
trop de sous
Quand on perd la mémoire, tout d'suite
on est qualifié d'amnésique
Mais y a des choses qu'aucun mot n'explique
On aura beau fouiller les plus vieux dictionnaires
Posséder le plus vaste des vocabulaires
Décortiquer Baudelaire, jusque
sous terre,jusqu'à son dernier vers
Il n'y a pas de mot, pas de manière
D'appeler le parent d'un enfant
qui n'est plus
Il n'y a pas de mot pour ça qui soit connu
Quand on perd ses parents,
on s'appelle orphelin
Quand on perd son mari,
alors on s'appelle veuve
Quand on perd son petit,
c'est évident, il n'y a pas de mot
Pourtant y en a des mots
qui nous émeuvent
Mais là, y en a aucun, y a vraiment
rien à dire
On ne sait même plus trop
si on a l'droit de vivre
Mais bon on vit quand même, on vit tout
simplement pour n'pas crever
On rit pour n'pas pleurer
des flots sans rive
Oui, on vit parc' que lui,
il n'pourra plus le faire
On vit parce qu'on s'dit que sans doute,
il en s'rait fier
Quand on sauve un enfant,
on s'appelle héros
Mais quand on en perd un, y a pas de mot
Pas de mot
Paroles et musique Linda LEMAY