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16 novembre 2010 2 16 /11 /novembre /2010 15:29

 

Installé à Paris, Paul Celan épouse Gisèle de Lestrange (1927-1991) avec qui il échangera plus de 700 lettres. Gisèle est une graveuse célèbre qui illustre essentiellement des livres de poèmes.

 

Comme déjà évoqué, Celan écrit sa poésie en allemand, sa langue maternelle. Toutefois, il parle et maîtrise parfaitement le français, qu’il utilise dans sa correspondance avec Gisèle.

 

Suivent ici quelques extraits de ses lettres, qui nous éclaireront un peu sur ses affreux tourments  :

 

 

«... je tiens à vous dire combien il est difficile pour un Juif d'écrire des poèmes en langue allemande. Quand mes poèmes paraîtront, ils aboutiront bien aussi en Allemagne et - permettez-moi d'évoquer cette chose terrible -, la main qui ouvrira mon livre aura peut-être serré la main de celui qui fut l'assassin de ma mère... Et pire encore pourrait arriver... Pourtant mon destin est celui-ci : d'avoir à écrire des poèmes en allemand.» (Lettre de 1946)

 

Pourtant, souvent, Paul Celan se plaignait qu'on assimile toujours sa poésie au célèbre recueil Todesfuge. Il a écrit de nombreux poèmes d'amour :

 

L’automne me mange sa feuille dans la main : nous sommes amis.

Nous délivrons le temps de la coquille des noix et lui apprenons à marcher : le temps retourne dans la coquille.

 

Dans le miroir c’est dimanche,

dans le rêve on est endormi,

la bouche parle sans mentir.

 

Mon œil descend vers le sexe de l’aimée :

nous nous regardons,

nous nous disons de l’obscur,

nous nous aimons comme pavot et mémoire,

nous dormons comme un vin dans les coquillages,

comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune.

 

Nous sommes enlacés dans la fenêtre, ils nous regardent depuis la rue :

il est temps que l’on sache !

Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,

qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.

Il est temps que le temps advienne.

 

Il est temps.

 

 

Paul Celan, Corona, in le recueil « Pavot et Mémoire ».

 

anselm-kiefer-4.jpg

Sculpture d'Anselm Kiefer (1989)

Peut-être ici trouvons-nous une illustration par Kiefer du vers : 

nous nous aimons comme pavot et mémoire,

ou alors de celui-ci :

Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,

 


Le poème en version originale :

 

Aus der Hand frißt der Herbst mir sein Blatt: wir sind Freunde.

Wir schälen die Zeit aus den Nüssen und lehren sie gehn:

die Zeit kehrt zurück in die Schale.

 

Im Spiegel ist Sonntag,

im Traum wird geschlafen,

der Mund redet wahr.

 

Mein Aug steigt hinab zum Geschlecht der Geliebten:

wir sehen uns an,

wir sagen uns Dunkles,

wir lieben einander wie Mohn und Gedächtnis,

wir schlafen wie Wein in den Muscheln,

wie das Meer im Blutstrahl des Mondes.

 

Wir stehen umschlungen im Fenster, sie sehen uns zu von der Straße:

es ist Zeit, daß man weiß!

Es ist Zeit, daß der Stein sich zu blühen bequemt,

daß der Unrast ein Herz schlägt.

Es ist Zeit, daß es Zeit wird.

 

Es ist zeit.

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7 septembre 2010 2 07 /09 /septembre /2010 16:11

kiefer 2007Illustration : STERNENFALL. Anselm Kiefer au Grand palais (en 2007).

Kiefer est le premier artiste invité dans le cadre du programme Monumenta. Lors de cette gigantesque exposition, Kiefer rend hommage à Paul Celan et à Ingeborg Bachmann ; un poème de cette dernière sera publié prochainement.

  


PAUL CELAN. STEHEN.

 

STEHEN, im Schatten                        

des Wundenmals in der Luft.            

 

Für-niemand-und-nichts-Stehn.

Underkannt,

für dich

allein.

 

Mit allem, was darin Raum hat,

auch ohne

Sprache.

 

 

La traduction de Jean-Pierre Lefebvre.

 

RESTER LÀ, TENIR, dans l´ombre

de la cicatrice en l’air.

 

Rester là, tenir, pour-personne-et-pour rien.

Non-connu de quiconque,

pour toi,

seul.

 

Avec tout ce qui en cela possède de l’espace,

et même sans la

parole.

 


Note : Anish Kappor, sculpteur et plasticien indien, sera l’invité de Monumenta en 2011.

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 15:50

Klein-d-oeil.jpg

KLEIN d’œil !

Plus on lit Celan, plus on reste sans voix. Deux poèmes choisis, d’une infinie force, d’une violence sidérale. Il faut parfois, comme ici avec l’allusion graphique à Yves Klein, prendre un chemin de traverse en forme de sourire esquissé ou de respiration pour relire et relire les mots de Celan.

 


 

  

Un œil, ouvert 

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,
 audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.


Profondeur douloureuse de la prunelle :


la paupière


 ne barre pas la route, le cil
  

ne compte pas ce qui entre.

 


Une larme, à demi,


lentille plus aiguë, mobile,


capte pour toi les images.

 

 

Paul Celan in Grille de parole (Sprachgitter, 1959) – Traduction de Martine Broda

 

Ein Auge, Offen 


Eloge du lointain

 

Dans la source de tes yeux
 vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante.


Dans la source de tes yeux 
la mer tient sa parole.

J’y jette, 
coeur qui a séjourné chez des humains,
 les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment :

Plus noir au fond du noir, je suis plus nu.
 Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle. 
Je suis toi, quand je suis moi.

Dans la source de tes yeux
 je dérive et rêve de pillage.

Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse:
 nous nous séparons enlacés.

Dans la source de tes yeux
 un pendu étrangle la corde.

in Pavot et mémoire (1952) – Traduction de Martine Broda

 


Note : « Un lecteur parmi les plus attentifs et profonds de l'oeuvre de Celan, George Steiner, a écrit que peut-être la seule langue par laquelle on puisse vraiment pénétrer l'énigme d'Auschwitz c'est l'allemand, c'est-à-dire en écrivant « du dedans de la langue-de-mort elle-même ».  Cette remarque définit assez précisément la démarche de Celan. Le but de Celan n'a jamais été celui de « comprendre » au sens philosophique ou historique du terme -- le verbe verstehen n'appartient pratiquement pas à son vocabulaire -- mais plutôt celui de saisir, de restituer par les mots le sens d'une déchirure de l'histoire à partir de la souffrance qui a marqué ses victimes. Or, tout en puisant à la richesse de son bagage culturel de Juif de Bucovine, à la croisée de plusieurs langues et cultures, il a choisi de faire de l'allemand sa langue d'expression poétique, parfaitement conscient de toutes les conséquences qu'une telle posture impliquait tant sur le plan de l'élaboration que sur le plan de la réception de son oeuvre. »

Enzo Traverso: 
Paul Celan et la poésie de la destruction 
in "L'Histoire déchirée. Essai sur Auschwitz et les intellectuels" ISBN 2-204-05562-X © Les Éditions du Cerf 1997

 



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20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 13:49

 

 

 

Paul Célan se jette du pont Mirabeau dans la Seine.

 

En attendant de trouver bientôt des poèmes sur ce blog, on peut se rendre sur l'excellent site qui fait lien.

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