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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 17:54

 

 

 

L’ennemi

 

 

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils ;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

 

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,

Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

 

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

 

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,

Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

 

 

 

Charles Baudelaire in  Les Fleurs du Mal – 1857 - 

 

 

 

-tsunami-japon-52572.jpg

 

(...)Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.(...)

 

 



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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 07:11

 

Hymne.

 

 

 

le-lit-Henri_de_Toulouse-Lautrec_062.jpg
À la très chère, à la très belle

Qui remplit mon cœur de clarté,
À l’ange, à l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité !

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l’éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L’atmosphère d’un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,toulouse-lautreclebaiser1892.jpg
T’exprimer avec vérité ?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité !

À la très bonne, à la très belle,
Qui fait ma joie et ma santé,
À l’ange, à l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité !

 

 

Charles BAUDELAIRE in Galanteries – 1857 - 


Illustrations : Henri de Toulouse-Lautrec. Le lit et Baiser dans le lit. Vers 1892.
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8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 08:54

 

Le coucher du soleil romantique

Que le soleil est beau quand tout frais il se lève
,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !

Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon
,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !

Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire
;
L'irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;

Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage
,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons
.
            

 Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal. -1862- Tiré du recueil "Les épaves"





Note : « Dans ce livre atroce, dit Baudelaire, j'ai mis toute ma pensée, tout mon cœur, toute ma religion (travestie), toute ma haine ».

 
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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 08:51

l-horloge.jpg

 

 

L’Horloge.

 

 

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi !

Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible ;

 

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

A chaque homme accordé pour toute sa saison.

 

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix

D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,

Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

 

Remember ! Souviens-toi ! Prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

 

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! C'est la loi.

Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

 

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),

Où tout te dira Meurs, vieux lâche ! Il est trop tard !"

 

 

 

Charles BAUDELAIRE  

Les Fleurs du Mal.

-1861- Poème LXXXV de la section « Spleen et Idéal ».


 

2010.png

      L'horloge du beffroi de Douai le 20 décembre 2010 à 11h40.


 

Note : « L'Horloge » clôt la longue série de poèmes consacrés au Temps : « L'Ennemi », « Chant d'automne », « Spleen », « Le Goût du néant ». Ce poème marque l'aboutissement d'un parcours qui sanctionne l'échec de l'Idéal et la victoire du Spleen.


 

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 00:54

fini0505021.jpg

Illustration : Léonor FINI.

 

Les Chats

 

Les amoureux fervents et les savants austères

Aiment également, dans leur mûre saison,

Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,

Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

 

Amis de la science et de la volupté,

Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ;

L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,

S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

 

Ils prennent en songeant les nobles attitudes

Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,

Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;

 

Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques

Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,

Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

 

C.BAUDELAIRE in  Les fleurs du mal - 1847 -


Note : écrit en 1847 mais publié en 1857.

 



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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 00:46

 

toilette-240x300.jpg

Illustration : Henri de Toulouse Lautrec – 1889 -
Couramment appelée La toilette, cette œuvre est celle envoyée par Toulouse-Lautrec à l’exposition du groupe des XIX à Bruxelles en février 1890 sous le titre de Rousse, et qu’il nomme quelques mois plus tard dans une lettre : « Femme rousse assise par terre, de dos, nue» .


A une mendiante rousse

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.

Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons ;

En place de bas troués,
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor ;

Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux ;

Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,

Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Épieraient pour le déduit
Ton frais réduit !

Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois !

- Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour ;

Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh ! pardon !
Te faire don.

Va donc ! sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !

Charles BAUDELAIRE in Tableaux parisiens. Les Fleurs du mal.
 

 


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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 00:48

 

 

Semper eadem

"D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu"
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !

Taisez-vous, ignorante ! âme toujours ravie !
Bouche au rire enfantin ! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils !

Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal.


 

 

Note : Quand Baudelaire est en bas, à droite...

 

Courbet_LAtelier_du_peintre-1855--copie-1.jpg

Ce tableau est bien connu pour son titre
L'Atelier du peintre. Mais Courbet  le sous-titre : Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale. 1854-1855. Huile sur toile.

Ce tableau-manifeste, refusé par le jury du Salon, est le clou de l'exposition particulière que Courbet organise en marge de l'Exposition Universelle de 1855. Son sous-titre - Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale - donne la mesure du propos ambitieux et un peu énigmatique du peintre. "C'est le monde qui vient se faire peindre chez moi " précise Courbet "à droite, tous les actionnaires, c'est à dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art. A gauche, l'autre monde de la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploités, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort".

Dans la partie droite, l'on reconnaît notamment le profil barbu d'Alfred Bruyas, et derrière lui, de face, le philosophe Proudhon. Le critique Champfleury est assis sur un tabouret, tandis qu’à l’extrémité, Baudelaire est absorbé par la lecture. Le couple du premier plan vient personnifier les amateurs d'art et, près de la fenêtre, deux amants représentent l'amour libre.

Du côté de la "vie triviale", on trouve, un prêtre, un marchand, un chasseur, qui pourrait avoir les traits de Napoléon III, ou encore un ouvrier inactif et une mendiante qui symbolisent la pauvreté. On remarque également la guitare, la dague et le chapeau qui, avec le poseur masculin, stigmatisent l'art académique. L'identification de ces figures demeure néanmoins incertaine.

Au centre, tel un médiateur, l'artiste, en personne, est accompagné de figures bienveillantes : une femme-muse, nue comme la Vérité (on dit qu'il s'agit de sa maitresse du moment; elle est bien jolie !), un enfant et un chat.

Les spéculations les plus diverses ont été émises quant au sens réel du tableau. Avec L'Atelier du peintre, Courbet remet en cause la hiérarchie des genres en donnant à son manifeste personnel le rang et le format de la plus prestigieuse peinture d'histoire.

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14 novembre 2010 7 14 /11 /novembre /2010 01:02

 

toulouse-lautrec-20

Illustration :  "La Femme aux gants" ou "Portrait d'Honorine Platzer"
Henri de TOULOUSE-LAUTREC (1864-1901)
Peint en 1891
(Paris, musée d'Orsay)
 

 

 

 

 

 

Allégorie

 

C'est une femme belle et de riche encolure,

Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.

Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,

Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.

Elle rit à la mort et nargue la Débauche,

Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,

Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté

De ce corps ferme et droit la rude majesté.

Elle marche en déesse et repose en sultane ;

Elle a dans le plaisir la foi mahométane,

Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins,

Elle appelle des yeux la race des humains.

Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde

Et pourtant nécessaire à la marche du monde,

Que la beauté du corps est un sublime don

Qui de toute infamie arrache le pardon.

Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire,

Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire,

Elle regardera la face de la Mort,

Ainsi qu'un nouveau-né, - sans haine et sans remord.

 

Charles Baudelaire, in Les Fleurs du Mal

 

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 23:12

picabia-francis-01.jpg

Le Canal de Moret, effet d'automne. Francis PICABIA. -1909-

 

 

            Chant d'Automne

 

           

 

I

 

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;

Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !

J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres

Le bois retentissant sur le pavé des cours.

 

Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,

Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,

Et, comme le soleil dans son enfer polaire,

Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

 

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe

L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.

Mon esprit est pareil à la tour qui succombe

Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

 

Il me semble, bercé par ce choc monotone,

Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.

Pour qui ? — C'était hier l'été ; voici l'automne !

Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

 

II

 

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,

Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,

Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,

Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

 

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,

Même pour un ingrat, même pour un méchant ;

Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère

D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

 

Courte tâche! La tombe attend — elle est avide !

Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,

Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,

De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!

 

Charles Baudelaire.


 

 

Note : (…) Haine, frissons, horreur (…) / J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,

Douce beauté (…) / mon front posé sur vos genoux (…)

 

Esthétique du spleen, alliance de langueur, de violence et de tourments.

 

 

 

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20 octobre 2010 3 20 /10 /octobre /2010 23:12

La Soupe et les nuages

 

Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l'impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation: « - Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts. »

 

Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j'entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l'eau-de-vie, la voix de ma chère petite bien-aimée, qui disait: « - Allez-vous bientôt manger votre soupe, s...b... de marchand de nuages? »

 

Charles Baudelaire inLe Spleen de Paris

 

 

 Richard Brautigan (1935-1984) est un écrivain et poète américain. Il s'est inspiré du poème La Soupe et les Nuages pour écrire celui-ci, joyeusement surréaliste.

 

Salvador Dali

 

« Vas-tu

oui ou non

manger

ta soupe,

espèce de vieux

marchand de nuages ? »

hurla Jeanne Duval,

frappant Baudelaire

dans le dos

alors qu’il était assis

vassant

à la fenêtre.

Baudelaire

sursauta.

Puis il éclata

d’un rire infernal

brandissant sa cuiller

en l’air

telle une baguette

changeant la pièce

en une toile de

Salvador

Dali changeant

la pièce

en une toile

de Van Gogh.

 

dali-naissance-dune-divinite_1182636079.1182788954.jpg 

Illustration : Naissance d’un divinité. S.DALI. 1960.


 

Quelques phrases de BRAUTIGAN :  

« Nous tenons chacun notre rôle dans l’histoire. Le mien, ce sont les nuages ? »

in Tokyo-Montana Express.

 

« Tout est là, à l’exception bien sûr de ce qui manque »

 

« Toutes les filles devraient avoir un poème écrit rien que pour elles même s’il faut pour ça retourner cette planète sens dessus dessous ».

 




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