Zweig.

C’est seulement à partir de ce moment que je commençai à comprendre (ce que taisent la plupart des écrivains) que les malades, les estropiés, les gens laids, fanés, flétris, les êtres physiquement inférieurs aiment au contraire avec plus de passion et de violence, que les heureux et bien portants; ils aiment d’un amour fanatique, sombre, aucune passion sur terre n’est plus violente et avide que celle de ces désespérés, de ces bâtards de Dieu qui ne trouvent que dans l’amour d’autrui leur raison de vivre. Le fait que c’est précisément de l’abîme le plus profond de la détresse que s’élève le plus furieusement le cri panique du désir de vivre, ce terrible secret, jamais, dans mon inexpérience, je ne l’avais soupçonné. Et c’est seulement en cette minute qu’il avait pénétré en moi comme un fer brûlant.

Stefan Zweig in La pitié dangereuse

Illustration : Girl in Attic Doorway. Lucian Freud.  - 1995 -

(Jeune fille dans une embrasure de grenier)

Lucian Freud est né à Berlin en 1922 dans une famille de la grande bourgeoisie juive intellectuelle. Son père, architecte, quitte Berlin et emmène sa famille à Londres. Son grand-père Sigmund Freud les rejoint en 1939 et lègue tous ses bies à ses petits-fils.

Lucian Freud est un peintre réaliste contemporain ; son oeuvre est monumentale et fascinante. Freud peint "l'humain" et nous émeut.

---

Comments

[Nuageneuf]

Merci, cher Patrice, de ce tour d’horizon bien enrichissant. L.Freud est un peintre très attachant, qui demande à ce qu’on l’apprivoise au fil de ses toiles. Soit
on aime, soit on rejette tout en bloc. Pas de demi-mesure ! 

[endeuxmots]

@Zweig : Et des esprits cruels perçoivent cette soif d'amour et en abusent.


@Freud : Cruel et pourtant salutaire le regard Lucian Freud. Que d'interrogations dans cette nudité pensive. Effrayant miroir sans doute. Fascinant ? Et ce sein tellement saillant, incongru.
Tumeur absurde, niée peut-être, ignorée ? Mains et pieds de souffrance et de labeur ? L'assise invisible est lourde. Aucun envol à attendre. Pas d'apothéose mariale. Pas d'extase baroque. L'ange
est sur son siège. Dans l'ombre, il y a peut-être des ailes ou une main qui rappelle... Tiens, on dirait "Le Penseur" mais ici le mouvement est plus naturel que celui de Rodin (coude droit sur le
genou gauche !!!). Ici, le sujet observe l'extérieur (une salle, des gens, ..) et pense, chez Rodin il est dans ses pensées et son regard est fixé sur un point qui peut être un simple caillou.
Références encore. Michel-Ange , les sibylles de la chapelle Sixtine. Ici le regard descend sur terre. Le Caravage sans aucun doute; allez scruter les ongles sales du "Bacchus adolescent"; Ah
oui, pour les Flamands : Frans Hals. 


Au fond, lors du "bac" on pourrait offrir comme sujet une image au lieu d'un texte ...


Vos publications sont des cadeaux. Merci