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Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,

Zoni, petit Manouche, a vu sa famille pour la dernière fois sur un quai de gare en 1944

 

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Zoni Weisz montre sa carte d'identité de 1944; un document estampillé «Z» pour «Zigeuner» (Gitan). Il a tout juste sept ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

Parmi celles et ceux qui ne sont pas revenus des camps nazis, on oublie souvent les centaines de milliers d'hommes, femmes et enfants des peuples Rom et Sinti (1). ...

 

Aux Pays-Bas, Zoni Weisz avait sept ans, ce jour de mai 1944, quand il a vu son père, sa mère, son frère et ses deux soeurs partir dans un train à destination d'Auschwitz.

 

 

« Nous étions une famille heureuse », résume Zoni Weisz, fils aîné d'une famille Sinti vivant aux Pays-Bas, avant de replonger dans les souvenirs les plus douloureux de sa vie. Petit garçon, Zoni a connu le temps des roulottes, puis la famille s'installe dans une maison à Zutphen, où son père répare des instruments de musique. « Au début de la guerre, les nazis nous laissaient relativement tranquilles », se souvient-il. Puis vint « le jour le plus noir dans l'histoire des Sintis et Roms : le 16 mai 1944 ».

 

Une rafle est organisée, ce sont des policiers néerlandais qui arrêtent Sintis et Roms pour les regrouper à Westerbork (2). Hannes et sa femme Koos sont emmenés avec leurs filles Rakli et Lena, 4 et 6 ans, et leur petit dernier, Émile, 8 mois. « Ce jour-là, j'étais chez ma tante, Moezla, qui habitait encore dans une roulotte », poursuit Zoni. « Quand on a appris ce qui était arrivé à la maison, on a rassemblé quelques vêtements puis on s'est enfuis avec un groupe de neuf personnes on s'est cachés dans une grange ».

 

« Cours pour ta vie »

 

Mais trois jours plus tard, le groupe est arrêté à son tour. « Le train était déjà parti de Westerbork, alors ils nous ont emmenés à la gare d'Assen pour rejoindre le convoi ». Pour Zoni, le véritable drame va se jouer sur le quai de cette gare. « On a attendu longtemps. Un policier était gentil avec nous, nous donnait à manger. Puis cet homme nous a dit : "Quand j'enlève mon képi, tu cours pour ta vie !" » Le train arrive. Une locomotive, des wagons à bestiaux. « J'ai vu tout de suite où était ma famille : j'ai aperçu ma mère, on lui avait déjà coupé ses longs cheveux noirs... »

 

Le policier enlève son képi au moment où un train de voyageurs démarre à l'autre côté du quai. Zoni et Moezla courent, montent dans le train en marche. « J'ai entendu mon père crier : "Moezla, occupe-toi bien de mon fils !" puis leur train s'est également mis en mouvement ».

 

Hannes, Koos, Rakli, Lena, Emile, ne reviendront pas.

 

Les semaines qui ont suivi ce déchirement, Zoni ne s'en souvient guère. « Je suis tombé dans un trou noir, résume-t-il. Jusqu'à la Libération, on se cachait dans une laiterie, entre les tanks et des tuyaux ».

 

Après la guerre, Zoni est d'abord accueilli par ses grands-parents. « Mais... j'étais intenable. » Une autre tante, Lena, propose alors de s'en occuper. « C'est elle qui a su me remettre sur les rails. » Le 27 janvier 2011, Zoni Weisz a raconté son histoire devant le parlement allemand. Il a rappelé que les lois raciales appliquées dès 1935 visaient autant les « Zigeuner » (Gitans) que les Juifs que ces peuples, qualifiés de « fremdrassig(de race étrangère) » par les nazis, subissaient le même sort, en étapes : identification, enregistrement, isolation, exploitation, déportation, extermination.

 

Puis Zoni a évoqué la situation des Roms et Sintis en Europe aujourd'hui. Il a pointé du doigt l'Italie et la France « où ils sont de nouveau victimes de discrimination, d'où ils sont renvoyés dans leur pays d'origine ». En Hongrie on voit réapparaître, sur les cafés et les restaurants, des panneaux « interdit aux gitans ». 

 

(1) Peuples originaires d'Inde, présents en Europe depuis le Moyen Âge. En France, pour les Sintis le terme « Manouches » est souvent utilisé.

 

(2) Aux Pays-Bas, lieu d'un camp de transition vers Auschwitz.

 

 

Article paru dans La Voix du Nord du 25.04.2011 © R. D.

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N
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Bonjour, chère Nadia, et merci de votre visite. Au cours des émissions de Laure Adler toute la semaine dernière et dont les liens figurent dans un récent article,<br /> deux choses sont tout à fait admirables et ressortent de chacun des cinq témoignages. 1/ Alors que ces déportés rescapés de l’indicible ont déjà donné leurs récits - ou ce qu’ils peuvent nous<br /> livrer, en tout cas – à plusieurs reprises dans des émissions télévisées, ou au Mémorial de la Shoah, où pour certains lors de conférences dans les écoles, il y a un moment où sans raison<br /> particulière, ils sont littéralement étouffés par un ou des sanglots. Brutalement. 2/ Tous leurs témoignages se terminent toujours par un message d’espoir, une espérance en l’homme.<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Westerbork, camp d'où est partie Anne Frank. Celle qui avait écrit, mon très cher Jean-Michel, « C’est un vrai miracle que je n’aie pas<br /> abandonné tous mes espoirs, car ils semblent absurdes et irréalisables. Néanmoins, je les garde car je crois encore à la bonté innée de l’homme »... Je suis très sceptique sur la bonté innée des<br /> hommes, mais gardons espoir et sourire aux lèvres malgré tout. Nous leur devons bien ça.<br /> <br /> <br /> <br />
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