SI LES POÈTES ÉTAIENT MOINS BÊTES
Si les poètes étaient moins bêtes
Et s’ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s’occuper en paix
De leurs souffrances littéraires
Ils construiraient des maisons jaunes
Avec des grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
Des mirliflûtes et des lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure
Il y aurait de grands jets d’eau
Avec des lumières dedans
Il y aurait deux cents poissons
Depuis le crousque au ramusson
De la libelle au pépamule
De l’orphie au rara curule
Et de l’avoile au canisson
Il y aurait de l’air tout neuf
Parfumé de l’odeur des feuilles
On mangerait quand on voudrait
Et l’on travaillerait sans hâte
À construire des escaliers
Des formes encor jamais vues
Avec des bois veinés de mauve
Lisses comme elle sous les doigts
Mais les poètes sont très bêtes
Ils écrivent pour commencer
Au lieu de s’mettre à travailler
Et ça leur donne des remords
Qu’ils conservent jusqu’à la mort
Ravis d’avoir tellement souffert
On leur donne des grands discours
Et on les oublie en un jour
Mais s’ils étaient moins paresseux
On ne les oublierait qu’en deux.
Boris VIAN
Cantilènes en gelée
(...) Et l’on travaillerait sans hâte
À construire des escaliers
Des formes encor jamais vues (...)
Gravir un escalier sans fin
Le graphiste néerlandais Maurits Cornelis Escher (1898 - 1972) a introduit des illusions optico-géométriques dans ses tableaux. Ses œuvres traduisent les contradictions en matière de perspective avec le nombre infini d'archétypes à trois dimensions que toute image à deux dimensions peut receler.
Le premier dessin d'Escher présenté ci-dessus intitulé «Montée et descente d'escaliers» montre des moines montant et descendant des escaliers sans fin. Il a choisi des moines pour illustrer l'expression néerlandaise «Travail de bénédictin», synonyme de travail inutile. L'illusion d'optique utilisée par Escher consiste en un mélange de vues de la droite et de la gauche (ou par en haut et par en bas).