Temps de passion
Ce très beau texte de Sainte Thérèse d’Avila est un des plus bouleversants textes érotiques. Le corps de Sainte Thérèse n’est pas réfractaire à l’amour qu’elle voue à Dieu, Thérèse détient la grâce de savoir dire ce qui trouble ses sens, l’érotisme bruit à chaque mot de l’aveu, le souffle court de la sainte est perceptible.
Sainte Thérèse, sainte catholique espagnole du 16e siècle fut une réformatrice monastique. Ainsi, le caractère sensuel de cette scène d’extase spirituelle consignée dans son autobiographie suggéra de nombreuses allusions érotiques et suscita à l’époque bien évidemment des réserves morales. Beaucoup de catholiques encore aujourd’hui, refusent de voir dans ce texte une quelconque évocation de trouble érotique…A chacun de se faire une idée...
« Tandis que j’étais en cet état, il plut au Seigneur de me favoriser à différentes reprises de la vision suivante. Je voyais près de moi, du côté gauche, un ange sous une forme corporelle. … Il n’était pas grand, mais petit et extrêmement beau. A son visage enflammé, il paraissait être des plus élevés parmi ceux qui semblent tout embrasés d’amour. Ce sont apparemment ceux qu’on appelle Chérubins, car ils ne me disent pas leurs noms. Mais il y a dans le ciel, je le vois clairement, une si grande différence de certains anges à d’autres, et de ceux-ci à ceux-là, que je ne saurais l’exprimer. Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or, dont l’extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu. Il me semblait qu’il le plongeait parfois au travers de mon cœur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. En le retirant, on aurait dit que ce fer les emportait avec lui et me laissait tout entière embrasée d’un immense amour de Dieu. La douleur était si vive qu’elle me faisait pousser ces gémissements dont j’ai parlé. Mais la suavité causée par ce tourment incomparable est si excessive que l’âme ne peut en désirer la fin, ni se contenter de rien en dehors de Dieu. Ce n’est pas une souffrance corporelle. Elle est spirituelle. Le corps cependant ne laisse pas d’y participer quelque peu, et même beaucoup. C’est un échange d’amour si suave entre Dieu et l’âme, que je supplie le Seigneur de daigner dans sa bonté en favoriser ceux qui n’ajouteraient pas foi à ma parole. Les jours que durait cette faveur, j’étais comme hors de moi. J’aurais voulu ne rien voir et ne point parler, mais savourer mon tourment, car il était pour moi une gloire au-dessus de toutes les gloires d’ici-bas. »
L'extase.
Autobiographie de Sainte Thérèse d'Avila
Le Bernin
Sainte Thérèse en extase, 1652
Eglise Sainte-Marie de la Victoire