L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.
Arthur Rimbaud. -1871-
Ce quatrain isolé est un poème sans titre.
Dans les trois premiers vers, Rimbaud sculpte en douceur les contours idéalisés de la femme, les oreilles, la nuque et les reins, puis les seins ; on découvre que l’étoile est rose, l’infini blanc et la mer rousse.
Puis vient le dernier vers, féroce et inattendu : il souligne toutes les souffrances imposées à l’homme par cette femme. Et le noir remplace les couleurs précédentes. L’homme saigne.
Madrigal ou épigramme ?
Un madrigal est ainsi défini dans le TLFI (Trésor de la langue française informatisé) :
"Pièce de poésie consistant en une pensée exprimée avec finesse en quelques vers de forme libre et prenant souvent, à l'égard d'une femme, la tournure d'un compliment galant. Exemple :
"Quand roucoulerez-vous, ô reines de salon!
Ces madrigaux ouvrés et ces fadaises tendres
Qu'improvisaient pour vous de précieux Clitandres?"
Théodore de BANVILLE in Cariatides, 1842, p. 28)
Une épigramme est ainsi définie par le même TFLI : "petit poème satirique se terminant par un trait d'esprit."
Alors ? Aventurons nous à définir ce quatrain comme une épigramme dont les trois premiers seraient un madrigal !
Paul DELVAUX - Pygmalion - 1939 -