Dites ! Dites !
Ah ! dites, dites
Où sont passés les troglodytes ?
Où sont passés les troglodytes ?
Où sont passés les Mohicans ?
Et Blériot avec son biplan ?
Et l’Arabie pas Séoudite ?
Où sont passés les fiacres
Qu’étaient couverts de nacre ?
Et les cochers boiteux
Qui devenaient le Diable en moins de deux ?
Où sont passées les Amazones
Qui n’avaient qu’un sein comme bouclier ?
Où est parti le puits de Dôme ?
Que sont devenus les Alliés ?
La guerre de Cent Ans ? Celle de Soixante-Dix ?
Et celle de Trente Ans ?
Et Vercingétorix
Mon ancêtre, mon Gaulois,
Où donc est-il passé avec ses guêtres et ses oies ?
Où sont passés les habitants
Des cavernes du bon vieux temps
Qui s’éclairaient modestement
Au moyen de vers luisants ?
Où sont passés les Thermopyles ?
Où sont passés les Thermidors ?
Et les Anglais qu’ont pris la pile
Quand Jeanne d’Arc était en or ?
Et Léontine la femme à Léon ?
Et ce monsieur Napoléon
Qui donnait son foie
A tous les soldats
Et faisait semblant d’être là
Même quand il était dans les draps
Avec la Joséphine extra ?
Et Samson ? Et Dalila ?
Ah ! dites, dites
Y’en a des choses qui existent.
Moi, je veux bien. Moi, je vous crois.
Mais faut vraiment avoir la Foi !
René de Obaldia
... Et Samson ? Et Dalila ? ...
Gustave MOREAU
SAMSON et DALILA, 1882
... Où sont passées les Amazones
Qui n’avaient qu’un sein comme bouclier ? ...
Milo MANARA
René de Obaldia aujourd’hui dans un nonagénariat avancé à qui l’on demande - Quelle vitalité ! Comment faites-vous ? répond :
« On me dit souvent que je fais plus jeune que mon âge. Je réponds toujours que c'est parce que je n'ai jamais eu la notion du temps. »
Textes déjà publiés : ici
René de Obaldia est né le 22 octobre 1918 à Hong-Kong. Il fait ses études à Paris au lycée Condorcet avant d'être mobilisé en 1940. Fait prisonnier, il est envoyé dans un stalag en Silésie. Il est rapatrié comme grand malade en 1944. En 1952, il publie Les richesses naturelles. Après un court passage comme directeur littéraire aux éditions Pierre Horay, il publie son premier roman, Tamerlan des coeurs (1956). Suivront deux récits: Fugue à Waterloo et La passion d'Emile, et un deuxième roman, Le centenaire, «épopée de la mémoire» (1960). Sa carrière de dramaturge commence grâce à Jean Vilar, qui donne Génousie au TNP. Parmi les honneurs dont est ponctuée la carrière de René de Obaldia: le prix de la Critique dramatique pour Génousie (1960) et le grand prix de la poésie de la SACEM pour Innocentines (1988). René de Obaldia a été élu à l'Académie française le 24 juin 1999, au fauteuil de Julien Green.