Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
Toujours dans le cadre du thème du 9 novembre, nous remercions Jacques de son adresse et la publions ci-dessous. Il s'agit du Journal de Julien Green en date du 13 novembre.
Journal
13 novembre 1970
Hier, journée de grande lamentation nationale. La France sous son parapluie, une petite fleur à la main, est allée dire à de Gaulle qu'elle l'aimait. Cet élan tardif n'en est pas moins émouvant. Le triste référendum a, je le crains, hâté la fin du vieillard qu'on aurait pu laisser à l’Élysée en attendant que la mort vienne le prendre de la part de Dieu, mais les peuples sont ingrats et se ressaisissent parfois comme hier. De Gaulle à Londres en 1940, expliquait à quelqu'un que la guerre était finie, et que d'avance l'Allemagne l'avait perdue, qu'elle se jetterait contre le colosse russe qui la broierait, que l'Amérique se joindrait à l'Angleterre. "Jamais les Allemands ne viendront ici, disait-il avec l'assurance d'un fou qui eût été prophète, ils y seraient déjà s'ils devaient venir." Cela dans une petite pièce meublée de bois blanc. A son interlocuteur qui disait: "Nous sommes l'armée française", il disait avec la correction nécessaire : "Nous sommes la France" *. Qu'est-ce que la nation française eût fait sans cet individu prodigieux, Ô vous qui luttez contre la personnalité et ne voulez que des robots?
Julien Green
(*) Note de Jacques P.
Cet interlocuteur était René Cassin, rédacteur des statuts de la France Libre, membre du gouvernement provisoire, juriste éminent, il fut un des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et se vit décerner le Prix Nobel de la Paix.
Jacques joint à ce court texte des photos de Romain Gary, présent à Colombey, le 12, comme de nombreux Compagnons de la Libération.