Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
Jacqueline de Romilly, l'une des rares femmes à être grand croix de la Légion d'honneur, détentrice de la nationalité grecque depuis 1995, disait avec malice ne pas avoir eu, « bien sûr », la vie qu'elle souhaitait : « Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais ».
Propos -1- (extraits choisis)
Du grec.
« Si je cherche à expliquer pourquoi j’ai choisi le grec, c’est toute ma vie que je vais expliquer. On est là à faire attention à conserver quelque chose qui s’en va, qui est en train de mourir, qui va probablement disparaître. Je ne vois pas les choses sous un jour aussi sinistre. Si, au lieu de lutter contre l’effacement des traces, on disait, même simplement, que c’est un combat pour retrouver le contact avec nos traces et, de façon vivante, le faire pénétrer dans nos vies de demain, c’est plus encourageant. »
De ma mère.
« Que ma mère ait laissé en moi la première empreinte est une chose indiscutable. Ma mère m’a accompagnée ; elle a été tout pour moi. J’ai toujours vécu à proximité d’elle. Nous nous entendions très bien, nous riions ensemble. Alors, qu’elle ait été pour moi l’empreinte permanente, c’est certain. J’ai conscience de lui devoir non seulement tous les souvenirs heureux de ma jeunesse, mais tout ce que je suis et tout ce que j’ai aimé. Je suis restée l’enfant de ma mère tout le temps, et encore maintenant. (…) Elle est encore avec moi. »
De la gloire.
« A la fin du lycée, je me suis couverte de gloire. En première, j’ai eu le premier prix de latin et le deuxième prix de grec au concours général, et pour la première fois c’était une fille. Ça a fait beaucoup de bruit. Tout ce que j’ai fait depuis n’était rien comme gloire à côté de ça. »
Etre juive.
« Etre juive en pleine défaite française, en plein statut des juifs, avec les déportations, n’était pas une expérience heureuse. Cependant, pour moi et dans mon souvenir, c’était une expérience riche et pas du tout écrasée de tristesse. Parce que l’on savait très bien ce que l’on espérait. On écoutait toutes les nouvelles qui donnaient l’espoir que les choses s’arrangent (…). Et, dans tout cela, il y avait une grande espérance, qui n’est pas toujours présente dans notre monde en paix. Evidemment, j’étais beaucoup plus jeune. Mais j’ai l’impression qu’il y avait, malgré ces horreurs, une confiance dans la vie plus grande que dans certains moments de l’époque moderne. »
(à suivre)