Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,

HUGO. Tu peux, comme il te plaît

 

 

 

Tu peux, comme il te plaît, me faire jeune ou vieux. 

Comme le soleil fait serein ou pluvieux 

L'azur dont il est l'âme et que sa clarté dore, 

Tu peux m'emplir de brume ou m'inonder d'aurore. 

Du haut de ta splendeur, si pure qu'en ses plis, 

Tu sembles une femme enfermée en un lys, 

Et qu'à d'autres moments, l'oeil qu'éblouit ton âme 

Croit voir, en te voyant, un lys dans une femme. 

Si tu m'as souri, Dieu! tout mon être bondit! 

Si, Madame, au milieu de tous, vous m'avez dit, 

A haute voix: «Bonjour, Monsieur», et bas: «Je t'aime!» 

Si tu m'as caressé de ton regard suprême, 

Je vis! je suis léger, je suis fier, je suis grand; 

Ta prunelle m'éclaire en me transfigurant; 

J'ai le reflet charmant des yeux dont tu m'accueilles; 

Comme on sent dans un bois des ailes sous les feuilles, 

On sent de la gaîté sous chacun de mes mots; 

Je cours, je vais, je ris; plus d'ennuis, plus de maux; 

Et je chante, et voilà sur mon front la jeunesse! 

Mais que ton coeur injuste, un jour, me méconnaisse; 

Qu'il me faille porter en moi, jusqu'à demain, 

L'énigme de ta main retirée à ma main; 

-- Qu'ai-je fait? qu'avait-elle? Elle avait quelque chose. 

Pourquoi, dans la rumeur du salon où l'on cause, 

Personne n'entendant, me disait-elle vous? -- 

Si je ne sais quel froid dans ton regard si doux 

A passé comme passe au ciel une nuée, 

Je sens mon âme en moi toute diminuée; 

Je m'en vais, courbé, las, sombre comme un aïeul; 

Il semble que sur moi, secouant son linceul, 

Se soit soudain penché le noir vieillard Décembre; 

Comme un loup dans son trou, je rentre dans ma chambre; 

Le chagrin -- âge et deuil, hélas! ont le même air, -- 

Assombrit chaque trait de mon visage amer, 

Et m'y creuse une ride avec sa main pesante. 

Joyeux, j'ai vingt-cinq ans; triste, j'en ai soixante.                

 

Paris, juin 18... 

 

 

 

Victor Hugo 

Les Contemplations

Livre II, L’âme en fleur, VIII, 1856

 

 

 

lys--.jpg

(...)Du haut de ta splendeur, si pure qu'en ses plis, 

Tu sembles une femme enfermée en un lys, (...)

 

 

 

poete-sans-Ch.png

(...) Comme un loup dans son trou, je rentre dans ma chambre; ...
... Joyeux, j'ai vingt-cinq ans; triste, j'en ai soixante.
  

* Merci à l'une de nos lectrices pour l'envoi de ce poème de V.HUGO.
** Merci également à l'une de nos lectrises de nous avoir confié sa photo illustrant sa passion d'Ulysse



Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
<br />  <br /> <br /> <br /> Chères Célestine et Le Chêne,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> "Hugo, hélas !" répondait André Gide à qui lui demandait qui était à son avis le plus grand poète français. Peut-être ce dernier vivait-il mal son homosexualité ? Je plaisante, il<br /> s'entend...<br />
Répondre
L
<br /> Exaquètely, chère Célestine.<br />
Répondre
C
<br /> Ecrira-t-on jamais comme Hugo le pouvoir d'un mot?<br />
Répondre