Poésie, Poésie pour enfant, Poésie pour la jeunesse, Textes classiques et modernes, Mémoire de la Shoah,
Comprenne qui voudra
En ce temps là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles.
On allait même jusqu’à les tondre.
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.
Paul Eluard in Au Rendez-vous Allemand, 1944
Paul Eluard avait primitivement publié ce poème in Les Lettres françaises du 2 décembre 1944, avec ce commentaire :
"Réaction de colère. Je revois, devant la boutique d'un coiffeur de la rue de Grenelle, une magnifique chevelure féminine gisant sur le pavé. Je revois des idiotes lamentables tremblant de peur sous les rires de la foule. Elles n'avaient pas vendu la France, et elles n'avaient souvent rien vendu du tout. Elles ne firent, en tous cas, de morale à personne. Tandis que les bandits à face d'apôtre, les Pétain, Laval, Darnand, Déat, Doriot, Luchaire, etc. sont partis. Certains même, connaissant leur puissance, restent tranquillement chez eux, dans l'espoir de recommencer demain".
Fernand Léger illustrera des poèmes de Paul Eluard. Ici en 1953.
Éluard et Léger se sont rencontrés après la Seconde Guerre mondiale. Plus encore que leur engagement politique – ils étaient tous les deux membres du parti communiste – ils avaient en commun l'aspiration à la sincérité. La quintessence de leur amitié se manifestait également sur le plan artistique: Léger peignit en 1947 un portrait d'Éluard. Ce dernier écrivit à son tour pour Léger les poèmes Les constructeurs et A Fernand Léger. A la suite de quoi Léger illustra, en 1953, l'édition en accordéon du poème d'Éluard Liberté, j'écris ton nom.