Transition
À Édouard Manet.
Le vent, tiède éclaireur de l’assaut du printemps,
Soulève un brouillard vert de bourgeons dans les branches.
La pluie et le soleil, le calme et les autans,
Les bois noirs sur le ciel, la neige en bandes blanches,
Alternent. La nature a comme dix-sept ans,
Jeune fille énervée, oscillant sur ses hanches,
Riant, pleurant, selon ses caprices flottants.
Pas encor le printemps, mais ce n’est plus l’hiver.
Votre âme, ô ma charmante, a ces heures mêlées.
Les branches noires sont pleines d’un brouillard vert.
Les mots méchants et les paroles désolées,
Sur vos lèvres, bouton d’églantine entrouvert,
Cessent à mes baisers. Ainsi les giboulées
Fondent, et le gazon s’émaille à découvert.
Votre moue est changée en rire à mes baisers,
Comme la neige fond, pâle retardataire,
Aux triomphants rayons du soleil. Apaisés,
Vos yeux, qui me jetaient des regards de panthère,
Sont bien doux maintenant. Chère, vous vous taisez
Comme le vent neigeux et froid vient de se taire.
Votre joue et le soir sont tièdes et rosés.
Charles CROS
Le coffret de santal, 1873.
...Chère, vous vous taisez...
Edouard MANET.
Le balcon, 1868-1869,
On notera la combinaison du jeu sur l'espace et l'éclairage, pas de clair-obscur : toute la lumière est en avant du tableau, toute l'ombre est de l'autre coté.
Les trois personnages se tiennent à la limite ombre/lumière, intérieur/extérieur, vie/mort.
Le Balcon inspirera 90 ans plus tard René Magritte !
René Magritte.
Le balcon de Manet, 1950.
Relire les poèmes et textes de Charles Cros déjà publiés ici