Sidonie a plus d'un amant
Sidonie a plus d'un amant
C'est une chose bien connue
Qu'elle avoue elle fièrement
Sidonie a plus d'un amant
Parce que pour elle être nue
Est son plus charmant vêtement
C'est une chose bien connue
Sidonie a plus d'un amant
Elle en prend à ses cheveux blonds
Comme à sa toile l'araignée
Prend les mouches et les frelons
Elle en prend à ses cheveux blonds
Vers sa prunelle ensoleillée
Ils volent pauvres papillons
Comme à sa toile l'araignée
Elle en prend à ses cheveux blonds
Elle les mène par le nez
Comme fait dit-on le crotale
Des oiseaux qu'il a fascinés
Elle les mène par le nez
Quand dans une moue elle étale
Sa langue à l'allure étonnée
Comme fait dit-on le crotale
Elle les mène par le nez
Elle en attrape avec les dents
Quand le rire entrouvre sa bouche
Et dévore les imprudents
Elle en attrape avec les dents
Sa bouche quand elle se couche
Reste rose et ses dents dedans
Quand le rire entrouvre sa bouche
Elle en attrape avec les dents
Sidonie a plus d'un amant
Qu'on le lui reproche ou l'en loue
Elle s'en moque également
Sidonie a plus d'un amant
Aussi jusqu'à ce qu'on la cloue
Au sapin de l'enterrement
Qu'on le lui reproche ou l'en loue
Sidonie aura plus d'un amant
Charles CROS in Le Coffret de santal
Le poème chanté par Brigitte Bardot. La musique est de Y.Spanos et Jean-Marie Rivière. (1962)
Alphonse Allais reste le plus fidèle défenseur de la mémoire de son ami. Il l'aimait.
Lors d’un éloge funèbre qu’il lui consacre dans le cabaret Le Chat noir le 18 août 1888, il dit :
“Notre pauvre ami Charles Cros est mort. Le connaissant bien, je l’aimais beaucoup, et, quoique le sachant malade et affaibli depuis longtemps j’ai été douloureusement stupéfié de sa mort si brusque.
Pauvre Cros ! Je le revois encore le jour où je le rencontrai la première fois. C’était, si je ne me trompe, en 76… J’avais lu dans Le Rappel une chronique scientifique de Victor Meunier, qui semblait un conte de fées.
Un jeune homme venait d’inventer un instrument bizarre qui enregistrait la voix humaine et même tous les autres sons, et qui non seulement en marquait les vibrations, mais reproduisait ces bruits autant de fois qu’on le voulait. L’instrument s’appelait le paléographe. La théorie en était d’une simplicité patriarcale. Le lendemain, grâce à mon ami Lorin, je connaissais Charles Cros, l’inventeur du merveilleux appareil dont M. Edison devait prendre le brevet, l’année suivante.
Charles Cros m’apparut tout de suite tel que je le connus toujours, un être miraculeusement doué à tous points de vue, poète étrangement personnel et charmeur, savant vrai, fantaisiste déconcertant, de plus ami sûr et bon. Que lui manqua-t-il pour devenir un homme arrivé, salué, décoré ? Presque rien, un peu de bourgeoisisme servile et lâche auquel sa nature d’artiste noble se refusa toujours. Il écrivit des vers superbes qui ne lui rapportèrent rien, composa en se jouant ces monologues qui firent Coquelin Cadet, eut des idées scientifiques géniales, inventa le phonographe, la photographie des couleurs, le photophone.”
Car son projet à lui n’a pu aboutir à un appareil concret. Ce serait la conséquence du conflit de conscience de l’épouse du “mécène” de Charles Cros, la duchesse de Chaulnes, car selon elle, “Dieu seul pouvait créer la parole et que c’était blasphémer terriblement que d’oser vouloir s’égaler à lui en essayant de faire croire à une puissance impossible.”