#496
Conclusion
À Maurice Rollinat.
J’ai rêvé les amours divins,
L’ivresse des bras et des vins,
L’or, l’argent, les royaumes vains,
Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
Parmi les sentiers amusants
Nous irions sur nos alezans.
Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires vœux !
Je n’ai d’argent qu’en mes cheveux.
Les âmes dont j’aurais besoin
Et les étoiles sont trop loin.
Je vais mourir soûl, dans un coin.
Charles CROS in Le coffret de santal.
J'ai rêvé les amours divins...
Illustration : Camille CLAUDEL. La Valse, 1892.
Camille Claudel réalise La Valse en 1892 lorsque Rodin est en train de la quitter après dix ans d'une passion compliquée, faite d'admiration et d'inspiration réciproques. Entrée à 19 ans dans l'atelier du maître, Camille Claudel aura attendu cette rupture pour s'émanciper.
La Valse est la pièce qui marque cet affranchissement. Oeuvre aux nombreuses variantes, élaborée sur plusieurs années, La Valse a d'abord montré les personnages nus. Mais, face au scandale, ils furent (partiellement) habillés. Malgré cela, la sculpture ne sera jamais exécutée en marbre : "Cette oeuvre ne peut être acceptée (…). Le violent accent de réalité qui s'en dégage lui interdit, malgré son incontestable valeur, une place dans une galerie ouverte au public. Le rapprochement des sexes est rendu avec une surprenante sensualité d'expression qui exagère considérablement la nudité absolue de tous les détails humains", peut-on lire dans un rapport des Beaux-Arts.
Valse, vague, volée alanguie ? L'homme retient encore par la taille sa bien-aimée. Mais jusqu'à quand ? Elle s'abandonne. Le visage plongé dans le cou de son amant, ses yeux sont cachés. Son buste ploie comme sous l'effet du vent. Où l'emmène-t-il dans ce mouvement ?