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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 05:36

 

 

 

 

Cioran, Ionesco, Brassaï, Brancusi, Tzara, Celan...

Le guide foisonnant des Roumains de Paris.

 


Beaucoup d'entre eux gisent pour l'éternité en terre parisienne. Il y a là les dépouilles de Tristan Tzara, d'Eugène Ionesco et d'Emil Cioran, celles du sculpteur Constantin Brancusi, des peintres Victor Brauner et Jacques Hérold, du photographe Brassaï... Le cimetière du Montparnasse est l'un des coeurs du «Bucarest-sur-Seine» qui connut son apogée dans la première moitié du siècle dernier quand de nombreux intellectuels roumains choisirent la capitale française pour y vivre et y créer. Il y eut aussi un Paris des Russes, des Polonais, tant d'autres firent le même choix, Italiens, Américains, etc. Le Paris des Roumains n'en fut pas moins l'un des plus foisonnants, nourri par la passion vouée depuis le milieu du XIXe siècle par les élites moldo-valaques pour la grande soeur latine, qui, sous Napoléon III, avait aidé à la renaissance de la nation. Dans les villes comme dans les campagnes du pays roumain, Paris reste, depuis lors, la capitale de la pensée et de la création artistique, où chacun rêve un jour de se rendre.

 

«Pour moi, Paris a été l'idolâtrie. Mais je m'en suis lassé parce que je vieillis et la ville aussi. C'est une ville triste. Elle est abîmée. (...) Elle s'est changée en un enfer  ou en un cauchemar  que je ne peux abandonner. Je ne pourrais vivre autre part», racontait en 1985 Emil Cioran, qui aima autant la capitale française que cette langue dans laquelle il se coula dès 1947 en écrivant le Précis de décomposition, fasciné et un peu écoeuré par «ces mots pensés et repensés, affinés, subtils jusqu'à l'inexistence, effrayants de précision». Les lieux trop souvent oubliés de cette mémoire roumaine de Paris ont été recensés par Jean-Yves Conrad qui, en bon ingénieur, a l'esprit méthodique. Son guide, aussi érudit que précis, devrait faire des émules pour d'autres émigrations. Après ces promenades en compagnie de Ionesco, Cioran, Mircea Eliade, George Enesco, Elvire Popesco et de tant d'autres il n'est plus possible de regarder la capitale française de la même manière. C'est par exemple une Roumaine qui protège Paris... Au Panthéon, dans sa grande fresque de sainte Geneviève «veillant sur la ville endormie avec sa pieuse sollicitude», le peintre Puvis de Chavanne donna à la sainte patronne de la capitale les traits de sa muse et épouse, la belle Marie Cantacuzène. S'il y a relativement peu de Roumains dans la toponymie des rues et des places parisiennes, leurs traces sont partout. Sur la rive gauche bien sûr, au Quartier latin ou à Montparnasse, où vécurent nombre de peintres et d'intellectuels d'origine roumaine, mais aussi dans les beaux quartiers de la rive droite où tenait salon la poétesse Anna de Brancovan devenue par mariage comtesse de Noailles. Mais, dans ces itinéraires roumains, on traverse le pont Mirabeau d'où se jeta dans la Seine, en mai 1970, Paul Celan, rescapé de la Shoah, Roumain vivant à Paris depuis 1948 et qui fut le plus grand poète de la langue allemande de la seconde moitié du XXe siècle. Chez Oxus, dans la même collection, viennent d'être aussi publiés un essai sur la vie et l'oeuvre de Cioran (1), une monographie sur Mircea Eliade (2), une biographie du grand peintre surréaliste Victor Brauner (3) et une autre de Gherassim Luca (4), poète et grand exploseur de mots.

 

Beaucoup des Roumains de Paris étaient des juifs qui fuyaient un antisémitisme devenu de plus en plus virulent en Roumanie au cours des années 30 ou la prise en main du pays par les Soviétiques après 1945. Une fois installés à Paris, souvent ils changèrent de nom comme Paul Celan (Paul Antschel), Tristan Tzara, dont le son signifie à peu près en roumain «triste dans le pays» (Simon Rosenstock), Benjamin Fondane (Benjamin Wechsler) et Gherassim Luca (Zolman Locker). «Le changement ou le choix du nom acquièrent dans le cas de ces écrivains juifs quelques nuances supplémentaires dans le sens d'une profession de foi ou tout simplement d'une déclaration d'appartenance ou aussi bien de non-appartenance», remarque Petre Raileanu dans son livre sur Gherassim Luca. S'installer dans une nouvelle vie et une nouvelle langue à quarante ans n'est pas simple. Il y eut désormais pour eux Paris et seulement Paris, la ville de tous les exilés.

Par ©Marc SEMO.

 

(1) «Cioran», par Simona Modreanu.

(2) «Mircea Eliade», par Eugen Simion.

(3) «Victor Brauner», par Sarane Alexdrian.

(4) «Gherassim Luca», par Petre Railaenu.

 

 

Victor-Brauner.-Tete.JPG

Victor BRAUNER, 1903-1966

Tête.

 

 

Brauner-Chimere-1939.gif

Chimère, 1939

 

 

Sans-titre-1933.jpg

Sans titre, 1933

 


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