8 mars 2012
Journée internationale de la Femme
Baudelaire,
Chagrins d'enfance, VII
Extrait
(...)Plus d’une fois il a remercié la Providence pour ce privilège incomparable, non seulement d’avoir été élevé à la campagne et dans la solitude, « mais encore d’avoir eu ses premiers sentiments modelés par les plus douces des sœurs, et non par d’horribles frères toujours prêts aux coups de poing, horrid pugilistic brothers. » En effet, les hommes qui ont été élevés par les femmes et parmi les femmes ne ressemblent pas tout à fait aux autres hommes, en supposant même l’égalité dans le tempérament ou dans les facultés spirituelles. Le bercement des nourrices, les câlineries maternelles, les chatteries des sœurs, surtout des sœurs aînées, espèce de mères diminutives, transforment, pour ainsi dire, en la pétrissant, la pâte masculine. L’homme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans l’odeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants,
Dulce balneum suavibus
Unguentatum odoribus,
y a contracté une délicatesse d’épiderme et une distinction d’accent, une espèce d’androgynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste, relativement à la perfection dans l’art, un être incomplet. Enfin, je veux dire que le goût précoce du monde féminin, mundi muliebris, de tout cet appareil ondoyant, scintillant et parfumé, fait les génies supérieurs ; et je suis convaincu que ma très intelligente lectrice absout la forme presque sensuelle de mes expressions, comme elle approuve et comprend la pureté de ma pensée.(...)
Charles BAUDELAIRE
Petits poèmes en prose– 1868 –
Les Paradis artificiels, Un Mangeur d’opium. VII. Chagrins d’enfance.
Picasso
Maternité, 1901
Picasso
Mère et enfant, 1921
Picasso
La Maternité, 1963
Dali
Maternité, 1921