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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 06:44

 

 

 

 

Tes nobles jambes, sous les volants qu'elles chassent,

Tourmentent les désirs obscurs et les agacent,


Comme deux sorcières qui font

Tourner un philtre noir dans un vase profon
d.




Charles Baudelaire in Les fleurs du mal, 1857 - Spleen et Idéal.

 

 

polina-semionova.jpeg

Illustration : Polina Semionova (en russe : Полина Семионова) est une danseuse étoile russe, née à Moscou le 13 septembre 1984. 

 

*  *  *

 

Le quatrain sélectionné ci-dessus est extrait du poème Le Beau Navire que voici in extenso :

 

Le Beau Navire

 

Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !

Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;

Je veux te peindre ta beauté,

Où l'enfance s'allie à la maturité.

 

Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,

Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,

Chargé de toile, et va roulant

Suivant un rhythme doux, et paresseux, et lent.

 

Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,

Ta tête se pavane avec d'étranges grâces ;

D'un air placide et triomphant

Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.

 

Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !

Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;

Je veux te peindre ta beauté,

Où l'enfance s'allie à la maturité.

 

Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire,

Ta gorge triomphante est une belle armoire

Dont les panneaux bombés et clairs

Comme les boucliers accrochent des éclairs,

 

Boucliers provoquants, armés de pointes roses !

Armoire à doux secrets, pleine de bonnes choses,

De vins, de parfums, de liqueurs

Qui feraient délirer les cerveaux et les coeurs !

 

Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,

Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,

Chargé de toile, et va roulant

Suivant un rhythme doux, et paresseux, et lent.

 

Tes nobles jambes, sous les volants qu'elles chassent,

Tourmentent les désirs obscurs et les agacent,

Comme deux sorcières qui font

Tourner un philtre noir dans un vase profond.

 

Tes bras, qui se joueraient des précoces hercules,

Sont des boas luisants les solides émules,

Faits pour serrer obstinément,

Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton amant.

 

Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,

Ta tête se pavane avec d'étranges grâces ;

D'un air placide et triomphant

Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.

 

 

Charles Baudelaire

 

 


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