Auguste RENOIR, 1868
Le chat
Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a plus besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !
Charles BAUDELAIRE
Les fleurs du mal. Section 1
Le garçon au chat
Le Garçon au chat n'a pas livré tous ses mystères. Ce nu masculin est sans équivalent dans l'œuvre de Renoir. On ne connaît pas l'identité du modèle qui a posé de dos, câlinant un chat. Le regard qu'il jette comme à la dérobée vers le spectateur reste énigmatique. La scène semble exempte de toute référence à la mythologie.
Renoir peint ce tableau en 1868 : l'année marque un tournant pour l'artiste, encore au début de sa carrière. Après avoir été refusé aux Salons de 1866 et de 1867, il connaît enfin le succès avec un grand portrait féminin de plein air, Lise à l'ombrelle, aujourd'hui conservé au musée Folkwang à Essen. La seconde moitié des années 1860 sont aussi celles du compagnonnage avec Bazille, Sisley et Monet. Tous sont marqués par l'exemple de leurs glorieux aînés, Courbet et Manet. On retrouve l'influence de ces derniers dans la facture réaliste et les harmonies froides du Garçon au chat. Ce tableau acheté en vente publique en 1992 est venu opportunément compléter les collections du musée d'Orsay où les débuts de Renoir sont peu représentés.
Source : Musée d’Orsay ©2006