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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 05:00

 

 

Il y a des choses que je ne dis à Personne Alors 


Il y a des choses que je ne dis à Personne Alors

Elles ne font de mal à personne Mais

Le malheur c’est

Que moi

Le malheur le malheur c’est

Que moi ces choses je les sais

 

Il y a des choses qui me rongent La nuit

Par exemple des choses comme

Comment dire comment des choses comme des songes

Et le malheur c’est que ce ne sont pas du tout des songes

 

Il y a des choses qui me sont tout à fait

Mais tout à fait insupportables même si

Je n’en dis rien même si je n’en

Dis rien comprenez comprenez-moi bien

 

Alors ça vous parfois ça vous étouffe

Regardez regardez-moi bien

Regardez ma bouche

Qui s’ouvre et ferme et ne dit rien

 

Penser seulement d’autre chose

Songer à voix haute et de moi

Mots sortent de quoi je m’étonne

Qui ne font de mal à personne

 

Au lieu de quoi j’ai peur de moi

De cette chose en moi qui parle

 

Je sais bien qu’il ne le faut pas

Mais que voulez-vous que j’y fasse

Ma bouche s’ouvre et l’âme est là

Qui palpite oiseau sur ma lèvre

 

O tout ce que je ne dis pas

Ce que je ne dis à personne

Le malheur c’est que cela sonne

Et cogne obstinément en moi

Le malheur c’est que c’est en moi

Même si n’en sait rien personne

Non laissez-moi non laissez-moi

Parfois je me le dis parfois

Il vaut mieux parler que se taire

 

Et puis je sens se dessécher

Ces mots de moi dans ma salive

C’est là le malheur pas le mien

Le malheur qui nous est commun

Épouvantes des autres hommes

Et qui donc t’eut donné la main

Étant donné ce que nous sommes

 

Pour peu pour peu que tu l’aies dit

Cela qui ne peut prendre forme

Cela qui t’habite et prend forme

Tout au moins qui est sur le point

Qu’écrase ton poing

Et les gens Que voulez-vous dire

Tu te sens comme tu te sens

Bête en face des gens Qu’étais-je

Qu’étais-je à dire Ah oui peut-être

Qu’il fait beau qu’il va pleuvoir qu’il faut qu’on aille

Où donc Même cela c’est trop

Et je les garde dans les dents

Ces mots de peur qu’ils signifient

 

Ne me regardez pas dedans

Qu’il fait beau cela vous suffit

Je peux bien dire qu’il fait beau

Même s’il pleut sur mon visage

Croire au soleil quand tombe l’eau

Les mots dans moi meurent si fort

Qui si fortement me meurtrissent

Les mots que je ne forme pas

Est-ce leur mort en moi qui mord

 

Le malheur c’est savoir de quoi

Je ne parle pas à la fois

Et de quoi cependant je parle

 

C’est en nous qu’il nous faut nous taire

 

Louis Aragon

Le fou d'Elsa 

 

 

aragon-par-Matisse.jpg 

Henri Matisse

Aragon

 

 

... O tout ce que je ne dis pas

Ce que je ne dis à personne

Le malheur c’est que cela sonne

Et cogne obstinément en moi ...


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commentaires

S
<br /> Il y a des jours où je me sens exactement comme ça...<br />
Répondre
N
<br />  <br /> <br /> <br /> Célestine a Louis fine et Le Chêne le verbe amène.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> On ne saurait mieux dire, chère Célestine.<br /> <br /> <br /> Parlant, si j'ose dire...<br />
Répondre
C
<br /> Un coup de poing à l'estomac universel...<br />
Répondre

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