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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 10:02

 

 

 

Jorge Semprun l’a toujours affirmé : « Je ne suis pas un survivant […] je ne parlerai jamais comme quelqu’un qui a survécu à la mort de ses camarades. Je ne suis qu’un vivant, c’est tout ! »


 

 

Chanson pour oublier Dachau


Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs

Il n'y aura pas à courir les pieds nus dans la neige

Il ne faudra pas se tenir les poings sur les hanches jusqu'au matin

Ni marquer le pas le genou plié devant un gymnasiarque dément

Les femmes de quatre-vingt-trois ans les cardiaques ceux qui justement

 

 

Ont la fièvre ou des douleurs articulaires ou

Je ne sais pas moi les tuberculeux

N'écouteront pas les pas dans l'ombre qui s'approchent

Regardant leurs doigts déjà qui s'en vont en fumée

 

 

Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs

 

 

Ton corps n'est plus le chien qui rôde et qui ramasse

Dans l'ordure ce qui peut lui faire un repas

Ton corps n'est plus le chien qui saute sous le fouet

Ton corps n'est plus cette dérive aux eaux d'Europe

Ton corps n'est plus cette stagnation cette rancoeur

Ton corps n'est plus la promiscuité des autre

N'est plus sa propre puanteur

Homme ou femme tu dors dans des linges lavés

 

 

Ton corps

 

 

Quand tes yeux sont fermés quelles sont les images

Qui repassent au fond de leur obscur écrin

Quelle chasse est ouverte et quel monstre marin

Fuit devant les harpons d'un souvenir sauvage

Quand tes yeux sont fermés revois-tu revoit-on

Mourir aurait été si doux à l'instant même

Dans l'épouvante où l'équilibre est stratagème

Le cadavre debout dans l'ombre du wagon

Quand tes yeux sont fermés quel charançon les ronge

Quand tes yeux sont fermés les loups font-ils le beau

Quand tes yeux sont fermés ainsi que des tombeaux

Sur des morts sans suaire en l'absence des songes

 

 

Tes yeux

 

 

Homme ou femme retour d'enfer

Familiers d'autres crépuscules

Le goût de soufre aux lèvres gâtant le pain frais

Les réflexes démesurés à la quiétude villageoise de la vie

Comparant tout sans le vouloir à la torture

Déshabitués de tout

Hommes et femmes inhabiles à ce semblant de bonheur revenu

Les mains timides d'enfants

Le cœur étonné de battre

 

 

Leurs yeux

 

 

Derrière leurs yeux pourtant cette histoire

Cette conscience de l'abîme

Et l'abîme

Où c'est trop d'une fois pour l'homme être tombé

Il y a dans ce monde nouveau tant de gens

Pour qui plus jamais ne sera naturelle la douceur

Il y a dans ce monde ancien, tant et tant de gens

Pour qui tant de douceur est désormais étrange

Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens

Que leurs propres enfants ne pourront pas comprendre

 

 

Oh vous qui passez

Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs.

 

 

 

Louis ARAGON

 

 

 

Bundesarchiv_Bild_152-11-12-_Dachau-_Konzentrationslager-_B.jpg

Bundesarchiv. Bild 152-11

Dachau, Konzentrationslager. Visite de H.Himmler, Reichsfürher der SS. le 8 1938

 

 

Le camp de Dachau est le premier camp de concentration mis en place par le régime nazi. Son ouverture est annoncée par Heinrich Himmler le 21 mars 1933 et des prisonniers arrivent dès le lendemain. Il reste en service jusqu'à sa libération en avril 1945.

 


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commentaires

V
<br />  <br /> <br /> <br /> Un pas dans le cahier maure et neige<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Venise !... lent lever de rideaux successifs<br /> <br /> <br /> les lourds brouillards et voiles et voilettes<br /> <br /> <br /> aux parfums capiteux... je préfère Mestre<br /> <br /> <br /> que je consigne ici à l'encre sympathique<br /> <br /> <br /> pour quelque cœurs vivants demain !<br /> <br /> <br /> Les souvenirs masqués me rattrapent.<br /> <br /> <br /> Comme le pêcheur à qui le choeur dit :<br /> <br /> <br /> Parle ! Tu es d'ici ! C'était un mensonge.<br /> <br /> <br /> En moi présent et avenir coïncident.<br /> <br /> <br /> Je n'ai rien à perdre sauf à te préserver.<br /> <br /> <br /> Mais qui me lit en ce moment peut-être<br /> <br /> <br /> attend plus espère une pièce. La Fenice !...<br /> <br /> <br /> Troncs-fossiles engloutis qui culminent<br /> <br /> <br /> en dédale de fleurs pétrifiées. Le reste !<br /> <br /> <br /> L'ordinaire va-et-vient. Sur les eaux<br /> <br /> <br /> marcher. Que peut-il advenir ? Nous !<br /> <br /> <br /> Nous, passants, côté coulisses, revivant<br /> <br /> <br /> la beauté du phénix. Dont acte. Je préfère<br /> <br /> <br /> Mestre dépouillé. Une vie contre une vie.<br /> <br /> <br /> Je ne pouvais espérer plus.<br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
M
<br /> Le lien...:<br /> <br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=aasmFvu3KCE<br />
Répondre
M
<br /> Mais... Combien tout cela est difficile et que/quand l'on a une famille...<br /> <br /> <br /> que l'on m'épargne d'avoir à choisir un camp! Je pense à tous ceux qui ne pensaient pas comme ça, ignoraient tout des aboutissements... sûre que Dieu n'existe pas !<br />
Répondre
I
<br /> VIVRE.<br />
Répondre

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